Histoire de guerre: la peste de byzance - Procope

Thèmes abordés

Histoire de guerre, Empire byzantin, Procope, peste de Byzance, peste noire

Résumé du document

« Il semblait que la terre malade se fût couverte de pustules : les moisissures et le lichen maculaient les murs et la Mort jaillit de la terre noyée. ». Voilà en une phrase un condensé du tableau apocalyptique que dresse Sir Arthur Conan Doyle (1850-1930), précurseur du genre dit de la « littérature de la peste », dans son roman-fiction qui prend pour objet l'épidémie de peste noire du XIVe, deuxième grande épidémie de peste ayant affecté le continent européen de l'Histoire. La première grande peste de l'histoire occidentale se propagea au VIe siècle sous le règne de Justinien, empereur de l'Empire romain d'orient désormais connu dans les annales occidentales sous le nom d'Empire byzantin. Elle eut en plusieurs aspects un impact déterminant bien que nous ne disposions aujourd'hui que d'éléments fragmentaires permettant d'apprécier l'impact de cette pandémie. Un tel constat se vérifie particulièrement si l'on met en parallèle la peste byzantine et la peste noire qui ébranla les peuples européens de 1347 à 1352 qui donna naissance dans son sillage à un flot littéraire intarissable.

Extraits

[...] Mais le traumatisme que constitua cette peste eut pour conséquence immédiate de catalyser l'émergence d'une conscience proprement chrétienne. Contrairement à ce que suggère Procope, la peste ne fit pas qu'affecter Constantinople deux années successives. La peste dite de Justinien ne s'éteint en réalité qu'en 767, resurgissant tous les dix ans en une quinzaine de poussées toutes aussi meurtrières. L'Eglise se constitua en refuge face au désarroi des populations et promut des lectures bibliques, eschatologiques voire millénaristes à l'irruption de l'épidémie. [...]

[...] De part les symptômes décrits et l'agressivité du bacille, la peste de Justinien est aujourd'hui considérée comme la première peste d'Europe occidentale et ce grâce notamment aux descriptions très précises de Procope. Pourtant, une autre référence littéraire de poids outre Thucydide fait mention d'une épidémie de peste : la Bible. Dans le Livre de Samuel de l'Ancien Testament, Dieu punit les Philistins d'avoir dérobé l'Arche d'alliance au peuple d'Israël en les soumettant au fléau divin de la peste. Procope n'est pas sans ignorer cette référence biblique et c'est à ce titre qu'il adopte une posture résolument fataliste en rupture avec les usages antiques. [...]

[...] La transmission entre hommes de l'épidémie reste une énigme pour Procope. Il explique ainsi que ni les malades ni les autres personnes [n']ont été trouvées avoir contracté la maladie par contact avec les maladies ou les morts (l. 71-72) tandis que sur de nombreuses autres personnes la maladie tombait sans prévenir et ils mourraient immédiatement (l.74-75). Bien plus tard, ce phénomène a été décrypté par la médecine moderne et s'explique par l'alternance entre les deux formes de peste déjà évoquées. [...]

[...] Sans le savoir, il fait référence à la peste pulmonaire, liée à la peste bubonique par la transmission (cf. infra), dont l'existence a été déterminée par divers témoignages. Si le patient développe la forme purement bubonique de la peste, il décède généralement dans les cinq jours qui suivent. Le décès n'est toutefois pas systématique car si le sang du patient n'est pas contaminé, il peut en réchapper (le taux de mortalité oscille entre 60 à 90% des patients). La peste pulmonaire est elle foudroyante et quasiment toujours fatale. [...]

[...] Cette piqûre engendre l'apparition d'un ou plusieurs ganglions lymphatiques. La période d'incubation est de deux à six jours dans le cas de la peste bubonique. C'est ce qui amène Procope à affirmer laconiquement que l'apparition du bubon a lieu les jours suivants l'infection. Après une première phase dont les symptômes sont communs à tous les malades, il observe ensuite trois trajectoires entre lesquels se dessinent de grandes différences (l.59) : certains patients tombent dans un coma profond (l.62) engendrant une totale amnésie. [...]