Traduit par Jean Pouilloux en 1960, cette inscription grecque retrouvée dans le temple d'Héra à Samos en Asie Mineure, est un décret de la cité visant à honorer le bienfaiteur Boulagoras. Samos est une vieille cité de tradition grecque qui connut l'impérialisme athénien au V siècle (il ne s'agit donc pas, au III siècle, d'une terre d'hellénisation). Dès 281, suite à la défection de Lysimaque, Samos passe aux mains du pouvoir lagide qui contrôle une bonne partie des ports de la côte égéenne du Sud-ouest de l'Asie Mineure. En 243, la cité de Samos est soumise à l'autorité de Ptolémée III, devenu roi lagide en 246. L'île, se situant en Ionie, est un site primordial pour les Ptolémées, dans cette région où la dynastie lagide et la dynastie séleucide s'affrontent. Pour autant la cité de Samos semble jouir d'une certaine autonomie concédée par les Lagides: ses institutions démocratiques fonctionnent librement (ce décret en constitue une preuve) et la littérature n'évoque pas de gouverneur lagide résidant à Samos. De même, aucune source ne fait état de la présence d'une garnison lagide sur l'île. En fait, le statut de la cité demeure assez flou.
Le présent décret des Samiens en l'honneur d'un des notables de leur cité, ne comporte pas d'originalité samienne dans sa construction et sa disposition. Il suit une forme typique d'un décret grec édicté par un conseil démocratique.
Ainsi, l'inscription débute des lignes 1 à 3 par l'intitulé exposant la décision du conseil, sur proposition d'Hippodamas, d'honorer Boulagoras pour ses services rendus. Ensuite, les lignes 4 à 12 reviennent sur la fructueuse ambassade de Boulagoras auprès du roi séleucide pour récupérer des terres spoliées. Puis les lignes 13 à 33, relatent le zèle du notable dans les diverses magistratures qu'il a occupées ainsi que sa générosité envers la cité au sein des commissions d'achat de blé de Samos. Enfin, des lignes 34 à 38, les honneurs du couronnement et de la proclamation lors des Dionysies sont décrétés ainsi que les modalités de publication du décret.
Dès lors, on se demandera dans quelle mesure Boulagoras est un riche citoyen bienfaiteur étroitement impliqué dans les affaires samiennes.
Pour cela, on verra, dans un premier temps, pourquoi Boulagoras est reconnu comme une figure du citoyen bienfaiteur par la cité de Samos. Puis, dans un second temps, on cherchera à éclairer les liens qui unissent les bienfaits de Boulagoras aux grands enjeux économiques et politiques de la cité samienne. Enfin, on se demandera si le recours à un riche évergète pour résoudre les problèmes samiens constitue ou non un aveu de faiblesse de la part de la cité de Samos.
[...] En effet, ces prêts suivent une logique de dons/contre-dons, sans perdre d'argent Boulagoras devient un citoyen de plus en plus apprécié. En définitive Boulagoras correspond à merveille à la figure de bienfaiteur (je n'emploi pas ici le terme évergète pour éviter la confusion avec ceux qui reçoivent, à proprement parlé, le titre d'évergète). En effet, il est un fonctionnaire dévoué et compétant qui remplit avec succès les tâches que le peuple lui confie. De plus il utilise sa richesse pour assurer le fonctionnement de la cité en vue de l'intérêt général. [...]
[...] Au-delà, cet épisode démontre à quel point les affaires samiennes sont en partie déterminées par la dynamique de conflit qui oppose lagides et séleucides sur la côte égéenne. À tel point que l'on peut se demander si les honneurs remis à Boulagoras ne relèvent pas d'un choix politique bien compris des samiens ) Le soutient de Boulagoras à la politique extérieure samienne La datation de cette inscription éditée en 243/2 permet de considérer ce décret dans un contexte précis. Depuis la mort d'Antiochos II en 246, le problème de la succession de ce dernier plonge l'empire séleucide dans la troisième guerre de Syrie aussi appelée guerre laodicienne. [...]
[...] Cette insistance rappelle son rôle de simple exécutant, la ligne 34 résume bien pourquoi Boulagoras est récompensé pour sa valeur et son zèle qu'il montre à l'égard des citoyens De même, on l'a vu, la richesse de Boulagoras est littéralement utilisée à la gestion de la cité ; elle pallie les insuffisances de la trésorerie samienne et rien d'autre. Cela est pratiqué sans états d'âme ou arrière pensée par la cité, par exemple le règlement des commissions d'achat de blé à Samos, édité plus tard en 200, stipule que se sont les plus riches qui doivent participer à ces commissions pour pouvoir avancer les fonds nécessaires en cas d'urgence. De plus, il est remarquable que ce règlement prévoie une batterie d'amendes et de sanctions financières en cas de fraude au sein des commissions. [...]
[...] En 243, la cité de Samos est soumise à l'autorité de Ptolémée III, devenu roi lagide en 246. L'île, se situant en Ionie, est un site primordial pour les Ptolémées, dans cette région où la dynastie lagide et la dynastie séleucide s'affrontent. Pour autant la cité de Samos semble jouir d'une certaine autonomie concédée par les lagides : ses institutions démocratiques fonctionnent librement (ce décret en constitue une preuve) et la littérature n'évoque pas de gouverneur lagide résidant à Samos. De même aucune source ne fait état de la présence d'une garnison lagide sur l'île. [...]
[...] Il n'est donc pas négligeable que les plus riches soient aussi portés aux responsabilités dans la mesure où on les sanctionne plus facilement. En réalité, à Samos, les élites de la haute magistrature sont désignées, choisies et contrôlées par le peuple. Quant aux plus fortunés, leurs richesses aident effectivement le fonctionnement de la cité, mais il semble bien qu'être riche ne donne à aucun moment le droit de contourner ou d'outrepasser le contrôle démocratique. Dans ce cas, peut-on encore soutenir que le recours aux évergètes constitue une caractéristique de la période hellénistique ? [...]
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