Henri Inglebert est professeur d'histoire romaine à l'université Paris X. Ses travaux portent sur l'Empire romain et l'Antiquité tardive et le christianisme antique. Selon lui, "comprendre la civilisation romaine, c'est étudier principalement les aspects de la culture romaine qui se sont diffusés dans le monde romain, et les modalités de cette diffusion". L'ouvrage s'interroge sur le succès des modèles romains. La cité représente alors un modèle de civilisation.
Le terme de romanisation a été très contesté. Il a été influencé par le contexte des empires coloniaux européens, de la décolonisation, de la construction européenne, de la mondialisation économique et de l'occidentalisation culturelle… Le terme recouvre des réalités différentes.
La romanisation est un phénomène de diffusion de modèles romains juridiques ou culturels. Elle concerne aussi l'acculturation des étrangers venus à Rome ou des esclaves installés de force en Italie.
Ce phénomène se diffusa plus rapidement dans les élites, les villes, les plaines, les hommes et la sphère publique que dans les populations, les campagnes, les montagnes, les femmes et la sphère privée.
Les partisans du diffusionnisme privilégient soit l'unité du modèle romain soit les différences régionales, dues aux particularités des sociétés conquises, des modalités de la conquête. Ils s'interrogent sur la problématique suivante : la romanisation fut-elle imposée par Rome ou désirée par les indigènes ?
[...] Il existait des manières différentes de se sentir Romain. La citoyenneté romaine primait souvent sur les appartenances locales, en raison de son prestige. Cette double identité était perçue comme complémentaire. La civilisation romaine et sa longévité reposaient sur cette capacité à permettre la coexistence de ces identités multiples. En effet, la citoyenneté romaine était juridique et pouvait laisser subsister les identités locales. Cette double appartenance, la paix et la prospérité expliquent le renforcement du sentiment d'appartenance au fil du temps. [...]
[...] Rome a favorisé le modèle de la cité pour des raisons administratives et non pour civiliser les indigènes. En Occident, c'est un processus de romanisation essentiel (Gaule, Ibérie, Grande-Bretagne) avec le droit latin et la citoyenneté. Cette politique administrative entraîna généralement la romanisation des élites, de la population urbaine, et d'une partie de la population rurale. Les aristocrates qui acceptaient de collaborer avec Rome pouvaient obtenir des avantages importants : obtention de la citoyenneté, accès aux ordres équestre et sénatorial, participation à l'administration impériale. [...]
[...] La romanité a englobé les autres appartenances, sans les éliminer. Les identités locales et romaines se superposent, ainsi que les identités ethniques, culturelles, religieuses, voire géographiques. A. Se sentir romain Après la stabilisation des frontières, les influences romaines ont accru les différences de part et d'autre du limes. Ainsi, les barbares intérieurs se sont intégrés très progressivement. Dans les sources, cette conscience d'appartenance apparaît lorsque les provinciaux durent choisir entre Rome et les barbares, comme lors de la crise de 68-70 en Gaule. [...]
[...] Les acteurs de ces transformations étaient divers : élites mais aussi migrants (colons, soldats, artisans, marchands, esclaves). Prenons l'exemple de la religion : les dieux romains s'ajoutaient aux dieux locaux. À la fin de la période, le christianisme fut un facteur d'uniformatisation essentiel. C. L'imitation de Rome Le processus de romanisation a été rendu possible par sa diffusion par les élites locales et par l'attractivité de certains modèles. L'imitation est essentielle pour comprendre le processus. Elle ne suffit pas à obtenir un statut. [...]
[...] Chapitre IX Les participations à la romanité par Hervé INGLEBERT Qu'est-ce que se sentir ou se dire Romain ? Le critère antique de la romanité était celui de la citoyenneté, par lequel le Romain se distinguait du pérégrin et de l'esclave. I. Définir la romanité : le critère juridique de la civitas romana Le citoyen avait droit de conubium (mariage légal), de commercium (faire des contrats légaux), de provocatio (droit d'être jugé par le peuple, puis par l'empereur). Il participait à la vie politique avec des droits et devoirs variables selon sa place dans le census. [...]
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