« C'était la belle époque, où l'on se buvait des canons au fond des caves ». Ce souvenir évoqué au cœur de sa cuverie par Joseph Ballet, vigneron dans le Revermont, permet d'entrer de plain-pied dans le paradoxe de notre étude : notre groupe d'élèves, en stage de terrain à Bourg-en-Bresse, lancé dans l'étude de « La vigne dans le Revermont, l'impact d'une activité sur un territoire » n'a en premier lieu tout simplement pas vu de vigne, ou très peu. Absente ou presque de l'espace parcouru, la vigne existe-t-elle véritablement dans le Revermont ?
Son inscription visuelle dans le paysage étant plutôt fugace, un réflexe méthodologique fut de rechercher son existence dans d'autres champs d'exploration : si la vigne ne marque pas à première vue le paysage Revermontois, peut-être subsiste-t-elle sous d'autres formes ? Or c'est ici que le paradoxe mis en exergue par la citation de Joseph Ballet intervient : si la vigne est absente d'un point de vue paysager, elle prouve tout de même son existence, sur d'autres plans : dans les mentalités, le patrimoine, les marques qu'elle a gravées au cours d'une longue et douloureuse histoire. La citation de Jo reflète bien sa nostalgie d'un passé viticole glorifié : solidarité identitaire, relative prospérité économique, dynamisme culturel. Certes, cette « belle époque » semble dorénavant révolue. Mais le contraste est saisissant entre d'une part ce passé présent dans les mémoires, réanimé par le folklore et d'autre part la situation actuelle d'une vigne fruit de nombreuses crises successives et occupant une place minime, à la fois dans le paysage et dans l'économie locale. Ainsi la vigne dans le Revermont subsiste et semble même plus vivace dans les esprits que matériellement.
Dans ce cas, la problématique de notre étude reste pertinente : la vigne existe bel et bien et nous pouvons alors étudier son impact sur le territoire du Revermont. Si l'on retient l'une des nombreuses définitions du terme « territoire », c'est-à-dire celle de Guy Di Méo : « Le territoire est une appropriation à la fois économique, idéologique et politique (sociale, donc) de l'espace par des groupes qui se donnent une représentation particulière d'eux-mêmes, de leur histoire » (Les territoires du quotidien, 1996), alors on constate que la vigne est réellement un élément structurant du territoire Revermontois. Reste à préciser l'explication de son statut ambigu caractérisé par une dualité entre absence visuelle / présence mémorielle, son histoire, ses spécificités économiques, sa multiplicité de rôles concernant son impact sur le territoire du Revermont.
[...] Figure 11 : Le Revermont en 1900 aux environs de Ceyzériat Sources : Musée du Revermont 2008. Figure 12 : Le Revermont aujourd'hui aux environs de Ceyzériat. Sources : Musée du Revermont La Première Guerre mondiale porte le coup final à cette activité en opérant de fortes ponctions sur la main-d'œuvre locale, la rendant ainsi moins rentable, plus pénible : Les paysans délaissent alors de plus en plus fréquemment une viticulture exigeant une grosse charge de travail, tendance accentuée par l'exode rural du second XXe siècle. [...]
[...] De plus en plus absente dans le paysage, la vigne garde-t-elle son importance en termes d'impact culturel dans ce terroir ? . La vigne a bien laissé ici des traces matérielles dans le paysage, aujourd'hui mises en valeur malgré le fort recul des surfaces cultivées, que ce soit par les collectivités locales (communes, associations vigneronnes) ou dans l'habitat individuel (façade et décoration des maisons). C'est en fait vers le domaine de l'immobilier qu'il faut se tourner pour souligner cette envie de sauvegarde et de restauration. [...]
[...] Les tentatives pour préserver la vigne dans le Revermont, à toutes les échelles, sont peut-être plus ou moins inconsciemment, une tentative pour préserver la campagne telle qu'elle est perçue, vécue, et parfois fantasmée, face aux bouleversements actuels qu'elle connaît. Table des figures Fig. Carte géologique de Bourg-en-Bresse 5 Fig. Itinéraire de notre stage et localisation des intervenants rencontrés 6 Fig. Coteau viticole près de Treffort-Cuisat, dans le Revermont, octobre Fig. Reconquête végétale d'un coteau viticole au sud de Treffort-Cuisat, dans le Revermont, octobre Fig. [...]
[...] Cette crise sera, comme nous l'avons dit, le point de départ d'une reconversion agricole vers la polyculture et d'une mutation paysagère qui fait qu'aujourd'hui, le touriste peu attentif aux vestiges peut ne pas s'apercevoir qu'il traverse un ancien pays viticole. L'hécatombe liée à la Première Guerre mondiale, destructrice de la main d'œuvre, terminera l'œuvre du phylloxera qui avait tué la ressource naturelle en tuant la ressource en travail. Certains font cependant de la résistance, et l'activité viticole demeure une activité économique dans la région, à l'état de reliquat cependant. [...]
[...] Le passage du Cerdon en AOC va engendrer l'arrachage des cépages inutiles à sa fabrication et donc une déprise. De même, l'INAQ freine (du moins, c'est le terme utilisé par les intervenants) les jeunes vignerons car ils ne peuvent ne planter qu'une surface très limitée, proche de 1ha, de vignoble par an. Toutes les opérations de demande de plantation, d'arrachage, de changement de, cépage sont, d'après René Brendel, très longues ( 18 mois de paperasseries nous dit-il), et même très coûteuses : une demande de plantation de vigne peut coûter autour de euros. [...]
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