On pourrait dire que le sucre est indien. Venu d'Asie, terre d'origine de la canne dont il est extrait, le sucre fut ensuite introduit dans différentes régions du monde, comme aux Amériques par Christophe Colomb, où le climat tropical était propice à son développement. Aujourd'hui, ce sont plus de 1 300 millions de tonnes qui sont produits chaque année à travers le monde, et l'Inde reste un tenant de ce marché ; elle est le deuxième producteur mondial (en 2004, 19% de la production mondiale sont indiens). Egalement premier consommateur mondial et sixième exportateur en 2005-2006 (selon le CEDUS, centre d'étude et de documentation du sucre), l'Union indienne semble mériter le titre de géant du sucre.
Terme économique, il exprime à la fois l'importance du produit au sein même du pays ainsi que le rayonnement international qu'il lui procure. D'autre part, dans le cadre d'une Union Indienne aujourd'hui considérée comme puissance émergence, il semble légitime d'appréhender son économie comme l'un des moteurs de sa puissance nouvelle, où le sucre prendra nécessairement une place de choix. D'autre part, considérer l'Union indienne comme ce géant nous invite à la penser comme le lieu d'un système articulé, à l'origine de sa force économique. Le système sucrier en Inde pourrait alors apparaître comme motif de l'organisation socio-spatiale en ce sens que les différentes étapes de la production et de la distribution du produit, mettant en jeu à la fois les grandes régions agricoles du pays ainsi que les centres décisionnels gouvernementaux, semblent générer un gradient du territoire national qui révèle son unité et ses disparités. Ainsi peut-on parler d'une « articulation » véritable de l'Inde autour du sucre, d'autant plus que celui-ci se rapporte à différentes strates géo-historiques. Le sucre reflète bien sûr la stature de l'Inde, son gigantisme, via la production au volume très grand de sucre et de ses dérivés, mais aussi les contradictions de ce gigantisme, comme l'opposition entre archaïsme et modernité.
Dans quelle mesure le sucre en Inde expose-t-il les logiques spatiales (entre gigantisme, disparités, et contradiction) particulières à l'Inde ?
[...] Pas étonnant ainsi que leur rendement sucrier soit faible. D'autre part, les disparités sont aussi celles qui existent entre les différents types de sucre et leurs diverses utilisations. Par exemple, le gur, sucre brun non raffiné issu de la filière artisanale du sucre est produit à 70% au Nord alors que dans l'Ouest (Maharashtra, Karnataka) la quasi-majorité de la canne est transformée en sucre industriel. Quant à la mélasse, le plus important des sous-produits sucriers, sa production est répartie entre 200 distilleries et se concentrant à 70% dans le Sud du pays, états du Tamil Nadu et de Maharashtra. [...]
[...] Dès le IIe millénaire av. J.-C., des méthodes primitives d'extraction et de raffinage de la canne étaient utilisées par les peuples de la civilisation Harrapan, ou civilisation de la vallée de l'Indus. Ces peuples maîtrisaient même une méthode pour produire des sirops sucrés à partir de la sève du dattier et d'autres palmiers. Ce qui explique que les expéditions menées dans la vallée de l'Indus par les troupes d'Alexandre le Grand aient permis de découvrir l'existence du sucre. La mise en valeur de la canne dans cette région subit dès lors une longue évolution, lente d'abord puis surexploitée ensuite lors du contact avec l'Occident notamment. [...]
[...] Enfin, l'importance de l'Inde sur le marché mondial du sucre s'observe également dans ses importations. Premier consommateur mondial et dans une situation alimentaire précaire, elle en vue notamment d'assurer la conséquence de ses stocks, importé 850000 tonnes de sucre en 2005, soit 24% de plus qu'en 2004. En outre, sa place sur le marché mondial s'illustre aussi par son appartenance à l'ISO (International Sugar Organization), un organisme intergouvernemental qui a pour but de réguler le marché sucrier mondial. Ainsi, l'Union Indienne peut apparaître comme un géant du sucre qui prend sa place au cœur du marché mondial non seulement par ses exportations, mais aussi par ses importations, la qualité et la diversité de sa chaîne du sucre et son implication, en tant qu'état, dans les organisations internationales concernant le sucre. [...]
[...] Chaque raffinerie se voit imposer un quota de sucre commercialisable par trimestre. Avant cela, l'Etat a de toute façon fixé un quota de production mensuel pour chaque raffinerie, dont les installations et extensions nécessitent d'ailleurs une autorisation. En revanche pour les sucres bruns non raffinés, le gur et le khandsari, l'Etat n'impose que peu de restrictions : les produits sont vendus librement sans norme de prix. Ce marché est le moyen de subsistance de quelques 50M de petits producteurs (c'est-à-dire de la population rurale dont 8M de simples planteurs). [...]
[...] En somme, si elle était encore le 5e exportateur en 2003/2004, elle a été contrainte d'importer en tonnes de sucre L'Inde manque fortement de compétitivité, les coûts de production comme le prix de la canne à sucre sont bien plus élevés que dans d'autres pays des Suds. Le géant du sucre a donc un clair talon d'Achille. Son potentiel est fort, mais sa production bien trop fragile, malgré des grandes entreprises comme Bajaj Hindusthan LTD, introduite en bourse d'échange en ligne en 2006. [...]
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