L'ancienne Suse se situe au Nord-Ouest de la plaine du Khuzistan, au sud-ouest de l'Iran. La région prolonge la plaine mésopotamienne, elle est reliée aux montagnes du Mont Zagros par les fleuves Karun, Diz et Kharkheh. Suse fut fondée sur les rives de la rivière Chaour, plus de mille ans après l'apparition de villages permanents. Le site fut occupé de 4000 av. J.C jusqu'au XIII ème siècle, au moment de l'invasion mongole. Les ruines de Suse dominent les plates terres alluviales environnantes.
La cité, ancrée en plein Elam, avait une situation de charnière : elle se trouvait à cheval sur deux anciens royaumes, et participait des deux : les royaumes et territoires tribaux de Sumer, de Babylonie et d'Assyrie, ainsi que les Etats élamites des montagnes iraniennes, et surtout l'ancien royaume d'Ansan. La région montagneuse du Luristan ( ou Fars ) allait devenir le foyer de la civilisation d'Elam aux III ème et II ème millénaires av. J.C., et Suse sa capitale. En 646 av. J.C. elle fut conquise par les Assyriens, avant de passer sous la domination perse des rois achéménides (qui se proclamaient originaires d'Ansan) à partir de 559 av. J.C., et ce pendant près de 230 ans.
Sous Cyrus II, le premier véritable fondateur de la dynastie achéménide, Suse n'avait pas été modifiée sur le plan urbanistique, sa configuration était restée celle qui existait à l'époque élamite. C'est sous Darius Ier (522 av. J.C - 486 av. J.C.), qui assit la puissance de la dynastie et étendit à leur maximum les limites de l'empire perse, que cet état de choses prit fin. La culture achéménide jusqu'alors absente apparaît soudain comme venue de nulle part. En effet, Darius choisit de faire de Suse, cette antique cité à la culture originale et duale, sa capitale permanente, au même titre que trois autres villes situées au coeur de l'empire : Pasargades, Persépolis et Ecbatane. Pour ce faire, il entreprit de remodeler totalement la ville à partir d'une butte anciennement occupée, un tell qui ferait office de terrasse, qui servirait de base aux fondations.
On peut difficilement dater le début des travaux, mais il est sûr que, d'une part ceux-ci durèrent longtemps, et que, d'autre part ils se prolongèrent après la mort de Darius sous l'égide de ses successeurs, principalement Xerxès son fils et Artaxerxès II. Une autre quasi-certitude est que Darius aurait été, avec ses conseillers, à l'origine de l'ensemble du plan de reconstruction de la cité.
La ville une fois remaniée était organisée en trois terrasses ou surélévations, de 13 ha au total, reliées les unes aux autres ; on distingue le palais que jouxte une salle d'audience ou Apadana, les quartiers résidentiels et la forteresse ou Acropole. La cité n'avait pas à proprement parler de fortifications, mais sa position de citadelle permettait d'y constituer une défense (cf. Photo 1).
C'est le palais de Suse qui abritait les appartements du Grand Roi. Et c'est dans ce palais notamment qu'on retrouve enfouies ce que l'on appelle les chartes de fondation de Suse, qui sont plus exactement celles du palais. On a retrouvé deux tablettes, l'une écrite en élamite (Dsz), l'autre en akkadien (Dsaa), étaient situées de part et d'autre du passage menant à la chambre supposée être celle du roi, dans ses appartements (partie ouest du palais). Il existe également une version trilingue en vieux-perse (Dsf), dont un exemplaire en argile bien conservé se trouve au Louvre (réf. Sb 2789). Cette version est une des premières inscriptions de Darius.
Enfin, le texte des chartes se trouvait aussi sur les murs du palais et dans l'Apadana, sous diverses formes : tablettes en argile cuite, blocs de pierre, briques à glaçures, cylindres d'argile, etc... Tous ces exemplaires étaient destinés à être vus.
On doit donc parler des chartes - et non de la charte, de fondation, d'autant plus qu'il existe quasiment autant de variations dans le texte qu'il y a d'exemplaires de ce document. En effet aucune inscription n'est formellement identique aux autres. Mais hormis le fait que tous traitent du même sujet et sont donc regroupées sous la même appellation par les chercheurs, les textes relatifs aux fondations insistent unanimement sur les points suivants ( dans l'ordre linéaire) : la construction de Suse par Darius, lequel mentionne son ascendance royale et se présente comme le continuateur et restaurateur de la dynastie achéménide (dont Hystaspe serait à l'origine, toujours selon Darius) ; les moyens matériels et humains employés pour l'oeuvre susienne ; la diversité des peuples et des pays engagés pour refonder la cité est mise en exergue et constitue la majeure partie du corps du texte ;valorisé également est le rôle de maître d'ouvrage joué par Darius, cela étant précisé à la fois au début et à la fin des inscriptions. Enfin il est important de noter que Darius (qui parle à la première personne) invoque Ahura-Mazda, dieu par la grâce duquel il aurait mené à bien l'édification de la ville.
