Jean-François Bayard, spécialiste de politique comparée dont les travaux ont contribué au renouvellement de l'analyse de l'Etat, rédige L'illusion identitaire au début des années 1990, période durant laquelle se cristallisent de nombreux conflits (guerres du Caucase, de Yougoslavie, d'Afrique noire, d'Algérie) autour de la notion d'identité. Ces conflits sont avant tout le fait de l'exacerbation des identités particulières qui conduit à affirmer qu'à une identité culturelle donnée doit correspondre une identité politique. Bayard réfute cette affirmation : son raisonnement tend à prouver que l'identité culturelle et l'identité politique ne sont pas des données naturelles, stables et substantielles mais des constructions à la fois culturelles, politiques et idéologiques en perpétuelle transformation. L'auteur soulève ainsi le problème de l'illusion identitaire afin de pouvoir appréhender avec justesse la genèse de l'Etat. Cette démarche implique une redéfinition des rapports entre culture et politique mais aussi et surtout une critique du concept même de culture telle qu'il est appréhendé dans nos sociétés actuelles. Dans le chapitre 2 de la première partie, intitulé « La culture : un mot à jeter ?», l'auteur rejette les thèses culturalistes qui définissent de façon substantialiste les cultures afin de pouvoir appréhender d'une manière nouvelle la notion de culture, d'une manière qui permette de comprendre avec justesse le monde actuel.
[...] Cette indétermination accorde un espace de liberté extrêmement important ! Ainsi l'hégire peut être un voyage intérieur et la guerre sainte peut être un combat pacifique ! Néanmoins, on peut se demander si l'auteur ne se laisse pas emporter par son optimisme lorsqu'il montre les possibilités de re-interprétation du Coran par exemple. Ainsi il suggère que les versets confiants à l'homme la direction de sa femme ne constituent pas réellement une prison scripturale. On peut cependant douter de la possibilité de re-interpréter un passage tel que Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquels Dieu a élevé ceux- là au-dessus de celles-ci ( Les femmes vertueuses sont soumises et obéissantes. [...]
[...] Aussi même si l'on constate qu'il existe un héritage, une permanence de la culture, elle est dans une large mesure une construction et une création. Pour reprendre l'expression de Michel de Certeau : D'un côté, elle (la culture) est ce qui émane de l'autre, ce qui s'invente Ainsi la culture est un ensemble beaucoup plus complexe que le noyau dur décrit par les culturalistes : elle dépend, comme nous l'avons vu, du rapport que toute société entretient avec son environnement. [...]
[...] La culture serait-elle dès lors un mot à jeter ? Non, bien au contraire, la culture joue dans nos sociétés un rôle essentiel puisque toute action politique est culturelle. Pour comprendre le lien entre politique et culture, il est simplement nécessaire d'analyser, non pas des phénomènes culturels globaux, mais des opérations culturelles concrètes dans un contexte donné. Ces opérations culturelles n'ayant pas d'orientation politique précise, on peut en déduire que l'action politique relève avant tout d'une interprétation de ces opérations dans un contexte donné. [...]
[...] L'identité hindoue s'est formée par exemple à la suite de la montée en puissance de l'Islam au début du 20e siècle grâce à un syncrétisme stratégique qui a assimilé de nombreuses valeurs de l'Islam (la solidarité, l'unité Cependant, la stratégie identitaire, même si elle joue un rôle essentiel, n'est pas l'unique facteur d'explication des phénomènes culturels. L'opération d'identification que l'auteur qualifie de rêve ou de cauchemar identitaires joue également un rôle primordial. La croyance en une identité culturelle est opératoire : une identité culturelle rationnellement créée peut rapidement se transformer en une relation personnelle. Cette opération d'identification culturelle, bien qu'elle soit contextuelle et relative, est ressentie par l'acteur social comme originelle et primordiale. [...]
[...] Ces énoncés forment une palette de répertoires qui permettent de modéliser la réalité : on distingue ainsi des énoncés de type chrétien, hindou, nationaliste, libéral Bakhtine, critique littéraire russe, montre ainsi que la littérature russe est un fait complexe, un lieu où se croise une multiplicité de discours hétérogènes, un réseau de connotations en nombre indéfini car elle est marquée par l'ensemble de la communauté. Une fois repérés les genres essentiels du politique, l'auteur propose de s'intéresser au rapport d'intertextualité entre les genres. Pour saisir ce rapport, il rappelle d'une part l'importance du contexte dans le choix de l'identité et d'autre part l'importance des énoncés antérieurs pour comprendre les énoncés actuels. Comment comprendre l'évolution des identités hutues et tutsies sans se rapporter aux génocides qui ont émaillé leur histoire ? [...]
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