La question de la densification urbaine était déjà au coeur des débats il y a dix ans lorsque la loi 2000-1208 du 13 décembre 2000, dite loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU), prônait la reconstruction de la ville sur elle-même. Mais la densification des villes semble mal vécue par les opérationnels de l'urbanisme qui n'arrivent pas à la faire accepter à la population.
Le phénomène d'étalement urbain trouve ses origines dès 1830 lorsque les classes les plus aisées ont commencé à chercher une maison de campagne en périphérie des villes. Dans un même temps, le développement de l'industrie française entraîne la construction de maisons ouvrières, ce qui permet au patronat d'aider leurs ouvriers à devenir propriétaires dans le but de les fixer sur leur lieu de travail.
Après 1870, l'augmentation du prix du foncier pousse ceux qui le peuvent à partir s'installer aux « pieds des fortifications » des villes, en bâtissant des logements sans aucun confort (ni eau, ni électricité) puisque totalement « hors de toute réglementation ».
Au début du XIXe siècle, les lotissements d'infortune sont réaménagés suite à la loi Sarraut de 1928. Après la Seconde Guerre Mondiale, les Trente-Glorieuses, période de reconstruction et de développement économique de la France, sont propices à de nombreux exodes ruraux. Les acteurs publics urbains ont alors dû faire face à l'augmentation de la population urbaine et ont construit un habitat nouveau appelé « grands ensembles » en périphérie des villes pour accueillir cette nouvelle population mais également la main d'oeuvre venue principalement des pays du Maghreb.
Ce nouvel habitat industrialisé a permis de construire, très rapidement et pour des coûts moindres, des logements à l'époque confortables et novateurs. Cependant, le phénomène d'étalement urbain, comme nous l'entendons pour notre étude, a réellement débuté en France à partir des années 1960, sous la forme de zones pavillonnaires où la densité décroit au fur et à mesure que l'on s'éloigne des centres-villes.
En effet, avec l'augmentation de la facilité d'accessibilité due aux nouveaux modes de mobilité, les espaces urbains semblent se dilater. Les habitants quittent les centres urbains au profit des zones périphériques et des banlieues pavillonnaires. Les familles citadines recherchent avant tout un cadre de vie plus verdoyant, un plus fort sentiment d'intimité et une sorte d'« idéal pavillonnaire » en profitant d'un logement individuel avec un jardin.
Ces familles périurbaines correspondent à des couples plutôt jeunes avec enfants, ayant un emploi d'agent de maîtrise ou de technicien et travaillant dans le secteur des services. Elles sont ainsi propriétaires d'une maison individuelle et possèdent deux voitures. Pourtant, alors que les dernières statistiques de l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) traduisent ces « exodes urbains », les débats actuels sur les villes continuent d'encourager la densification et le renouvellement urbain.
Dès 1975, dans son étude sociologique sur ce mode d'habitat, Nicole Haumont explique bien la préférence des Français pour la maison individuelle, dite aussi pavillon. Pour cet auteur, la volonté d'habiter en pavillon correspond à un « changement de mode de vie possible grâce à ce type d'habitation ».
Elle se pose néanmoins la question de savoir pourquoi les logements collectifs ne pourraient pas permettre, eux aussi, un mode de vie qui se veut semblable à celui espéré dans un pavillon, en adaptant la forme urbaine au mode de vie souhaité. Pour Jacques Lévy, le développement périurbain ou étalement urbain est un « modèle d'urbanité parmi d'autres possibles ». Ce phénomène relèverait d'un « arbitrage » entre plusieurs éléments comme « la localisation du logement », « le caractère collectif ou individuel du bâti », la propriété ou non du logement ou encore le mode de transport privé ou public.
Ainsi, la périurbanisation reposerait, en partie, sur un choix individuel et il existerait donc une alternative : « le retour vers le centre » et, plus généralement, « la valorisation du modèle européen de la ville compacte, dense et diverse ». Ainsi, pour palier le problème de l'étalement urbain, le fonctionnement et le développement des villes sont remis en cause pour répondre à différents objectifs.
L'approche environnementale est généralement la plus utilisée pour convaincre de la nécessité de réduire cet étalement, appelé aussi « desserrement » par Pascale Bessy-Pietri, statisticienne à la Délégation Interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité Régionale (DATAR).
En effet, elle explique que ce terme reflète mieux les deux phénomènes qui se sont produits : la concentration des habitants dans les villes (l'urbanisation) et « les mouvements de population du centre vers la périphérie ». De nombreux problèmes environnementaux sont alors mis en avant. L'augmentation du transport individuel et donc d'émission de gaz à effet de serre ou encore l'augmentation de l'énergie consommée pour la mobilité sont quelques aspects qui permettent de critiquer l'étalement urbain sur le plan écologique.
