C'est avec quelque emphase, certes, mais néanmoins avec une certaine pertinence que le savant Heinrich Storch, au XVIIIe siècle, évoque la nature multiethnique de l'Empire russe. Des conquêtes de Pierre Le Grand au lendemain de l'URSS, et ce, malgré la mobilité des frontières, près de quatre-vingts peuples ont pu être être recensés au sein du territoire, parmi lesquels les populations turcophones occupent une place notable.
En effet, jusqu'au XVIe siècle, les gengiskhanides ont tenté d'envahir les bords de la Volga, y implantant des populations turcophones de manière durable. Par la suite, ce sont les conquêtes russes qui ont repoussé les anciennes frontières jusqu'à l'Empire ottoman, englobant les indigènes au sein du territoire. Si la Russie a aujourd'hui perdu les territoires du Caucase, il n'en reste pas moins que cette fédération recense un nombre important de populations turcophones, nombre auquel vient se greffer le chiffre toujours croissant des migrants turcs enregistrés au cours des quarante dernières années.
Les vagues d'immigration que connaît l'Europe dans le contexte de la mondialisation, mais également les migrations internes dues à la restructuration politique de la Russie, sont donc les évolutions récentes d'une tradition multiethnique durable. À l'heure actuelle, cette nouvelle réalité des communautés turcophones mouvantes pose la question d'une unité qu'il est difficile de percevoir.
Pourquoi, après tout, ne parle-t-on pas d'une communauté turcophone en Russie ?
[...] Le fait est que les Tatars sont reconnus comme communauté autochtone par les autres populations, étant implantés en Russie depuis des siècles. Les mouvements xénophobes visent en revanche les populations récemment immigrées, et dans l'hostilité générale face aux nouveaux arrivants, la solidarité communautaire par la religion n'existe pas: Kamil Abliazov, directeur du centre culturel tatar de Saratov et membre de cette communauté, lance sans ambages à une journaliste française: Nous n'avons pas de bonnes relations avec les Caucasiens. Notre islam est différent. [...]
[...] Toutefois, ces communautés accèdent toutes à une certaine indépendance, en ce qu'elles deviennent des Républiques Autonomes de la Fédération de Russie. document Ces Républiques autonomes qui émergent dans les années 1990 font pourtant pâle figure face à la réalité démographique: en effet, le découpage territorial échoue à rassembler des populations dispersées dans l'espace russe et mélangées les unes aux autres. Le Tatarstan compte par exemple 45% de Tatars au sein de sa population, et 43% de Russes. En Kabardino-Balkarie, les Balkars eux-mêmes ne sont que 11% de la population, contre 25% de Russes. [...]
[...] Document Diversité religieuse des communautés turcophones Document Des communautés turcophones implantées dans l'habitat russe. Source: recensement de la population russe effectué en 2002 Effectif croissant des migrants et résidents turcs en Russie. Bibliographie Ouvrages spécifiques A. KAPPELER, La Russie; empire multiethnique, Institut d'études slaves Stephane de TAPIA, Migrations et diasporas turques (1957 2004), Institut Français d'Etudes Anatoliennes Dossiers de presse Dossier Russie multiethnique, les Tatars de Saratov par Célia Chauffour, www.regard-est.com Dossier: La Russie et la Turquie, se rapprocher pour préserver le statu quo ? [...]
[...] Cette clandestinité des réseaux mais également la corruption des administrations russes, déjà évoquée, jette un voile sur les conditions de vie des travailleurs turcs en Russie. Quand on les recense à 30000 au départ de Turquie, la Russie elle-même n'en recense que 10000 en tant que travailleurs officiels. C'est donc une population de 20000 Turcs qui disparaît dans la pauvreté des sources d'informations russes, et qui laisse deviner l'étendue des réseaux de travail au noir comme la réalité du chômage pour les migrants. [...]
[...] Malgré les rivalités qui ont longtemps opposé la Turquie à la Russie, ces deux pays se sont récemment rapprochés dans leur déception commune à l'égard de l'Union Européenne et des États-Unis. Turquie et Russie sont des marchés complémentaires, et une entente nouvelle entre ces deux pays a permis aux migrants turcs de venir travailler notamment sur les chantiers de Moscou migrants ont été recensés à destination de la Russie. On peut s'interroger là sur la formation d'une nouvelle forme de communauté turcophone implantée en Russie. [...]
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