Monument «le plus émouvant légué à Lyon par l'Antiquité» selon Amable Audin, spécialiste du monde gallo-romain de Lugdunum (Lyon), les tables claudiennes ont été retrouvées au XVIe siècle - en 1528 exactement - dans le quartier de la Croix-Rousse (à l'angle nord-est de la rue Pouteau pour ceux qui connaissent Lugdunum). Leur appellation au pluriel est traditionnelle, mais il serait sans doute plus exact de parler de «la table claudienne».
Cette plaque de bronze, fendue verticalement par le milieu, présente une partie du discours de l'empereur Claude au Sénat en 48 qui imposait l'ouverture du sénat romain aux notables romanisés des provinces de l'ancienne Gaule chevelue, action souvent interprétée comme la concession du ius honorum (droit d'éligibilité) qui aurait manqué à la citoyenneté romaine conférée à ces Gaulois.
Si pour l'essentiel nous suivons l'argumentation de Claude telle qu'elle se présente au fil du texte, nous nous référons, pour éclairer ce discours, à la retranscription de Tacite "Discours pour l'octroi du ius honorum au Gaulois", afin de comprendre dans quelle mesure le discours de Claude inscrit sur les tables claudiennes est-il empreint d'un regard nouveau sur l'Empire et de la volonté de soutenir cette vision d'une envergure nouvelle face à un sénat méfiant et fort de préjugés profonds ?
[...] b - quel rôle pour le sénat à l'heure de l'Empire ? Ainsi, selon son discours, ces nouveaux sénateurs doivent pouvoir «faire honneur à la curie», c'est l'essentiel. On peut évidemment se demander en quoi le sort de la curie peut importer au prince, puisqu'il est empereur et maître : ce n'est, après tout, que par courtoisie qu'il a réuni le sénat pour délibérer . Claude exerce la charge de Censeur, c'est dans le cadre de cette fonction qu'il révise l'album sénatorial. [...]
[...] On peut supposer que ce discours a été prononcé autour du 15 août 48, si l'on admet que le conseil Fédéral des Trois Gaules, réuni le 1er août envoya une délégation chargée de la requête, et que Claude dut partir à Ostie fêter les Vulcania, qui se déroulaient du 17 au 27 août. Le discours de Claude est gravé sur une plaque de bronze large de 1.93 mètre et haute de plus de 2.50 mètres. Historiquement, l'envergure du bout de roche est à la mesure de l'importance de la découverte. L'ouvrage, comme le sanctuaire ou l'amphithéâtre, tombe dans l'oubli après la chute de l'empire romain. Année après année, les monuments gallo-romains s'enfoncent dans la terre et disparaissent . [...]
[...] les Eduens obtinrent les premiers le droit de siéger au Sénat de Rome») laisse supposer que ces mesures furent étendues peu à peu. Enfin, on ne connaît pas la portée réelle de ce texte, et les études laissent à penser que le nombre effectif de sénateurs d'origine gauloise reste faible. Ainsi, comme le dit John Devreker lors d'un colloque en novembre 1992 : «l'importance de l'acte de Claude ne résidait pas dans son effet numérique, mais dans la promulgation d'un nouveau principe», nouveau principe seul à même de garantir la pérennité de l'Empire, et qui rencontrera finalement le succès. [...]
[...] C'est donc une argumentation quelque peu biaisée que développe Claude, mais le but est atteint : souligner la fidélité des vaincus, notion d'une importance capitale pour les Romains depuis leurs premières conquêtes. On peut rappeler le discours des émissaires romains aux Étoliens, dans Tite-Live, sur la destruction de Capoue : «que toutes les nations sachent que leur fortune dépend de leur conduite envers nous» : la fidélité à Rome est tout. Cette longue fidélité devrait donc à elle seule justifier l'intégration au rang des Romains optimo iure (le droit de postuler aux honneurs) : on peut d'ailleurs noter chez Tacite les raisons qui mènent à accepter les Eduens* au sein du sénat : «Cette faveur fut accordée en raison de l'ancienneté de leur alliance et du fait qu'ils sont les seuls parmi les Gaulois à porter le titre de frères du peuple romain». [...]
[...] b - au-delà du travestissement de la réalité historique, un processus déjà amorcé ? Ayant souligné la nécessité d'une intégration des vaincus aux vainqueurs, à travers l'exemple de Persicus, Claude veut montrer que l'intégration de la Gaule est en fait en processus déjà amorcé, et il choisit pour exemple Lyon : . ) que désirez-vous d'autre, sinon que je vous montre du doigt que le sol même qui se trouve au-delà de la Narbonnaise vous envoie déjà des sénateurs, puisque nous avons dès maintenant dans notre ordre des personnalités de Lyon, dont nous n'avons pas à regretter la présence (l.39). [...]
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