En fait les divergences tiennent le plus souvent au nombre des groupes ethniques cités et des pays qui auraient contribué -par l'envoi d'ouvriers, artisans, ou matières premières, à l'entreprise. A part cela il s'agit de différences d'expression ou simplement de traductions. Par exemple, dans Dsz, le texte cite seize peuples ayant fourni matériaux et forces de travail, et huit dont les artisans ont oeuvré sur les chantiers. Mais dans la version akkadienne (Dsaa) enfouie à la même date, 23 pays sont énumérés. La version trilingue en vieux perse (Dsf) est encore différente (cf. Photo 2). En voici le résumé, auquel on pourra se référer, tiré de l'ouvrage collectif La cité royale de Suse (éditions Réunion des Musées nationaux, 1992) : « [l'inscription] invoque Ahura-Mazda, le dieu créateur du ciel, de la terre et de l'humanité, et le roi Darius ; elle énumère les titres et la généalogie de Darius l'Achéménide, et introduit le reste du texte comme étant de Darius lui-même. Le roi déclare que , du vivant même de son père, Hystaspe, et de son grand-père, Arsame, Ahura-Mazda lui accorda l'empire. Son palais de Suse fut construit avec des matériaux importés de loin et il décrit les premières étapes de la construction, les matériaux utilisés, les peuples et les nations qui ont pris part au transport des matériaux et qui les ont travaillés. Les ouvriers babyloniens ont creusés des fondations qu'ils ont comblées en entassant des moellons. Des poutres furent importées du Liban, à l'ouest, et du Gandhara et de Carmanie, à l'est ; de l'or de Sardes, à l'ouest, et de Bactriane, à l'est ; de l'ivoire d'Egypte et d'Ethiopie à l'ouest, et du Sind et d'Arachosie à l'est, et ainsi de suite ; les colonnes de pierre furent extraites de carrières proches, en Elam. Parmi les artisans, il y avait des tailleurs de pierre venus d'Ionie et de Sardes, des orfèvres de Médie et d'Egypte, des charpentiers de Sardes et d'Egypte, des maçons (pour les briques)de Babylonie, etc...Proclamant l'excellence de l'ouvrage commandé à Suse et l'excellence de sa réalisation, Darius conclut le texte par une prière qui implore la protection d'Ahura-Mazda, sur lui et sur son père, Hystaspe. »
Quoi qu'il en soit, et malgré ces différences, il est clair que chaque texte se devait de montrer que l'oeuvre conduite par Darius avait été réalisée grâce à la contribution des peuples de tout l'empire ; que cette oeuvre était représentative à la fois de l'unité et de la diversité de cet empire (unité politique, diversité culturelle) ; qu'elle faisait éclore un art (architectural, décoratif) proprement royal achéménide ; et qu'enfin elle devait exalter, de par même ce caractère représentatif et artistique, la puissance du Grand Roi. Ce dernier point, on le verra, constitue l'essence même de la reconstruction et du nouveau visage de Suse.
[...] La cité n'avait pas à proprement parler de fortifications, mais sa position de citadelle permettait d'y constituer une défense (cf. Photo 1). C'est le palais de Suse qui abritait les appartements du Grand Roi. Et c'est dans ce palais notamment qu'on retrouve enfouies ce que l'on appelle les chartes de fondation de Suse, qui sont plus exactement celles du palais. On a retrouvé deux tablettes, l'une écrite en élamite l'autre en akkadien (Dsaa), étaient situées de part et d'autre du passage menant à la chambre supposée être celle du roi, dans ses appartements (partie ouest du palais). [...]
[...] A la diversité des peuples et des pays cités dans les inscriptions répond la grande variété des références culturelles de tout l'empire dans l'architecture et le décor de Suse. Mais il ne faut jamais oublier que ces références ont été récupérées dans un sens aulique et dans le but d'exalter les vertus du Grand Roi, lui qui a rétabli l'harmonie sur terre, maté les peuples rebelles porteurs de mensonge. Ainsi par exemple la partie sud du palais de Suse est-elle traitée à la manière mésopotamienne, alors que finalement ce même palais symbolise la domination d'une dynastie perse. [...]
[...] De capitale de l'Elam, elle devint capitale royale achéménide. Et quoi de mieux qu'une cité symbolique et réputée pouvait manifester la grandeur d'un roi? Or Darius ne dit pas dans les chartes qu'il a reconstruit le palais de Suse (et donc Suse), mais qu'il l'a construit, comme si l'architecture de la cité avait émergé du néant. En fin de compte le Grand Roi a joué sur la contradiction : user du prestige passé pour créer et asseoir un prestige nouveau, occulter sur quoi se fondait la gloire de Suse et en même temps montrer qu'elle fut dignement perpétuée par un roi continuateur et restaurateur des royaumes disparus. [...]
[...] Il ne s'agit pas pour le Grand Roi de nier les différents héritages, mais plutôt au contraire de les intégrer dans une conception perse et achéménide du monde. Les chartes de fondation révèlent cette volonté de façon éloquente, puisque les pays les plus cités sont en fin de compte ceux dans lesquels Suse trouve ses racines les plus fortes : Babylone (Mésopotamie), la Médie, l'Egypte. La reconnaissance de la diversité culturelle de l'empire Mais si le but de Darius était de fonder une dynastie intégratrice des divers apports culturels des peuples de l'empire, a contrario le Grand Roi se devait de promouvoir leur individualité, leur propre génie, en bref leur originalité. [...]
[...] Les ouvriers babyloniens ont creusé des fondations qu'ils ont comblées en entassant des moellons. Des poutres furent importées du Liban, à l'ouest, et du Gandhara et de Carmanie, à l'est ; de l'or de Sardes, à l'ouest, et de Bactriane, à l'est ; de l'ivoire d'Egypte et d'Ethiopie à l'ouest, et du Sind et d'Arachosie à l'est, et ainsi de suite ; les colonnes de pierre furent extraites de carrières proches, en Elam. Parmi les artisans, il y avait des tailleurs de pierre venus d'Ionie et de Sardes, des orfèvres de Médie et d'Egypte, des charpentiers de Sardes et d'Egypte, des maçons (pour les briques)de Babylonie, etc . [...]
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