Strabon, Géographie, 17, 1, 12-13 (trad. P. Charvet, Strabon. Le voyage en Egypte, Paris, Nil Edition, 1997, mod.)
A la mort d'Alexandre en 323, ses généraux se partagèrent son empire et Ptolémée, fils de Lagos reçut la satrapie d'Egypte. Il devint le premier roi d'une dynastie qui s'achèvera avec Cléopâtre VII lorsque la flotte égyptienne sera vaincue à Actium (Grèce) par Octavien en septembre 31 avant JC. L'Egypte sera alors annexée à l'Empire romain, annexion qui marque la dernière étape de l'expansion orientale de Rome. L'Egypte romaine doit se comprendre comme l'Egypte sous administration romaine. En effet, c'est un pays charpenté par trois millénaires de royauté égyptienne puis trois siècles de royauté grecque que les Romains annexèrent. Ils l'intégrèrent avec ses usages et ses diversités, comme ils le faisaient avec les pays conquis de haute civilisation.
Pour l'étudier les historiens bénéficient d'une documentation qui est abondante, si on la compare à celle des autres provinces. Il y a bien sur les sources écrites, qui sont principalement les ouvrages des géographes (Strabon, Claude Ptolémée), et des historiens (Dion Cassius, Tacite, Suétone). Mais il y a aussi les sources iconographiques telles que les papyrus: plusieurs dizaines de meilleurs d'entre eux sont conservés, formant un précieux corpus pour la connaissance de l'Egypte à cette époque.
Nous avons ici un extrait de l'ouvrage Géographie de Strabon. Strabon est un géographe et historien grec, né à Amasya vers 55 av. JC, dans le Pont et mort entre 21 et 25 av. JC. On sait peu de chose de sa vie, mais il dit avoir voyagé d'Arménie en Sardaigne, et du Pont-Euxin (mer Noire) jusqu'aux frontières de l'Éthiopie. Son œuvre Géographie est une description détaillée en dix-sept volumes du monde tel qu'il était connu des Anciens, les observations personnelles que Strabon y a consignées la rendent particulièrement précieuse. Au contraire il ne subsiste que quelques fragments de son grand ouvrage Histoire qui regroupe quarante-trois volumes et se voulait la continuation de l'Histoire universelle rédigée par Polybe.
Selon une formule célèbre de son testament « j'ai ajouté l'Egypte à l'Empire du peuple romaine », Auguste rattacha la province d'Egypte au reste de l'Empire mais avec des modalités particulières. Mais peut-on dire que l'Egypte, province romaine, est une province particulière ? Quelles furent les conséquences, selon Strabon, de l'annexion romaine sur un pays qui semblait « en désordre » (l.2) ?
Nous allons voir dans un premier temps, le portrait établit par Strabon de la ville d'Alexandrie qui se trouvait dans une situation désastreuse. Situation qui obligea, comme nous le verrons ensuite, l'Etat Romain à réorganiser l'administration. Puis nous verrons dans une dernière partie, en quoi selon Strabon la remise en ordre d'Alexandrie par les Romains permit un renouveau de la prospérité alexandrine et de l'Egypte toute entière, profitant par là à Rome.
[...] L'Egypte sera toujours dirigée par un préfet équestre; la province impériale est de type procuratorien. Nommé directement par l'empereur, le préfet a souvent des liens personnels avec lui ; il n'a de comptes à rendre qu'à lui. La durée de sa carrière n'est pas fixe, elle dépendait de l'empereur mais allait en général de un à quatre ans : on y envoie successivement [des préfets] (l.2). Le préfet a un pouvoir assimilé à celui d'un proconsul (Ulpien). Strabon et d'autres historiens ont pu dire qu'il avait le rang d'un roi (l.2). [...]
[...] Ainsi le gouvernement de la province fut organisé de manière à éviter que le préfet ne devienne trop puissant. En tant que nouvelle province de l'Empire romaine, des institutions romaines furent implantées et d'autres furent maintenues mais perdirent quelque peu leur importance. Ce changement est très apprécié de Strabon qui aurait tendance à présenter les Romains comme les sauveurs d'Alexandrie qui surtout se trouvait dans une situation catastrophique. Cette situation n'est évidemment pas si catastrophique, l'Egypte étant une région très prospère mais qui va connaître néanmoins à un certain renouveau. [...]
[...] Il existait deux ports principaux : le port de commerce, l'Eunostos qui s'étend le long du port oriental, le Megas Limen. La description de l'Egypte comme nouvelle province romaine est fortement influencée par le jugement de l'historien grec Strabon. Celui-ci présente la ville alexandrine dans une situation désastreuse mais qui aurait été sauvée par les changements romains opérés. Il est intimement persuadé que ces changements vont permettre un renouveau de la prospérité alexandrine et plus globalement celle du commerce égyptien. [...]
[...] Même si l'on sait que les évaluations démographiques pour l'Antiquité sont le plus souvent très approximatives, il est sûr que l'agglomération était très étendue et très peuplée, sans doute de habitants. Lorsque les auteurs grecs et latins de l'époque impériale évoquent la population alexandrine, ils sont unanimes. Tous critiquent et raillent ses habitants comme le fait vers 140 av. JC l'historien grec du 2e siècle av. JC Polybe repris par Strabon dans Géographie : on y trouve selon lui trois types d'habitants (l.4-5). [...]
[...] Venus de toutes les parties du bassin méditerranéen, Thrace, Macédoine, Grèce continentale, îles de l'Egée les Alexandrins n'en avaient pas moins une origine grecque (l.11). En effet, la conquête d'Alexandre a entraîné de très importantes migrations de populations. L'Egypte est très probablement le pays qui a accueilli le plus grand nombre d'immigrants ; L'émigration serait due à la crise socio-économique des cités grecques selon l'historien Bernard Legras. Les témoignages abondent sur cette crise des cités, par exemple chez Isocrate ou Polybe. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture