Une des difficultés principales de l'étude de la religion grecque ancienne trouve son origine dans l'inadéquation de nos concepts à ce domaine d'activités et de pensée. A ces concepts, correspondent évidemment des mots pour les dire. Un exemple : les Grecs anciens n'ont pas de mot qui traduise de façon satisfaisante notre mot 'religion'; ce qui n'est certes pas une raison pour ne les pas croire "religieux". Ce n'est certainement pas non plus le signe d'une pauvreté de vocabulaire : la langue grecque possède, par exemple, quatre verbes pour désigner le fait d'offrir un sacrifice (et d'autres pour dire 'faire une libation', qui est une phase du sacrifice).
Il vaut mieux voir dans cette différence les effets d'une plus ou moins grande attention portée à des éléments du "religieux". C'est ainsi que le grec dispose de quatre mots, pour nous fort proches les uns des autres, pour rendre des idées fondamentales, et que nous avons bien de la peine à traduire par des mots ou même des expressions assez simples. Le grec possède quatre mots hieros, hosios, hagios et hagnos, que l'on traduit selon les contextes pas 'saint' ou par 'sacré'; ces mots reçoivent en outre d'autres traductions ; hagnos, par exemple, celle de 'chaste', ou hosios celle de 'profane'. L'étude de ces quatre termes permet de pénétrer plus avant, au cœur de la pensée religieuse grecque.
[...] On peut sans trop de paradoxes soutenir que le monothéisme correspond à une demande, à une exigence métaphysique inhérente au polythéisme, alors que le monothéisme "secrète" des tendances polythéistes par la simple constatation de la multiplicité des formes et des moyens d'action du sacré. La pensée religieuse antique semble constamment aller d'un pôle à l'autre. Sa progression du multiple à l'unique est exprimée de la façon la plus juste dans un passage de la Srhad-aranyaka-upanishad (Inde polythéiste) : - Combien de dieux? demande un brahmane au célèbre Yajnavalka. - 303 et 3003, répond Yajnavalka. - Oui, mais combien vraiment? [...]
[...] Il y a aussi le couple d'enfants Apollon-Artémis: modèle de la jeunesse; c'est pour eux que dansent, les garçons et les filles de Délos et ailleurs. La paire Athéna-Héphaïstos exprime un lien de caractère fonctionnel: divinités de l'artisanat et du savoir-faire technique, elles reçoivent parfois un culte commun; Athéna (dite Héphaïstia) a sa statue dans l'Héphaïstéion. On peut ajouter les couples Ares-Aphrodite, Déméter-Korè, Hermès-Aphrodite . chacun est explicable de façon différente, mais ils se ramènent tous à deux types: soit ils sont de nature fonctionnelle, soit ils se justifient par la mythologie. [...]
[...] On voit que hosios s'applique tout à la fois à la qualité morale de la vie de l'homme en société qu'à celle des relations de l'homme avec le divin, Substantif. Une notion importante est celle de l'ordre religieux antérieur des choses. Cet ordre inclut tout à la fois le cosmos, les dieux et l'homme. Comme on le voit donc, les dieux ne sont pas tout; il existe en effet pour le Grec un ordre englobant le cosmos et l'homme, donc une réalité impersonnelle distincte des dieux. [...]
[...] Chez Homère, il rend une idée de force, de puissance; il gardera ce sens de base en y ajoutant que ces qualités lui viennent du sacré. À l'époque classique, il s'applique à deux catégories de choses; - à celles qui possèdent naturellement cette qualité d'être hieros ; - à celles qui l'ont acquise par la consécration par un homme ou une communauté (par exemple le cas des temples). À la première catégorie appartiennent, par exemple, les "armes sacrées" des éphèbes ; c'est le cas aussi d'objets d'origine surnaturelle, qu'ils soient mythiques (le lit sacré de Zeus dans la Théogonie d'Hésiode) ou matériels (celui d'Athéna dans le temple d'Athéna Aléa à Tégée) (dans ces deux cas 'sacré' traduit ‘hieros'). [...]
[...] Les éléments constitutifs du culte, au premier rang desquels le sacrifice, ont pour fonction, entre autres, de replacer l'homme dans cet ordre qui le dépasse. Au pluriel, les hosia désignent les devoirs à rendre aux morts; le terme s'oppose aussi aux hiera en ce que les hiera sont d'essence divine alors que les hosia sont d'essence humaine. Hagios Les nombreux" toponymes de la Grèce moderne commençant par Haghios, comme, par exemple, Haghios Nikolaos (St Nicolas), témoignent de ce que le mot a servi au christianisme à rendre 'saint'. [...]
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