Examiner les formes et les expressions diverses qu'a pu revêtir la poliorcétique mésopotamienne amène nécessairement à poser un certain nombre de questions dont l'évaluation rend compte d'une réalité proprement indigène. Par-là, nous entendons simplement savoir si, de par son cadre naturel typique, son tissu urbain singulier ainsi que les
techniques de construction et d'architecture militaire particulières qu'elle a adoptées, la
Mésopotamie a été un théâtre d'opérations original en matière de poliorcétique. Tous ces éléments semblent en effet avoir été autant de facteurs déterminants dans le développement et le perfectionnement de cette poliorcétique comme dans l'art de s'en protéger. Ces deux « acteurs » majeurs fixent déjà en quelque sorte les limites d'une première interrogation, la plus simple, celle qui consiste à savoir, en Mésopotamie, quand et comment peut-on parler de la poliorcétique ? Mais cette question en anticipe déjà d'autres : la poliorcétique fait-elle systématiquement partie intégrante d'un conflit armé ? A-t-elle un caractère nécessaire dans le cadre d'une politique de guerre de conquête ? Présente-t-elle des modes opératoires tactiques distincts selon les objectifs stratégiques définis par la politique de conquête assyrienne ?
[...] Par trop lacunaire, la documentation de ces époques du Bronze ancien ne rend donc certainement pas complètement compte des implications concrètes de la poliorcétique dans la guerre. Au point même parfois 22. Les fouilles de nombreux sites du Proche-Orient du Bronze ancien nous ont révélé que les architectes avaient rapidement conçu des défenses et des fortifications très développées. Citons l'exemple des balcons saillants qui assuraient des zones de déploiement pour les tireurs. Ils pouvaient alors aussi bien permettre de couvrir le rempart que de pouvoir maintenir la position d'un tir de barrage. [...]
[...] Nous verrions là, avec toutes les réserves permises, un certain retard du phénomène de l'attaque dans la mesure où la défense était devenue tellement efficiente qu'elle rendait dérisoire l'usage de ces engins. A l'époque néo-assyrienne, les données seront presque inversées Citons notamment l'adoption croissante des enceintes dédoublées et des acropoles fortifiées (Zinjirli), des poternes (dans le monde syro-hittite), des tours de garde fortifiées accolées au rempart ou indépendantes (la ville de Ñasanlu, près du lac d'Urmia, qui possédait un second mur puissamment fortifié avec pas moins de trente tours). Notons que Y. Yadin situe à cette période les cas les plus significatifs de fortifications casematées en Palestine. [...]
[...] Dans cet ordre d'idée, plusieurs historiens de la guerre ont vu, dans l'émergence d'un tel phénomène, l'une des réactions les plus abouties à Cf. M. Sauvage in JOANNÈS 2001 : 339. Tel était le cas à Qaøna. Cf. Ibid., : p La nature de la levée de terre de Hazor nous est d'ailleurs bien connue : le noyau central y est composé de deux murs parallèles en briques crues reliés par des murs transversaux, l'intérieur étant rempli de pierres et de terres alors que les pentes sont composées de tranches verticales de remblai dont les couches (de pierre et de terre alternativement) sont inclinées vers l'intérieur Signalons que la ville pouvait accueillir une population estimée à environ 40.000 habitants. [...]
[...] JOANNES 1991 : 81- Outre l'utilisation de tours, d'échelles et de grappins, il faut évoquer ici l'ancêtre de la rampe d'assaut qu'affectionneront particulièrement les Assyriens au Ier millénaire. Le verbe epëru(m), construit sur eperu(m) (terre meuble) dénote ce mode opératoire. Le document ARM XXVII, 141, 8-12, dont l'auteur de la lettre est Zimrï-Addu, souligne la construction d'une contre-rampe à l'intérieur de la ville, le tout face aux tours et à la rampe de l'ennemi. Ces travaux de terrassement concernaient peut-être seulement le rempart lui-même afin qu'il conserve une position dominante. [...]
[...] De prime abord, nous aurions tendance à voir dans la poliorcétique un simple conflit impliquant une partie de l'armée régulière assyrienne lancée à l'assaut d'une ville sise sur un 3 Cf. EPH'AL 1983 : 91-96. Une fois que l'empire assyrien s'était solidement constitué, il y eut une régression des batailles rangées la réputation d'invincibilité de l'armée assyrienne sur le terrain œuvrant en ce sens au profit de la poliorcétique qui ne cessa dès lors d'être perfectionnée. L'impressionnante capacité des troupes d'assaut assyriennes à s'emparer et se rendre maître des cités en si peu de temps, nous confirme que, en gardant à l'esprit la propension à l'exagération bien connue des Annales, bien peu de villes pouvaient réellement espérer résister durablement à un siège mené par les Assyriens. [...]
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