C'est l'opposition entre ces deux modèles que met en évidence ce débat fictif entre un Clunisien et un Cistercien, issu d'un Trésor d'anecdotes c'est-à-dire une compilation de textes qui a été établi par des savants du XVIIIè siècle qui, persuadés que tout a de la valeur, accumulent des matériaux dont des manuscrits. Il faut cependant noter que cette opposition est présentée sur un mode binaire en cherchant à différencier le plus possible les deux moines, un peu sur le mode de la distinction entre moine blanc (Cistercien) et moine noir (Clunisien).
Dès lors, on peut se demander en quoi ce texte permet de mesurer l'écart qui sépare ces deux visions du monachisme occidental. Nous allons donc voir que ce débat fictif met en évidence deux conceptions qui différent sur un point essentiel du monachisme : la rupture avec le siècle. Cette opposition est visible à travers 3 points que nous allons examiner : le partage du temps du moine entre prière et ascèse et les hiérarchies au sein de l'ordre.
[...] Le seul travail qui puisse être considéré comme manuel est la copie qu'ils exercent au scriptorium. C'est également le seul auquel il puisse se consacrer puisque l'office divin occupe presque toute la journée. C'est cette longueur de l'office qui explique également les adoucissements de la règle, comme par exemple l'introduction d'une nourriture plus copieuse et diversifiée. A l'inverse, le moine cistercien affirme aux lignes 14-15 : “Nous nous consacrons au travail de la terre [ ] et nous peinons en commun, côte à côte, nous et nos frères”. [...]
[...] Il est vrai que les Clunisiens possèdent l'une des plus grandes bibliothèques d'Occident où les ouvrages profanes côtoient les ouvrages religieux mais il paraît exagéré cependant d'affirmer que les moines clunisiens ne se consacrent qu'à la lecture des ouvrages profanes, ici désignés à la ligne 4 par le terme “livres des Gentils” : les Gentils désignent ici les nations païennes, à savoir les Grecs et les Romains avant la christianisation (Tite-Live, Ovide, Virgile Les Clunisiens justifient ce type de lecture en le considérant comme édifiant : “Nous avons coutume de lire les livres des Gentils afin d'acquérir grâce à eux une plus grande intelligence des saintes Ecritures” (lignes 4-5). La présence des auteurs païens est aussi justifiée par la formation littéraire et linguistique des moines. [...]
[...] Mais cette obéissance à l'abbé est plus marquée à Cluny car elle est la clé de voûte de l'ordre Entre les monastères La question de l'organisation du réseau monastique qui compose l'ordre est mise en avant par le Cistercien à travers une critique de la pratique clunisienne aux lignes 15-16 : “Notre règle prescrit qu'aucune église ou personne de notre ordre n'ose venir réclamer ou retenir de quiconque un privilège, et qu'aucune ne prétende dominer les autres organisations”. En effet, l'ordre clunisien est organisé comme un réseau de dépendance c'est-à- dire une organisation centralisée qui concentre tous les pouvoirs entre les mains de l'abbé de Cluny, représenté dans les maisons religieuses affiliées ou créées par un prieur révocable. L'abbé de Cluny est donc le chef de l'ordre et exerce une autorité unique et suprême sur tous les monastères affiliés. Ce système est en étroite symbiose avec la société féodale. [...]
[...] A l'inverse, la théorie cistercienne est une exégèse : le texte biblique fournit le cadre unique qui permet de comprendre l'homme, l'univers et les relations avec Dieu. Cette lecture doit amener à la méditation individuelle, plus valorisée que les offices communs : c'est la prière personnelle, c'est-à-dire une forme de prière qui peut surgir à n'importe quel moment de la journée. Fréquemment un moine attrape un mot de l'office ou reprend le texte de l'Evangile du jour et cette parole de Dieu nourrit sa prière pendant la journée Le silence Cette conception fait que la vie cistercienne est tournée vers le silence, qui permet de mener à la restauration en soi de l'image de Dieu et au salut de l'âme : le moine cistercien est avant tout un pénitent qui pleure ses péchés et ceux des autres. [...]
[...] Les relations entre ces différentes abbayes sont codifiées dans la Charte de Charité, rédigée par Etienne Harding, abbé de Cîteaux de 1109 à 1133. Elle se caractérise par deux points essentiels : - Tout monastère est indépendant mais soumis au regard de l'abbé de la maison qui l'a fondé. Cet abbé doit le visiter au moins une fois par an. - Le Chapitre Général réunit tous les ans les abbés de tous les monastères de l'ordre pour prendre des décisions. [...]
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