Marionnettes, shamisen, omozukai, attitudes, expressives
Le rideau s'est levé hier à dix heures trente sur neuf marionnettes manipulées par neuf hommes cagoulés et vêtus de noir. La pièce qui commençait au Théâtre national Bunraku, à Osaka, a été créée en 1748. Kanadehon Chushingura (Les Quarante-sept ronins), l'un des trois chefs d'oeuvre du répertoire du théâtre Bunraku. Cinq heures de représentation, engageant vingt-six marionnettistes, plusieurs récitants et joueurs de shamisen, instruments traditionnels à trois cordes. Et encore n'avais-je pris un bllet que pour la première partie ; la seconde, qui clôt cette page tragique de l'histoire japonaise, devait durer quatre heures, dans la foulée de la première partie.
[...] Les deux assistants de l'omozukai sont cagoulés de noir. La coordination entre l'omozukai et ses complices est étonnante, et les marionnettes sont si expressives qu'on en oublie les ombres humaines qui les manipulent. Ces formes sombres relèvent d'un monde flottant qui se dilue dans le décor. Mais parfois, quand l'oeil du spectateur quitte les marionnettes et se souvient de la présence de l'omozukai, il sursaute : quel individu difforme, énorme ! Car l'oeil, entre-temps, s'est accoutumé aux proportions des marionnettes, et la réalité, pour lui, ce sont précisément ces proportions-là . [...]
[...] Et encore n'avais-je pris un billet que pour la première partie ; la seconde, qui clôt cette page tragique de l'histoire japonaise, devait durer quatre heures, dans la foulée de la première partie. Un fervent de Bunraku peut s'administrer une journée entière de spectacle. Je redoutais la durée de la pièce, mais avec un programme en français et un audiophone en anglais, il fut facile de suivre. Je ne l'ai pas regretté. Le Bunraku m'a séduit plus encore que le nô. En règle générale, trois marionnettistes servent chaque personnage Le plus chevronné s'occupe de la tête et de la main droite, la plus sollicitée. [...]
[...] Le Bunraku est l'art d'oublier que le présent existe. On consacre une journée à un spectacle, et nul signe d'impatience dans l'assistance. On prend le temps de prendre le temps. Mais quand vient l'entracte de la mi- journée, des centaines de spectateurs se dressent et filet au foyer acheter un bentô, une boîte-déjeuner, qu'ils reviennent consommer dans la salle même. Et pendant ce temps-là, le nombre de minutes qui restent avant la reprise du spectacle s'affiche. Un œil sur le décompte, un œil sur le bentô, ce petit peuple déjeune à la va-vite, puis s'empresse de prendre sa place dans la file d'attente des toilettes, avant de regagner les sièges quand retentit une sorte de corne de brume. [...]
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