L'héritage industriel du 19è siècle est très présent en France. Témoignage d'une époque où le capitalisme était une idéologie et pas seulement un modèle économique. Ce capitalisme était régi par une volonté d'excellence, de progrès, aussi bien humain que technologique, mais toujours dans le même but : produire mieux et plus. Les exemples de ce capitalisme global sont nombreux : le familistère de Guise, les organisations en corons du bassin minier et… la chocolaterie Menier de Noisiel. Installée en Seine et Marne, à quinze kilomètres à l'est de Paris, en 1825, la dynastie Menier va édifier un véritable empire du chocolat, et marquer profondément son territoire. Le site de l'usine va sans cesse évoluer, être réorganisé, agrandi, rénové. Le village de Noisiel ne sera jamais plus le même, jusqu'à en perdre son site originel, avalé par le développement de l'usine. La famille Menier contrôla tout, du logement aux services sociaux, du politique à l'économie. Marqueur primordial de l'histoire de la ville, elle ne joue pourtant plus aucun rôle dans la vie sociale de Noisiel depuis la vente de l'usine au milieu du 20è siècle. L'héritage est cependant considérable. Parfois lourd à porter et à assumer, il est aujourd'hui revendiqué et ardemment défendu par les équipes municipales, conscientes de l'intérêt architectural et historique que représente la chocolaterie. Cela est d'autant plus vrai depuis la réhabilitation menée en 1995. Racheté par Nestlé en 1991, le site laissé quasiment à l'abandon a été choisi au début des années 90 pour abriter le futur siège social de Nestlé France.
Les défis étaient nombreux et de taille. Les bâtiments au départ construits dans une optique d'usage industriel devaient dorénavant accueillir des bureaux, des conférences, des cadres. Comment adapter l'existant à un nouvel usage, sans le défigurer ? En effet, la dimension patrimoniale était essentielle puisque trois bâtiments d'époque sont inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. De plus, un mouvement de prise de conscience de l'intérêt à la fois architectural et historique de ces bâtiments industriels du 19è s'est développé au cours des années 80, signe que l'histoire souvent douloureuse de ces énormes complexes commençait à être acceptée et considérée avec un recul qui permettait d'appréhender certains de ses aspects positifs. Les défis techniques étaient également nombreux. Non seulement le chantier a été réalisé dans des délais très courts, mais la diversité des interventions le rendait encore plus difficile. De la réhabilitation, de la construction neuve, de la sauvegarde. Comment garder une cohérence de l'ensemble, tout en restant dans la tradition instaurée par la dynastie Menier, innovation et excellence des réalisations ?
La réhabilitation menée par le cabinet d'architecture Reichen et Robert a été en tout point remarquable. Tout en se gardant un formidable espace de liberté et de création, parfois même dans de tous petits détails, ils ont respecté l'esprit du lieu, et l'ont inscrit tout en douceur dans son environnement proche, à la fois urbain et paysager. Mais ils ne se sont pas contentés de soigner l'enveloppe, ils ont également respecté les exigences de Nestlé en termes de confort, de simplicité d'usage et d'égalité de qualité de traitement entre les différentes entités.
La richesse de cette opération réside aussi dans le fait qu'elle peut être abordée sous différents angles. Elle présente à la fois un grand intérêt architectural, urbanistique, technique, historique et idéologique. La multiplicité de ces approches constituera le corps de cette étude. Nous nous pencherons tout d'abord sur l'épopée de la famille Meunier, formidable bâtisseuse et tellement représentative de ce capitalisme du 19è. La réhabilitation de ce site a été envisagée sous différents aspects par les architectes, contraints de faire dialoguer l'ancien et le contemporain, de repenser l'organisation intérieure, et l'insertion dans l'environnement urbain et paysager. Ce dernier étant très important, car la relation entre la chocolaterie et Noisiel a toujours été à la fois complexe et fusionnelle.
[...] Il proposa de tout démolir et de reconstruire un bâtiment en fer et en brique, dont les murs seraient disposés comme les poutres d'un pont en treillis de fer, et formant eux-mêmes des poutres. (Jules Saulnier, Usine Menier à Noisiel dans encyclopédie d'architecture, 1874) La structure fig 6 La structure du moulin reconstruit C'est une structure poteaux poutres. Le cadre général est rectangulaire, en grosses poutres de tôle, et sert de base aux parements extérieurs. Deux grandes poutres longitudinales intermédiaires portent les planchers et toute la lourde machinerie de nécessaire à la production. [...]
[...] On y trouvait 820 maisons accolées les unes aux autres, en alignement de la rue. Elles possédaient toutes un jardin à l'extérieur, séparé par un petit chemin parallèle à la rue du jardin de la rangée de maisons suivantes. L'alignement peut-être jugé quelque peu monotone, mais beaucoup ont souligné la grande qualité des constructions, et leur confort nouveau pour l'époque (place, hygiène, etc. ) fig 16 Plan général de la cité ouvrière Les deux hommes reviennent d'Angleterre avec ces idées en têtes, et démarrent la construction de la cité en 1874. [...]
[...] Comment les habitants le portent- ils ? En quoi le rachat du site par le groupe Nestlé peut-il être un bien pour l'ensemble de la communauté noisélienne ? Le mélange de la politique et de l'économie 1 Tous élus Les différentes générations ont eu un rapport différent avec la politique et la vie publique. Ils sont tous néanmoins passés à la mairie de Noisiel. Antoine-Brutus et Emile furent députés-maires de Noisiel. Gaston fut élu conseiller général du canton de Lagny en janvier 1891, puis député 1898, et maire de la ville voisine de Lognes. [...]
[...] Son père lui avait légué une entreprise florissante, il en fit un gigantesque terrain de jeu pour appliquer ses idées politiques, sociales et économiques. Nous avons précédemment évoqué son goût pour l'innovation technique, le développement industriel et économique. Il fût également très fortement impliqué dans la vie politique à différentes échelles Les progrès sociaux à Noisiel L'établissement de la première cité ouvrière fit grimper les effectifs de la commune de 200 à 700 habitants entre 1872 et 1874. Il fallut donc accompagner cette croissance par diverses infrastructures. [...]
[...] Les architectes ont gardé cette logique, mais il a fallu passer d'une circulation de marchandises à une circulation de personnes. Toujours dans l'optique de marier les époques et de conserver l'héritage légué, ils ont pris le parti de conserver les traces de cet ancien mode de transport. ph 19 (à gauche) Les rails au rez-de-chaussée de la cathédrale ph 20 (à droite) Les rails dans le moulin Pour établir le nouveau plan de circulation, ils ont en partie repris le trajet qu'effectuait le chocolat tout au long du processus de production Le nouveau plan de circulation (voir page figure page suivante) La rue intérieure Reichen et Robert ont mis en place une grande allée couverte qui court de l'extrémité est du site à l'atrium. [...]
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