L'approche paysagère peut aussi être citée : les formes urbaines des pavillons sont généralisées à l'ensemble des territoires et on assiste alors à une uniformisation de ces espaces. Enfin, l'aspect principal de l'étalement urbain est surtout sa faible densité et donc une sorte de « gaspillage » de l'espace. Chaque maison est individuelle et entourée d'un jardin. Les espaces publics apparaissent distendus du fait de l'éloignement des zones résidentielles par rapport aux espaces urbains, générateurs d'emplois.
Pourtant, il ne faut pas limiter notre analyse à ces différents aspects négatifs de l'étalement urbain face aux objectifs de développement durable. L'alternative à l'étalement urbain, soit la densification des villes, doit aussi être étudiée à travers les changements urbains qu'elle implique. Cette densification peut générer une adaptation du cadre de vie des habitants ou encore faire évoluer la ville vers un nouveau visage urbain. Ces changements sont autant d'éléments nécessairement pris en compte par les opérationnels de l'urbanisme qui tentent de les faire accepter à la population.
Notre étude se base ainsi sur ces questions : comment expliquer le décalage entre la densité mesurée et la densité perçue par la population ? Comment cette dernière se représente-elle la ville dense ? Sur quoi reposent ces représentations ? À quelle(s) image(s) se réfère(nt) la population lorsqu'elle imagine une forte densité urbaine ?
[...] Ainsi, une voirie fortement étroite donne une impression de compacité et de forte densité urbaine alors qu'une voirie très large apporte une aération à l'espace urbain. Les personnes interrogées n'ont pas réellement expliqué cette impression due à la voirie, mais nous effectuons cette analyse à travers le classement des photographies qu'elles ont réalisé. Ainsi, si nous considérons uniquement un bâti avec de nombreux détails architecturaux et une hauteur moyenne de R+3 à soit des critères en moyenne recherchés par les personnes interrogées, la densité urbaine leur apparaît faible (figure 53). [...]
[...] Les préoccupations de l'environnement sont également au cœur des politiques publiques de ces villes. En Asie, à Chongqing par exemple, mais nous pouvons aussi citer Hong-Kong et Tokyo, les densités urbaines et de population sont extrêmement fortes. La réglementation des pays asiatiques encourage et oblige en quelque sorte à densifier, cela plus dans un souci culturel et financier que dans celui de répondre aux exigences de développement durable. Enfin, en Europe, nous sommes encore loin de l'aspect durable de certaines villes américaines. [...]
[...] Même si les activités apportent de l'intensité et du dynamisme aux espaces urbains, en opposition aux espaces ruraux, elles génèrent également de nombreuses pollutions qui prévalent pour certaines personnes. Ces dernières les attribuent alors aux espaces urbains denses. II Malgré de nombreuses pollutions Même si les activités commerciales sont fortement appréciées, l'idée d'intensité urbaine se traduit de manière différente dans les dessins réalisés. En effet, deux personnes sur 19 ont dessiné des activités commerciales dans un espace qu'elles considèrent comme dense, c'est-à-dire des espaces qu'elles ne veulent pas habiter et qu'elles fuient. [...]
[...] Pourtant, nos entretiens ont révélé que l' idéal pavillonnaire n'est pas autant recherché que nous pourrions le croire par les personnes interrogées. Les logements individuels ne sont pas préférés des logements collectifs. Pour les personnes, l'habitat collectif correspond mieux aux espaces urbains puisqu'il permet de vivre au cœur de la ville. Les zones pavillonnaires offrent un logement individuel mais sont souvent trop éloignées du centre-ville et des services qu'il offre. Le dernier espace évoqué est réellement porteur d'images négatives. Il s'agit des grands ensembles. [...]
[...] Enfin, deux exemples d'îlots expriment le décalage entre les densités mesurées et les densités perçues. Des formes urbaines et des occupations du sol différentes apportent des sentiments très distincts, entre la forte appréciation d'un espace ou son rejet. La qualité de vie est l'élément fondamental de la ville. Elle permet à un quartier de fonctionner correctement de façon sociale, démographique, économique, etc. Mais cette qualité de vie n'est pas simple à obtenir. Face à des problématiques financières, techniques, réglementaires et même parfois simplement sociales, les opérationnels de l'urbanisme ne peuvent pas toujours proposer un projet qui réponde parfaitement à toutes les demandes. [...]
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