Le texte que nous allons commenter, extrait des Discours pour Milon (Pro Milone en latin), écrit par Cicéron en 52 av. J-C, est à l'origine, avant sa réécriture une plaidoirie de Cicéron en faveur de Milon, accusé de l'assassinat de Clodius Pulcher. Cicéron, homme d'état romain et auteur latin d'un abondante production, fut également un juriste reconnu. Entré dans la carrière politique en « homo novus », il suivit les différentes étapes du cursus honorum, tout en établissant une réputation d'avocat impartial et engagé contre la corruption. Proche du parti conservateur des optimates, il est élu consul pour l'année 63. Charge pendant laquelle il sauvera la République en faisant échoué la conjuration de Catilina, adversaire politique du camps des populares (proche du César), qui fomentait un coup d'état. En 58, le tribun de la plèbe Clodius Pulcher, qui lui voue une haine tenace depuis que Cicéron l'a confondu en 62 dans l'affaire de la Bona Dea, le fait exiler sous prétexte de procédés illégaux dans le jugement établi contre les partisans de Catilina. Soutenu par le nouveau tribun de la plèbe Titus Annius Milon, Cicéron peut rentrer triomphalement à Rome un an et demi plus tard. Le sénat l'indemnisera pour la perte de ses biens, maison détruite, terrain spolié, occasionnés par Clodius. Mais les luttes politiques dégénèrent en affrontement violents entre groupes partisans des populares (Clodius, César) et des optimates (Milon, Cicéron, Pompée), empêchant la tenue normale des élections et mettant la République au bord de la guerre civile qui éclatera finalement deux ans plus tard en 50 av. J-C. Cette période de crises est un moment décisif dans l'histoire de Rome ; les règles institutionnelles se retrouvent bafouées par les ambitions personnelles de quelques individus. Un nouvel instrument de pouvoir apparaît dans cette lutte: les factions armées, capables de mettre en péril l'unité sociale de la République jusque dans son organisation politique risquant de la plonger dans le chaos de l'anarchie. C'est pour rappeler ce contexte d'instabilité politique que Cicéron entame sa plaidoirie en faveur de Milon par cet adresse au tribunal : « Si un président et des juges également éclairés et intègres ont été choisis pour composer ce tribunal et prononcer dans ce jugement, il ne vous reste plus qu'à rechercher qui des deux est l'agresseur. » Pour toutes ces raisons historiques, l'attitude de Cicéron est bien plus dépendante des conflits d'intérêts en jeux entre les différentes factions que ce qu'il ne laisse entendre, s'agissant là de l'histoire des haines personnelles qui reflètent et illustrent celle des mouvements politiques qui s'affrontent alors, illustration de la lutte acharnée qui oppose les grands chefs du moment, plus soucieux de leur gloire personnelle que de celle de Rome. Nous allons donc étudier à partir de cet extrait comment Cicéron, tout en évitant les problématiques politiques et sociales d'organisation de la République que soulève Clodius et les populares, va dans sa défense de Milon, construire un témoignage à charge contre Clodius, victime devenant accusé. Nous verrons dans une première partie que lorsqu'il dit « daignez écouter avec attention le récit des faits : je vais les exposer en peu de mots », l'intention de Cicéron était de présenter au tribunal en quoi Clodius restait pour lui l'unique fauteur des troubles. Nous pouvons voir dans une deuxième partie que cette plaidoirie était nécessaire à Cicéron pour prouver à Rome l'utilité de l'acte de Milon. L'image qu'il propose de la situation nouvelle créée par la disparition de Clodius est celle d'une république revenue à ses anciennes maximes, où l'on ne voit que loyauté, courage et respect des lois et de la justice.
[...] Pompée prit peur et en 57 décida à faire rappeler Cicéron. Après le départ de César en Gaule, Clodius était devenu quasiment le maître de Rome, grâce à l'action de sa bande de nervis. Un tribun du parti des optimates fut nommé pour le contrer. Titus Annius Milo était un homme politique romain de la fin de la République romaine. Né à Lanuvium dans le Latium il était issu d'une famille d'origine obscure, jouissant de la citoyenneté romaine, mais sans ancêtre ayant exercé une magistrature à Rome. [...]
[...] Il ne faisait aucun doute pour Cicéron de la nature des intentions de Clodius. Un complot pour attenter à la vie de Milon existait bel et bien : en effet, Clodius répétait en public qu'on ne pouvait arracher le consulat à Milon, mais qu'on pouvait lui arracher la vie. Il le laissa entendre plusieurs fois au Sénat ; il le dit clairement dans l'assemblée du peuple Pour en rajouter dans ces accusations, Cicéron n'oublia pas de rappeler cet échange rapporté par Caton lui-même présent lors du procès, que Favonius, demandant ce qu'il pouvait attendre de ses fureurs du vivant du Milon Clodius lui répondit que dans trois jours au plus, Milon serait mort Or au début de 52, le 20 janvier, se produisit un événement qui contrairement à ses souhaits compromit plus gravement encore le fragile équilibre dans lequel Cicéron mettait son espoir. [...]
[...] Il devenait de plus en plus évidente qu'un gouvernement fort était nécessaire pour la conduite des affaires. Clodius briguait la préture pour 52 et Milon le consulat (avec l'appui du Sénat pour écarter Pompée soupçonné d'aspirer à la dictature). Pour cette raison Cicéron déclara (L10-14) que Clodius cherchant à disposer d'une année entière de mettre en pièces la République, il se désista tout à coup cette année-là qui était la sienne et se réserva pour l'année suivante, non pas, comme il arrive, en raison de quelques scrupules religieux, mais afin de disposer, à ce qu'il disait lui-même, pour exercer la préture, c'est-à-dire pour bouleverser l'Etat d'une année entière et complète Les désordres à Rome retardaient les élections et exacerbaient les compétitions électorales. [...]
[...] En effet, si la condamnation de Milon à l'exil fut dictée par le désir général de retrouver la paix dans la vie publique et de mettre fin aux violences perpétuelles qui la paralysaient, la première conséquence fut la rupture du triumvirat La disparition de Clodius et Milon laissa Pompée face à face avec les sénateurs, qui très vite s'allièrent. Une situation nouvelle qui aboutira deux ans plus tard à la guerre civile. Bibliographie P.-A. Brunt, Conflits sociaux en république romaine, trad.fr- Librairie François Maspero, Paris J.-M. David, La République romaine, Seuil, Paris F. [...]
[...] La violence politique du populaire Clodius Introduction Le texte que nous allons commenter, extrait des Discours pour Milon (Pro Milone en latin), écrit par Cicéron en 52 av. est à l'origine, avant sa réécriture une plaidoirie de Cicéron en faveur de Milon, accusé de l'assassinat de Clodius Pulcher. Cicéron, homme d'état romain et auteur latin d'une abondante production, fut également un juriste reconnu. Entré dans la carrière politique en homo novus il suivit les différentes étapes du cursus honorum, tout en établissant une réputation d'avocat impartial et engagé contre la corruption. [...]
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