Le troisième pont sur le Bosphore à Istanbul : un projet controversé dans un contexte particulier

Thèmes abordés

Istanbul, pont sur le Bosphore, détroit du Bosphore, territoire métropolitain, unification du territoire, ministre turc des Transports et de l'Infrastructure, CHP Cumhuriyet Halk Partisi, Parti républicain du peuple, Recep Tayyip Erdogan, village de Garipçe, pollution, écologie, évolution métropolitaine, pont Yavuz Sultan Selim, colline de Çamlica, parc de Gezi, Turquie, infrastructure, aéroport d'Atatürk, Benoît Montabone, Yoann Morvan, EspacesTemps

Résumé du document

Analyse de l'article : Benoît Montabone et Yoann Morvan, « Istanbul : la carte du troisième pont sur le Bosphore. », EspacesTemps.net, Objets, 18.04.2011
Istanbul est le seul exemple de grande métropole qui soit située sur deux continents, en l'occurrence européen et asiatique. Le détroit du Bosphore, qui relie la mer Noire au nord à la mer de Marmara au sud, joue un rôle de séparation naturelle uniquement, entre deux continents qui se font face au sein d'une même ville. Ainsi, la proximité très forte à la mer a favorisé le développement de ce territoire tout au long de l'histoire. De ce fait, Istanbul a su tirer des avantages incontestables de par sa situation géographique, au carrefour des continents.
Mais, du fait de sa situation très inédite, de nombreux problèmes peuvent être soulevés, notamment en ce qui concerne la cohérence et l'unification du territoire métropolitain, séparé par le Bosphore qui constitue une contrainte naturelle majeure, parmi tant d'autres liées non seulement à l'eau, mais aussi au relief et à la sismicité. En outre, le détroit constitue une barrière physique très contraignante au vu de sa largeur pouvant atteindre jusqu'à 3 kilomètres entre deux rives très urbanisées.
Ainsi, l'enjeu lié aux transports est prédominant, étant donné qu'il s'agit de relier au mieux les deux rives afin de renforcer l'unité de ce territoire métropolitain extrêmement morcelé.

Extraits

[...] Un élément de réponse peut être donné avec un projet parallèle, mais de dimension encore plus importante, à savoir le nouvel aéroport d'Istanbul. Comme nous pouvons le voir sur la photo ci-dessous, l'emprise du chantier est absolument gigantesque, si bien qu'il est difficile d'imaginer qu'aucun terrain autour ne soit urbanisé à l'avenir. D'ores et déjà, des terrains à plusieurs centaines de mètres aux alentours du nouvel aéroport ont été défrichés. En outre, l'aéroport existant d'Atatürk, qui était au départ excentré lors de sa construction, a peu à peu été intégré dans la zone urbaine. [...]

[...] Celle-ci est largement visible depuis la vieille ville d'Istanbul (côté européen) et le détroit du Bosphore, vers laquelle les regards se dirigent déjà, bien qu'elle n'en soit qu'au stade de construction. Il s'agit donc d'un attrait visuel certain pour les très nombreux touristes qui foulent le quartier de la basilique Sainte-Sophie et de la mosquée bleue. Par ailleurs, la suppression du parc de Gezi situé à côté de la place Taksim, en plein centre de la métropole, constitue un très grand sujet de controverse, mais le projet de construction qui devait le remplacer semble aujourd'hui à l'arrêt suite à une très forte opposition qui s'est maintenue sur place. [...]

[...] Tous ces records, qui attirent incontestablement l'œil au niveau international, procèdent d'une stratégie mise en place par le gouvernement afin de constituer une sorte de vitrine pour tout le pays, dont nous analyserons les caractéristiques plus loin. L'origine de la controverse, largement soulevée dans l'article, est directement liée au constat qui a été effectué pour les deux ponts précédents. Plus concrètement, le risque majeur quant à la construction du troisième pont au nord du détroit est une urbanisation massive de toute la zone au nord, limitée par la mer Noire. [...]

[...] Aujourd'hui, les projets d'urbanisme sans précédent qui ont cours à Istanbul sont révélateurs d'une certaine autorité de la part du régime du président Erdoğan, laquelle semble indispensable pour légitimer l'emprise du gouvernement turc dans un pays qui depuis plusieurs mois connaît une situation chaotique. [...]

[...] Il s'agit donc, pour les opposants au projet, d'une véritable catastrophe écologique, d'autant plus qu'un autre projet ayant une emprise au sol encore plus grande, en l'occurrence celui du nouvel aéroport, est en cours sur ce même territoire très vulnérable. En ce qui concerne le troisième pont tout d'abord, sa construction vise non seulement à dévier le trafic de transit des autoroutes existantes afin de les éloigner des zones denses, mais aussi à anticiper un trafic généré par de nouveaux aménagements tel le nouvel aéroport et tous les autres projets immobiliers qui en résulteront certainement dans les années à venir. [...]