Ségrégation, villes françaises, fin de la coprésence, séparatisme social, ville émiettée, ségrégation spatial, étalement urbain
Selon Yves GRAFMEYER et Jean-Yves AUTHIER dans Sociologie urbaine, « la ville est à la fois territoire et population, cadre matériel et unité de vie collective, configuration d'objets physiques et nœuds de relations entre sujets sociaux. » La ville n'est donc pas un simple agrégat inconstitué de populations désunies, pour pasticher Mirabeau, mais elle crée au contraire un lien entre ses habitants dans une forme de « maximisation de l'interaction sociale » (Paul CLAVAL, La Logique des villes, essai d'urbanologie). Selon Paul CLAVAL en effet, la ville est née pour être un carrefour, un lieu de convergence entre les hommes, ceci afin de minimiser leurs frais de déplacement. La ville confère donc un « avantage urbain », car en tant que lieu de « coprésence » (Jacques LEVY, Le Tournant géographique), elle compense les inconvénients qui existent dans le fait de vivre sur un même territoire, restreint, au lieu de se disperser.
Mais ce phénomène de concentration dans les villes, lié notamment à l'exode rural, connaît une inversion depuis les années 1970 à travers la périurbanisation (Martin BERGER dans Les périurbains de Paris. De la ville dense à la métropole éclatée ? 2004). La logique de concentration des hommes a été supplantée par une logique d'étalement et d'éloignement, et donc, de séparation. Or, la séparation de différents types de populations ne se fait pas selon un schème aléatoire et inexplicable : séparer, c'est trier.
Une ségrégation spatiale naît donc de la séparation liée à l'étalement urbain, selon différents critères. Selon Éric MAURIN dans Le Ghetto français, enquête sur un séparatisme social, trois facteurs ségrégatifs sont principalement en jeu : discrimination ethnoraciale avec stratégies d'évitement résidentiel et scolaire ; structuration économique de l'espace urbain par le marché du logement ; cumul de stratégies de « distinction » issues de toutes les catégories sociales. La ségrégation est donc un phénomène de séparation basé sur des critères sociaux, ethniques, économiques.
[...] - Car la plus grande part des facteurs ségrégatifs, ceux qui rendent l'interaction sociale entre quartiers hétérogènes impossible, sont peut- être avant tout symboliques : Les barrières de l'entre-soi peuvent être symboliques ou matérielles. Aller dans les beaux quartiers suppose que l'on ait quelque chose à y faire, ce qui n'est pas si évident pour un citoyen ordinaire. Les commerces ne correspondent pas aux besoins, et en tout cas pas à la sociabilité : on n'entre pas chez un grand couturier, même par curiosité, bien que l'entrée de la boutique soit libre, comme pour tout commerce. La violence symbolique suffit à dresser une frontière infranchissable M. PINÇON et M. [...]
[...] - La politique de la ville ne cherche de toute façon pas tant à encourager la mobilité sociale qu'à améliorer les conditions de vie dans les quartiers et à dynamiser le tissu économique de ces espaces, ce que Jacques DONZELOT appelle dorer le ghetto (Quand la ville se défait, 2008) Ex : 1996 création des ZUS, ZRU, ZFU. De même les Contrats urbains de cohésion sociale (Cucs) ont succédé en 2007 aux contrats de ville (2001-2006) comme cadre du projet de territoire développé au bénéfice des quartiers en difficultés. Calcul de l'enveloppe budgétaire attribuée à chaque quartier déterminée en partenariat avec l'INSEE. La mixité sociale est donc évoquée dans les discours d'intention, mais très peu de mesures vont dans ce sens- là. [...]
[...] Edmond PRÉTECEILLE La ségrégation sociale a-t-elle augmenté ? La métropole parisienne entre polarisation et mixité Sociétés contemporaines, 62, 2006) constate que les espaces les plus homogènes socialement restent les beaux quartiers et les quartiers populaires. II) Le triomphe du séparatisme social (Eric Maurin, Le Ghetto français, enquête sur le séparatisme social) De la lutte des classes à la lutte des places (Michel Lussault, 2009) - La ségrégation rend les territoires de plus en plus affinitaires (cf. Jacques DONZELOT, La Ville à trois vitesses : gentrification, relégation, périurbanisation, Esprit, 2004) : et cela selon trois mouvements : embourgeoisement des centre-villes prestigieux, départ des classes moyennes vers périurbain moins coûteux et protégé, relégation des cités d'habitat social. [...]
[...] - Evolution de la capacité de la ville à agréger des populations pour en faire une société. - La ville médiévale forme effectivement une société de gens unis par les mêmes caractéristiques, celles d'un égal affranchissement par rapport aux servitudes féodales qui organisent les campagnes, recherchant également un abri derrière les remparts qui entourent alors les villes et protègent leurs habitants. Toutefois des espaces de relégation sont mis en place pour isoler des populations considérées comme indésirables, ex : le ghetto de Venise à partir du XVIème siècle, tirant son nom de l'ancienne fonderie (gheto en italien) sur les fondements de laquelle le quartier a été bâti. [...]
[...] Aujourd'hui la plupart de la journée se passe en dehors de sa commune, l'espace où l'on vit est déterritorialisé. De plus beaucoup d'habitants des communes périurbaines refuseraient le contrôle social que constituaient auparavant les yeux de la rue (cf. Janes JACOBS), i.e la surveillance (inconsciente ou non) exercée par les petits commerces, passants, riverains. C'est ce qui pousse à s'enfermer dans des gated communities puisque la surveillance ne se fait plus par les voisins, alors elle est remplacée par un système coûteux et dédié. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture