Avec en moyenne 70 à 80 kilogrammes de viande consommés par an et par habitant, le Cône sud, c'est un steak de 300 grammes dans l'assiette chaque jour. De fait, la viande est très fortement imprégnée dans le mode de vie des corps sociaux du Paraguay, de l'Uruguay, de l'Argentine et du Chili : le Cône sud ne se passe pas d'une telle production. Or, cette production ne peut être détachée d'une autre qui lui est essentielle, à savoir celle du soja : décrite comme une véritable « poule aux oeufs d'or » pour l'économie sud-américaine, elle est indispensable dans l'alimentation des animaux qu'il faut engraisser pour la consommation et l'exportation. Soja et viande, de ce fait, sont intimement liés : or, cette filière a des étapes et une géographie particulière à travers les espaces du Cône sud. En effet, la filière soja-viande trouve ses racines dans l'Histoire et continue d'exercer son influence à travers certains espaces géographiques précis : développée par et pour l'extérieur, elle est, en un certain sens, métonymique des inégalités géographiques et sociales du Cône sud. Directement ou non, la filière-soja viande est un secteur déterminant de l'économie du Cône sud dont les effets sur le corps social sont multiples.
Pourquoi peut-on dire que la filière soja-viande est un secteur de l'économie qui, en lien avec l'extérieur, traduit géographiquement et socialement les profondes disparités du Cône sud ? Dans quelles mesures peut-on dire que l'importance actuelle de la filière est influencée par le poids de l'Histoire, importance qui se retrouve dans ses effets sur les corps sociaux de ces pays ?
Il conviendra de voir en premier lieu que la filière soja-viande dans le Cône sud concerne des régions géographiques précises où les productions sont différentes en termes de quantité, de mode de fonctionnement et de destinée des produits : il y a une géographie précise de la filière. À partir de là, nous montrerons que ces produits ont été justifiés par et pour l'extérieur, en raison des étapes dans l'Histoire et toujours aujourd'hui dans un contexte d'économie mondialisée. Enfin, il sera nécessaire de montrer que la filière soja-viande est extrêmement prégnante dans la vie des habitants du Cône sud, là où elle est métonymique des inégalités géographique et sociale, mais aussi là où il existe une homogénéité géographique de la viande sur le plan de la consommation (...)
[...] L'Uruguay, surnommé le pays-prairie par Roger Brunet, n'occupe lui aussi qu'une place mineure parmi les pays du Cône sud dans la géographie de la filière soja-viande : selon les chiffres de la FAO, il a produit en 2008 moins d'un million de tonnes de soja et tonnes de viande, contre plusieurs millions pour les autres pays. A contrario, le Paraguay, lui, participe au dynamisme de la culture du soja en Amérique du Sud (mais l'élevage est très relatif, il est donc principalement axé sur la production de soja) : tandis que l'Argentine est le troisième producteur mondial avec 46,2 millions de tonnes en 2008, il est lui le sixième avec 6,8 millions de tonnes. [...]
[...] Si les entreprises transnationales ont peu d'influence directe sur la production de viande, elles n'en exercent donc pas moins une influence certaine par transitivité à travers la production de soja, elle-même déterminante dans l'alimentation du bétail. S'il existe des entreprises nationales telles que Molinos Rio de la Plata, celles-ci sont détenues en amont par de grandes corporations transnationales telles que Bunge. De ce fait, la filière soja-viande dans le Cône sud n'est pas une filière nationale ni indépendante : elle est pensée en amont par l'extérieur Or, cette influence de l'extérieur serait sans substance s'il n'y avait pas une demande réelle de la part du marché mondial. [...]
[...] Étapes et géographie de la filière soja-viande dans le Cône sud Introduction. Avec en moyenne 70 à 80 kilogrammes de viande consommés par an et par habitant, le Cône sud, c'est un steak de 300 grammes dans l'assiette chaque jour. De fait, la viande est très fortement imprégnée dans le mode de vie des corps sociaux du Paraguay, de l'Uruguay, de l'Argentine et du Chili : le Cône sud ne se passe pas d'une telle production. Or, cette production ne peut être détachée d'une autre qui lui est essentielle, à savoir celle du soja : décrite comme une véritable poule aux œufs d'or pour l'économie sud-américaine, elle est indispensable dans l'alimentation des animaux qu'il faut engraisser pour la consommation et l'exportation. [...]
[...] Le cas du Paraguay, lui, est assez représentatif dans la mesure où la frontière Brésil-Paraguay est une frontière poreuse autour de Ciudad del Este et où il s'avère que le défrichement des terres est essentiellement le fait de Brésiliens qui y viennent pour profiter de sols fertiles où la production de soja peut être rentable. Nous sommes là dans une influence directe et concrète de l'extérieur, là où des étrangers mettent en valeur des terres qui ne relèvent pas des autorités brésiliennes. Or, la géographie de la filière soja-viande se comprend tout autant à un niveau immatériel là où l'essentiel de la production est influencée en amont par des entreprises transnationales : 90% du soja argentin est en effet issu de semences génétiquement modifiées, produites et vendues par l'entreprise américaine Monsanto. [...]
[...] Dès lors, deux pratiques s'observent : celle du partage conjoint des terres entre culture du soja et production bovine, celle de la production bovine exclusive mais néanmoins reliée à la culture du soja par l'alimentation du bétail. Or, il serait réducteur de ne voir que les bovidés dans la production de viande : en effet, nous y trouvons également la viande de porc et de volaille, dont les productions ont augmenté respectivement de 350% et de 100% en 20 ans et situées en majorité à l'ouest de Buenos Aires, mais aussi l'élevage ovin : néanmoins, celui-ci, bien qu'ayant une importance dans la filière soja-viande, est avant tout destiné à la production de laine. [...]
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