Dans la Crête du Ve siècle avant J.-C., Cnossos, Phaistos ou encore Gortyne, se comprennent comme étant les cités les plus importantes de l'île. Cette dernière, située sur la côte sud, à proximité de l'actuelle cité d'Iraklion, se distingue par un recueil de textes juridiques relevant essentiellement du droit privé. Celui-ci fut gravé dans la première moitié du Ve siècle avant notre ère (la date exacte nous est encore inconnue).
Les lois de Gortyne furent mises au jour à la fin du XIXe siècle (1884) par F. Halbherr et E. Fabricius. Il s'agit là d'une inscription gravée sur le mur d'un monument rond d'environ 17 mètres de rayon. Celle-ci se présente sous la forme de 12 colonnes numérotées de droite à gauche, dont les caractères sont disposés en boustrophèdon, c'est-à-dire sans séparation des mots mais comprenant des ornements et des blancs afin de distinguer les paragraphes les uns des autres. Les 621 lignes du « code », au sein desquelles se distinguent sept chapitres, livrent des informations à propos de la protection des personnes ; des crimes sexuels (viol, adultère et « séduction forcée») ; du divorce et du veuvage ; de l'héritage et de la séparation des biens ; de la fille patroiokos (épiclère) et enfin de l'adoption. Au vu de ces différentes catégories, il est évident que ces lois gortyniennes ne tendent pas à l'exhaustivité. Ainsi, il n'est fait aucune mention d'homicide ni même d'atteinte à la cité. On voit que les lois de Gortyne ne répondent pas à un effort de codification de l'ensemble des pratiques juridiques, ce qui tend à nuancer l'appellation de code au sens moderne du terme.
Nous avons ici un extrait qui regroupe les colonnes II et III et une partie de la colonne IV. Ces quelques lignes offrent à l'historien un aperçu de la réalité sociale d'une cité crétoise à l'époque classique. Ce document unique permet ainsi de s'émanciper du point de vue athéno-centré mais semble assez proche de la société spartiate.
Les lois gortyniennes, au travers des prescriptions relatives aux crimes sexuels, à la dévolution des biens, au veuvage et au divorce, donnent un aperçu tronqué de la réalité de l'organisation sociale dans cette cité crétoise de l'époque classique.
Ce code, tout en reflétant la hiérarchie sociale de cette polis, nous permet de définir Gortyne comme une cité intégrant les caractères inhérents au monde grec tout en démontrant une originalité certaine
[...] Il s'agit là de la seule variation de peine observée entre les paragraphes 8 et 11, ce qui laisse à penser que l'esclave dont on parle ici est un woikeus. Cette idée est renforcée par le fait que pour qu'un adultère soit commis il faut qu'il y ait nécessairement un mariage, ce qui ne peut pas se produire chez les esclaves. A la lecture du paragraphe 23 : La femme séparée qui exposerait son enfant avant de l'avoir présenté conformément à ce qui est écrit, paiera, si elle est condamnée statères pour un enfant libre et 25 pour un esclave ; on peut nuancer l'inégalité avancée dans les paragraphes 8 et 9 qui établissent un rapport de 1 à 1200 entre l'eleutheros et le doulos. [...]
[...] Dans la législation de la cité de Gortyne, la hiérarchisation des statuts sociaux s'observe à travers d'autres éléments que les compensations financières. En effet, deux autres modalités participent de cette dynamique : le témoin et le serment. Dans le cas d'« un flagrant délit d'adultère (paragraphe il est précisé que s'il déclare avoir été attiré dans un piège, celui qui l'a pris prêtera serment, dans les cas de cinquante statères ou plus, avec quatre autres, chacun jurant avec imprécations sur lui-même ; dans le cas de l'apétairos, avec deux autres, dans le cas d'un serf, avec un autre en même temps que le maître. [...]
[...] - LEVY Libres et non-libres dans le code de Gortyne in Esclavages, guerre, économie en Grèce ancienne pp. 25-41. - SEALEY Women and law in classical Greece, The university of north Carolina press - VAN EFFENTERRE RUZE Nomima II : recueil d'inscription politique et juridiques de l'archaïsme grec, Ecole de Rome palais Farnèse, Rome, 1995. [...]
[...] Le serment devant être accompli dans les règles, c'est-à-dire que le juge et son greffier doivent être convoqués pour authentifier l'acte ou lui donner la solennité voulue. Enfin, au paragraphe 14 il est dit : si un mari et une femme divorcent et en outre cinq statères si le divorce est le fait du mari Il est évident que le divorce sur initiative du mari, est admis au sein de la cité de Gortyne. Lorsque le code stipule si le mari affirme que le divorce n'est pas de son fait Ne peut-on y voir la mention implicite d'une capacité à divorcer reconnue à la femme ? [...]
[...] Aux lignes 5-6 : Qui abuserait d'une esclave domestique ; ce qui étant impersonnel et le statut de l'auteur du viol n'étant pas précisé, peut-on supposer que le serment d'une esclave peut incriminer un eleutheros ? Transition : On voit que la cité de Gortyne reprend la séparation usuelle entre libres et non-libres. Il n'en demeure pas moins que la hiérarchie sociale observée dans cette cité crétoise est plus complexe, ainsi que le montre les exemples de l'apétairos et du woikeus. C. Une hiérarchisation de la société gortynienne par la loi Les lois de Gortyne expriment bien la complexité de la stratification sociale au sein de la cité. [...]
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