Introduction à la géographie critique

Thèmes abordés

Géographie critique, géographie radicale, États-unis, Richard Peet, géographie traditionnelle, Clark Akatiff, AAG Association of Americian Geographers, revue Antipode, David Harvey, William Bunge, Gwendolyn Warren, Fitzgerald, Karl Marx, Brian Fay

Résumé du document

La plupart des récits sur la géographie critique conviennent pour faire remonter son origine aux années 1960, et pour localiser son apparition dans le monde anglo-américain, principalement aux États-Unis.
Vers le passage des années 1960 aux années 1970, aux États-Unis, des géographes vont amorcer leur déclaration en tant que "radicaux" et se réclamer ainsi de ce qu'ils désignent alors comme une "géographie radicale" (radical geography) (le terme "géographie critique" n'apparaît que plus tard, nous y reviendrons).
Comment peut-on expliquer l'avènement de cette "géographie radicale" ?

Extraits

[...] III/ Finalement, qu'est-ce que la géographie critique ? Karl Marx, dans les Thèses sur Feuerbach en 1845, affirmait : « Les philosophes se sont contentés d'interpréter le monde de différentes manières ; ce qui importe, c'est de le transformer ». Selon Brian Fay en 1987, dans Critical social science, publié par Cornell University Press : « Une tentative rationnelle et responsable de comprendre les oppressions caractéristiques d'une société, dans le but d'encourager celles et ceux qui prennent connaissance de ces problématiques à œuvrer pour la transformation de la société et leur propre émancipation ». [...]

[...] Toutefois, cette diversité cède progressivement la place à une perspective qui prend peu à peu le dessus au sein de la géographie radicale : le marxisme. À partir du milieu des années 1970, les géographes commencent à s'approprier la théorie marxiste, marxienne ou post-marxiste (distinctions à suivre) et cette appropriation se reflète dans leurs recherches et leurs publications. Ce point sera approfondi dans une séance ultérieure. Parmi les géographes marxistes, le nom le plus éminent est certainement celui de David Harvey, auteur de nombreuses œuvres défendant une approche géographique nourrie par le marxisme. [...]

[...] Le déclin de la géographie radicale L'évolution de la géographie radicale dans les années 1980 est souvent perçue comme une période de déclin. D'une part, le contexte politique mondial connaît un net recul du radicalisme : l'ascension du néolibéralisme se manifeste par les mandats de Reagan aux États-Unis et de Thatcher en Grande-Bretagne. Cependant, de multiples témoignages et historiens spécialisés dans cette discipline mettent également en lumière des facteurs internes : En premier lieu, une certaine intégration des géographes radicaux au sein des institutions académiques : certains d'entre eux, autrefois activistes ou radicaux en comparaison avec leurs homologues plus âgés et conservateurs, ont progressivement accédé à des postes universitaires. [...]

[...] En 1997, l'International Critical Specialty Group voit le jour, devenant le tout premier groupe à adopter le terme « critique ». Dès le début des années 2000, ce groupe organise une série de conférences à travers le monde. Dans le domaine des revues, Antipode augmente le nombre de ses parutions annuelles, la revue Gender, Place and Culture : A Journal of Feminist Geography est créée en 1994, des numéros spéciaux de grandes revues se penchent sur des questions raciales. De plus, en 2002, la revue ACME : An International E-Journal for Critical Geographies voit le jour. [...]

[...] « Alors qu'il y a quinze ans, la géographie critique pouvait se sentir marginale et singulière, elle est maintenant devenue difficile à éviter » (Blomley, 2006). Cette diffusion étendue de la géographie critique suscite, selon certains observateurs et observatrices, deux interrogations : à force de se propager autant, la « critique » risque-t-elle de perdre de sa force critique ? En étant désormais si institutionnalisée et répandue, n'est-elle pas susceptible de s'éloigner des mouvements sociaux pour devenir une critique confortablement formulée depuis le bureau ? [...]