Dans L'espace humain – une invitation à la géographie, Jean-Pierre Allix suit une démarche apparemment très éclectique (loin de l‘exercice universitaire de dissertation), mais il obéit tout de même à une certaine logique, en fonction des objectifs qu'il s'est fixés. Quels sont ces objectifs, en quoi expliquent-ils le cheminement à première vue aléatoire du géographe ?
Comme le met en évidence le sous-titre de l'ouvrage (une invitation à la géographie), le but premier de Jean-Pierre Allix est de donner une approche globale de la géographie, de faire découvrir cette discipline souvent méconnue et/ou critiquée : il s'agit de définir la géographie étymologiquement description de la terre. Est-ce une science de la terre ou une science humaine ? En vue de l'élaboration de cette définition, l'auteur-enseignant va commencer par détruire des lieux-communs qui deviennent des vérités : celle du politiquement correct qui fait disparaître des mots essentiels comme indigène ou nègre, et surtout, celle des schémas d'analyse manichéens. Ainsi, Allix déclare s'attaquer à l'ignorance insidieuse, ignorance observée chez ses élèves (notamment de futurs enseignants et fonctionnaires). Le géographe commence donc son travail en disséquant, nuançant, voire même en réduisant à néant une dizaine de supposées vérités (p.21-129): le milieu tempéré est favorable à l'homme, tel pays est peuplée parce qu'il est fertile, les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent, etc.
Mais Allix ne va pas se contenter du jeu des dix affirmations : avoir montré que la géographie ne consiste pas en de simples déterminismes ne peut en effet suffire à remplir le but de cet ouvrage, à savoir définir la géographie. Après avoir expliqué en quelque sorte ce que la géographie n'est pas, il lui faut maintenant réfléchir sur ce qu'est réellement la géographie : c'est pourquoi il va essayer d'inculquer au lecteur des notions de base (d'où la présence d'un glossaire) en géographie, ou plutôt la façon dont il faut envisager cette discipline . Ainsi, on peut remarquer qu'il fait appel à diverses disciplines : histoire, sociologie, sciences naturelles, etc. Surtout, on est frappé par l'éclectisme de sa démarche, laquelle se caractérise par des digressions répétées: il jongle en effet sur les diverses facettes qui composent la géographie, passant d'un chapitre consacré aux villes à un chapitre consacré à l'érosion et à l'histoire géologique (p.261).
Ces deux démarches (monter ce que la géographie n'est pas et ce qu'elle est) ont pour objet d'amener l'auteur à établir une définition de la géographie : il cherche à expliquer ce qu'il a déclaré dans son introduction, à savoir que le géographe doit occuper une position centrale . La réfutation des dix affirmations classiques et l'éclectisme du livre ont donc pour but de montrer que la géographie est davantage une culture et un point de vue qu'une science : tout le livre – en tout cas c'était l'objectif de l'auteur - voulait montrer qu'aucune définition n'est donnée d'avance, que la géographie est ce qu'en font les géographes et même les gens de la rue, qu'on peut tailler large ou étroit, et qu'aucun signe venu du ciel ne nous dira quelle est la bonne pratique.(p.367) Elle englobe les sciences sociales, l'histoire, la démographie, la géologie, la climatologie et l'hydrographie. A partir de là, le double objectif d'Allix est de montrer que la géographie reste pourtant une science autonome et de trouver comment un homme peut être géographe : décider d'être éclectique – ce qui, à mon sens, est la position la plus raisonnable – c'est tomber, il est vrai dans l'inconvénient déjà souligné : être obligatoirement ce que nul ne peut être, le spécialiste de tout à la fois… (p.151)
L'Espace humain – une invitation à la géographie est donc un ouvrage avant tout didactique, sa finalité étant d'arriver à donner une bonne définition de la discipline géographique, et par là-même d'aller contre les vérités communes et de faire découvrir au néophyte les objets réels de cette matière. Une fois cette définition éclaircie (la géographie comme culture éclectique), un nouvel objectif – double – apparaît : affirmer l'indépendance de la géographie vis-à-vis des autres disciplines et comprendre comment on peut devenir géographe.
[...] Résumé de l'ouvrage Dans l'Espace Humain, Jean-Pierre Allix invite à l'étude de la géographie : il cherche à la définir et à en donner une approche globale. Il divise son ouvrage en quatre grandes parties caractérisées par leur éclectisme : les commentaires (108 pages), les explications (30 pages), les paysages (162 pages), les labyrinthes (53 pages). Comment passe-t-il de la réfutation des vérités communes aux explications géographiques, et enfin à une approche globale de la géographie ? De la réfutation des lois géographiques aux explications géographiques 1. [...]
[...] (p.331) (chapitre 30) De l'autre côté du pont chinois, le désert donne à l'espace une épaisseur. Mais ces obstacles ne sont pas infranchissables, la surface de la Terre est un labyrinthe passablement complexe, fait de cheminements et obstacles. Les déserts ne sont donc pas uniformes, les déserts qui s'étendent de la Méditerranée au Gobi sont plus transparents que le Sahara. Il faut différencier Sahara et Gobi : le Sahara est en effet un bloc compact alors que les déserts d'abri et d'éloignement sont des déserts en miettes interrompus par des montagnes-réservoirs. [...]
[...] Premièrement, toute ville est par définition un artefact. Deuxièmement, il existe deux logiques de contraintes (nourricière/ en terme de coût et rentabilité) : il existe donc différents types de villes à environnement désertique ; cette affirmation n'est donc qu'un verbiage sans valeur L'œcoumène est l'espace habité, celui qui se prête à la vie permanente des collectivités humaines. Premièrement, l'espace habité est un fait alors que l'espace habitable n'est qu'une virtualité : si le fait qu'un espace soit peuplé démontre qu'il était peuplable, la réciproque n'est pas vraie. [...]
[...] Comment peut-on être le spécialiste de tout, rassembler humain et naturel ? Voilà le genre de questions qu'on se pose en arrivant en première année de géographie. L'ouvrage de Jean-Pierre Allix m'a plus ou moins permis d'y répondre. Il est en effet devenu un outil sur le plan méthodologique et sur le plan des connaissances géographiques : c'est donc le fond qui a revêtu le plus d'intérêt. Mais, lorsqu'on commence la lecture du livre, c'est tout d'abord la forme particulière qui frappe. [...]
[...] Ainsi, le style éclectique permet au géographe de relier forme et fond : en multipliant les digressions, il explicite ce qu'il a énoncé, à savoir que la géographie se doit d'être éclectique. Plus que la forme (qui n'est qu'un instrument), c'est donc le fond qui fait l'intérêt majeur de cet essai. Tout d'abord, L'Espace Humain peut constituer un outil très utile sur le plan méthodologique. Personnellement, il m'a donné l'occasion de trouver ne seraient-ce que des débuts de réponses aux questions posées au début de cette réflexion. C'était en effet l'objectif de l'auteur Ainsi, j'ai désormais une définition convaincante, une idée plus précise de ce qu'est la géographie. [...]
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