Histoire romaine, fondation de Rome, Tite-Live, vérité, dieux, Religion, tradition, principe de neutralité, société romaine, Lucien Febvre, Marc Bloch, tradition littéraire, moeurs
Tite-Live a vécu à la toute fin de la République romaine et au début de l'Empire, au tournant de notre ère. Il est mort en 17, trois ans après Auguste. N'exerçant aucune fonction publique, il a consacré sa vie à l'histoire. Son oeuvre majeure est l'immense Histoire romaine, en latin Ab Vrbe condita libri (littéralement Histoire de Rome depuis sa fondation), composée de cent-quarante livres et publiée aux environs de l'an 30 avant J.-C. Dans la préface à cet ouvrage, Tite-Live expose son projet. Quel est-il ? Il entend remonter aux origines, et son récit de la fondation de Rome est peut-être le passage de son Histoire le plus connu. Il « entreprend d'écrire l'histoire du peuple romain depuis son origine » en différenciant la « vérité » des « fictions de la poésie ». Cela permet de mettre en scène le rôle de l'historien et sa neutralité face aux faits. Ce questionnement original appelle de façon plus générale une réflexion sur le travail de l'écrivain, qui apparaît en filigrane de cette préface.
[...] Aussi le lecteur ne s'étonnera-t-il pas d'apprendre que Tite entretint des relations avec Octave, dit Auguste, le premier des Empereurs romains, et que celui-ci lui fit l'éloge de son travail. Il fallait au moins cela pour redresser Rome. [...]
[...] Ce bouleversement du rôle de chroniqueur de l'histoire, passé du rôle de relayeur des légendes de l'histoire à celui d'analyste des faits historiques, permet une plus vaste interrogation sur le rôle de l'écrivain dans la société romaine du tout début de l'Empire, interrogation qui perce dans ce texte. Récit et histoire Le rôle de l'historien et de l'écrivain Tite-Live propose de se lancer dans une synthèse de l'histoire romaine. Dans sa préface, il interroge le rôle d'historien, mais aussi celui d'écrivain. Commençons par noter qu'il apparaît un très grand nombre de fois à la première personne. [...]
[...] Non seulement Rome a une origine divine, mais celle-ci l'autorise à une « domination » sur l'« univers ». Ainsi, si l'origine divine est reconnue, elle est également mise en question, puisqu'elle n'est validée historiquement que par des prouesses militaires matérielles. Tite-Live rompt donc avec une tradition docile et met en scène le rôle de l'historien qui doit afficher sa neutralité face aux faits. La société romaine La tradition Tite-Live affiche une position relativiste, étonnamment moderne pour le lecteur contemporain. Il met la tradition en balance. [...]
[...] L'histoire permet plus qu'elle-même : par la connaissance intime des hommes qu'elle offre, elle donne des « enseignements de toute nature ». Ce sont les trésors que le moraliste peut tirer de l'étude du passé. Ils appellent des commandements, détaillés au paragraphe 10 : « Voici ce que tu dois faire dans ton intérêt, dans celui de la république ; ce que tu dois éviter, car il y a honte à le concevoir, honte à l'accomplir ». Enfin, Tite abdique devant la déploration de « je ne sais quelle fureur de se perdre et d'abîmer l'état avec soi dans le luxe et la débauche » . [...]
[...] La question de la neutralité Tite-Live entend rapporter des faits, mais, dès cette préface, il porte déjà des jugements. Au-delà de son travail d'historien neutre, il fait œuvre de moraliste. Sa mise en perspective de l'histoire est une forme d'avertissement pour ses contemporains. Les remarques sur l'écriture sont presque déjà des remarques de moraliste, surtout pour qui connaît les auteurs français du XVII[e] siècle. Mais Tite va plus loin. Il critique ouvertement la décadence de son époque. Rome, si ancienne, si grande, « commence à plier sous le fait de sa propre grandeur » ; elle « tourne ses forces contre elle-même » ; l'époque fournit à l'auteur des « inquiétudes » dont il affirme que l'étude de l'histoire le divertira. [...]
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