Il faut d'abord se demander les raisons qui ont poussé les grecs à fonder une telle cité à cet emplacement puis, dans quelle mesure ils y ont affirmé, si loin de la Grèce, leur héritage culturel. Autrement dit, il faut se demander si Aï Khanoum n'est resté que la transposition d'un modèle grec en Asie centrale ou bien si, au fil du temps, au contact des cultures locales, elle se construisit une véritable originalité. Aussi, nous verrons dans un premier temps en quoi le choix du site est raisonné et caractéristique des exigences des urbanistes grecs. Puis, nous verrons en quoi la cité reflète le monde grec et comment les colons ont cherché à affirmer leur héritage culturel. Enfin, nous verrons en quoi ceux-ci, n'hésitant pas à emprunter aux cultures locales, ont élaboré une véritable originalité gréco-bactrienne
[...] Mais les colons pratiquèrent aussi l'usage grec qui accorde aux bienfaiteurs de la cité le privilège d'être enterrés à l'intérieur de la ville, au milieu des vivants, pour rester présents dans leur mémoire. C'est ce qui fut fait pour deux citoyens dont les mausolées en forme de petits temples se dressaient près de l'entrée du palais. Le plus récent, entouré d'une rangée de colonnes, étaient le plus monumental. L'autre, plus ancien et plus simple, avec sa modeste façade décorée de deux colonnes en bois, contenait le corps d'un certain Kinéas, un des fondateurs macédonien de la cité. [...]
[...] Les toits plats étaient en terre comme dans l'architecture orientale, mais bordées de tuiles à la grecque. Les plans sont largement inspirés de l'architecture orientale d'Asie centrale mais le décor reste fidèle à l'esthétique grecque. Le caractère royal ou aristocratique se manifeste aussi dans d'autres lieux : la présence au théâtre de places d'honneur à mi-pente, aménagées dans de grandes loges révèlent aussi une structure sociale plus hiérachisée et un effacement des valeurs démocratiques. De même, la maison fouillée au sud du palais dans le quartier d'habitation est de type patricien et présente un plan étranger à celui de la maison grecque qui s'ordonne autour d'une cour centrale. [...]
[...] D'ailleurs, la position d'Aï Khanoum avait déjà été exploitée à l'époque achéménide par une ville de plan circulaire à deux kilomètres à l'Est. La cité est située aux débouchés des routes de pénétration dans le Badakhshan riche en lapis-lazulis et en or. Ses valées verdoyantes, ses pâturages (avec son bétail) et sa richesse agricole étaient célèbres dès l'antiquité. Pour preuve, le témoignage de Strabon : Mais que l'homme prenne la peine de l'irriguer, toutes les cultures y poussent en abondance, à l'exception de l'olivier Ainsi, la cité contrôlait un territoire agricole irrigué par un vaste système de canaux. [...]
[...] Vers 130 av JC, une vague d'invasions nomades submerge la région et la ville d'Aï Khanoum est abandonnée. Aï Khanoum tepe (nom local pour butte de Dame Lune constitue une sorte de bout du monde, dans un cadre majestueux (actuel Afghanistan du Nord). Nulle autre agglomération ne s'est développée à l'emplacement de la cité. Grâce à cet isolement, le site à été remarquablement protégé et n'a été signalé que par un unique voyageur, le colonel Wood, entre 1836 et 1838. [...]
[...] L'irruption des armées d'Alexandre dans la région (329-327 av JC) se traduisit d'abord par une véritable catastrophe : politique de la terre brulée menée par Bessos, répression brutale par Alexandre. A l'exception de la capitale, toutes les villes sont détruites. Aussi, Alexandre fonde une dizaine de colonies militaires puis, sous ses successeurs, la Bactriane est reconstruite grâce à une forte colonisation. Pendant un siècle et demi, elle devient le cœur de la domination grecque. D'abord province de l'empire séleucide, elle s'érige ensuite en royaume indépendant, le royaume gréco- bactrien. Durant cette époque, Bactres est aggrandie et Aï Khanoum fondée. [...]
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