Simplicité, charge symbolique, univers intérieurs, cérémonies, sabre
Le Japon se montre d'autant plus ouvert aux autres cultures qu'il est convaincu de la solidité – de la supériorité ? – de la sienne.
Cette identité japonaise s'accomplit à travers deux caractères immédiatement perceptibles : la simplicité, voire la nudité, jointe à l'efficience ; jamais de vaine complexité ni d'amphigouri, rien d'alambiqué, mais une économie des formes et des forces. Elles se révèlent dans la charpente, le tatami, la cloison de papier, le salut, le tokonoma, l'ikebana, les baguettes, le bol, le poisson cru. On peut se satisfaire de ce premier regard – et beaucoup s'en satisfont.
[...] Ce n'est pas sur la qualité du maître que s'étalonne la cérémonie, mais sur l'excellence et la beauté des ustensiles . Nulle froideur pourtant derrière cette exigence, mais le sentiment d'un hôte au cœur sincère où l'on peut voir une forme implicite et très épurée de l'amitié. Au Japon, il arrive que les choses les plus simples dissimulent d'insondables abîmes, ou d'inaccessibles hauteurs. Notre civilisation européenne a surdéterminé aussi certains objets : saintes reliques, bannières, épées des chevaliers Roland et Durandal, Arthur et Excalibur, Aragorn et Narsil. [...]
[...] L'éphémère n'existe pas en soi : il naît du mouvement et de la rencontre. Le livre aussi ne vit qu'à travers son lecteur. C'est le partage de l'éphémère qui lui donne son intensité, celle de la foule pour les cerisiers au printemps ou les tournois de sumo : quoi de plus éphémère que les combats de ses lutteurs ? ou celle de l'intimité dans la Voie du thé ou la saveur d'un haïku. Dans la cérémonie du thé, le moindre détail compte pour en faire un moment de grâce. [...]
[...] L'empereur est un dieu. Autre regard identitaire, autre éliptique, celle de l'éphémère. Mais mieux vaut résister à l'envie de la définir qui nous est si naturelle pou ressayer de l'illustrer. Pour les Japonais, le mont Fuji lui-même ne saurait figurer son contraire à nos yeux, la permanence : il se nourrit de l'éphémère en ne se montrant jamais de façon régulière, et le jeu de la lumière sur ses pentes en change continuellement le dessin, la courbe et la beauté. [...]
[...] Prenons l'exemple de la Voie du thé. A la naissance d'Edo, après que de grands maîtres en eurent fixé les rites, ce qu'on appelle la cérémonie du thé atteint à sa maturité. La figure dominante d'alors est Rikyû Soeki (Yasushi Inoué lui a consacré un ouvrage court et délicat, Le Maître de thé). Il impose le style dit simple et sain ce qui laisse entendre qu'il l'était un peu moins avant lui. Certains des ustensiles sur lesquels repose la cérémonie portent un patronyme, surtout le bol et la spatule, parfois le pot à thé, le chaudron ou l'encens, et sont donc identifiés. [...]
[...] La puissance du microcosme est une autre spécificité de l'identité japonaise à moins que ce ne soit la même toujours attachée à une esthétique : le jardin, la maison, la Voie du thé, subtil raccourci de la vie. Roland Barthes analyse cette approche à partir de plusieurs exemples dans L'Empire des signes. En fait, ils revêtent des formes multiples Ainsi le mets le plus simple et le plus banal, celui qu'absorbent la majorité des Japonais à leur réveil, le surplus des repas bon marché : la soupe miso dans son bol le bol, toujours, refuge inépuisable d'images et d'évocations. [...]
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