Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France prend conscience qu'elle est déséquilibrée. L'ouvrage de JF Gravier, Paris et le désert français, publié en 1947 dresse un portrait de l'organisation régionale de la France qui grave dans les mémoires l'image d'un espace marqué par ce déséquilibre et les inégalités. L'hypertrophie parisienne a vidé les provinces de la partie la plus active de leur population. En outre, de part et d'autre d'une ligne le Havre-Marseille, s'opposent une France de l'Est, industrielle et urbaine, et une France de l'Ouest, agricole et rurale.
Cet état de fait est le fruit d'une évolution pluriséculaire : tradition centralisatrice initiée sous la monarchie capétienne, qui a consisté à concentrer tous les pouvoirs dans la capitale, que symbolise le tracé étoilé des réseaux routiers et ferroviaires. A cette évolution s'est ajoutée celle, structurante, de la révolution industrielle qui, à partir de la seconde moitié du XIXè siècle, embrasse les régions du Nord et de l'Est (qui disposaient des matériaux propices à la mutation technologique de l'époque) et délaisse celles du Sud et de l'Ouest. Par ailleurs, les comportements des bourgeoisies urbaines contribuent à expliquer l'évolution connue par des régions non dotées des matières premières des premières révolutions industrielles, telles que la région lyonnaise, l'Alsace, la région parisienne ou encore la Franche-Comté : elles y étaient acquises au progrès technique et industriel, se sont investies dans les nouvelles technologies, alors que dans l'Ouest et dans le Sud, où elles tiraient l'essentiel de leurs revenus de la rente foncière, elles l'ont redouté.
La géographie économique et sociale de la France a évolué : nous nous intéressons ici aux dynamiques qui sous-tendent ces transformations. Deux cadres d'observations sont à considérer pour rendre compte de la nouvelle configuration régionale : le cadre national, qui permet de comparer la situation actuelle avec celle qui prévalait dans le tableau brossé ci-dessus, et le cadre européen qui a modifié, au fil de l'intégration européenne, les perspectives de nos régions.
[...] Les grandes villes concentrent ainsi l'essentiel des activités marchandes exportatrices et deviennent les principaux moteurs de la croissance. A l'opposé, dans la France des provinces et des campagnes, l'emploi privé inséré dans la concurrence mondiale ne fournit plus qu'une part minoritaire des revenus locaux. Dans les territoires hors des grandes villes, la source du dynamisme local est désormais à chercher dans le revenu issu du secteur public, de la consommation des non-résidents et du tourisme (phénomène accru par l'explosion de la mobilité de 1960 à 1990 : les distances parcourues en moyenne par an et par personne ayant triplé), ou bien encore des prestations sociales et des retraites. [...]
[...] L'Ile de France, qui avait dominé la croissance des années 1980, a crû deux fois moins vite dans la décennie suivante ; les métropoles régionales du Sud et de l'Ouest ont connu les plus fortes croissances. Selon Laurent Davezies et Pierre Veltz, l'uniformisation est sensible dans les paysages américanisés des périphéries de nos villes l'étalement urbain et la déstructuration des nappes urbaines étant un phénomène touchant toutes les métropoles. En 2006, un Français sur deux réside dans une commune de moins de habitants (les deux tiers d'entre eux en milieu urbain et péri urbain). [...]
[...] Certains auteurs insistent sur les forces centrifuges s'exerçant sur les régions et villes frontalières, annonçant la perspective d'une dislocation de l'espace national provoqué par l'effritement de nos frontières (JL Guigou, 1995) et par la résurgence consécutive des affinités culturelles qui lient ces régions à leur voisine : Alsace, Pays Basque, Savoie/Haute-Savoie, Pyrénées- Orientales catalanes D'autre part, l'élargissement oriental de l'UE laisse à penser que les flux de transport et des activités vont converger de plus en plus vers l'intérieur du continent. Pointe alors le risque de voir la France de l'Ouest se marginaliser dans un tel contexte. [...]
[...] Un aperçu de la situation des régions françaises, non plus dans un cadre national, mais à l'échelle européenne est le prélude à l'évocation des dynamiques propres à la France des petites Europe[4] A. Les régions françaises en Europe Pour une ville ou une région française, le problème n'est plus uniquement de savoir comment elle se situe par rapport à Paris, éventuellement face à l'Europe Rhénane. Il est aussi de comprendre comment elle se place sur l'échiquier des grandes composantes de l'Europe toute entière. [...]
[...] Le contraste est tel que certains observateurs voient dans ce renversement des dynamiques régionales une inversion (Uhrich, 1987). Les profils sectoriels d'activité des régions tendent à la convergence, sous l'effet combiné de la tertiarisation et de la désindustrialisation. A cette homogénéisation de l'espace économique répond une homogénéisation des sociétés régionales, des salaires et du revenu disponible par ménage, qui est dû à la montée en puissance des classes moyennes, perceptible dans toutes les régions, notamment après 1975. Les facteurs de cette mutation sont essentiellement liés à la façon dont les régions ont réagi à la crise. [...]
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