La géographie critique française

Thèmes abordés

Géographie critique, mai 1968, PCF Parti Communiste Français, indépendance de l'Algérie, luttes anticoloniales, insurrection de Budapest, résistance, maccarthysme, chasse aux sorcières, Karl Marx, marxisme althussérien, Vidal de la Blache, Olivier Orain, radical geography, new geography, Peter Haggett, Brian Berry, critical geography, Yves Lacoste, Franck Auriac, André Vant

Résumé du document

Les années 1960 sont une période marquée par des mouvements contestataires, tant aux États-Unis que dans de nombreux pays à travers le monde. Si mai 1968 reste emblématique, il convient de replacer les événements de cette année dans un contexte temporel plus étendu.
Cette époque est caractérisée par des luttes anticoloniales et, dans le cas de la France, par le processus d'indépendance de l'Algérie. Moins médiatisée, une répression violente réprime un mouvement antiraciste et anticolonial en Guadeloupe en 1967.

Extraits

[...] Cela marque explicitement ces travaux comme étant "liés au courant critique". Une observation pertinente est que les références à la "géographie critique" ou à la "géographie radicale" émanent souvent d'auteurs et d'autrices ayant eu une certaine exposition à la géographie anglo-américaine, notamment à travers des séjours d'études à l'étranger ou par leur habitude de lire en anglais. Quelles perspectives interprétatives peut-on évoquer face à ces constats ? Il est indéniable qu'il existe une certaine familiarité avec la géographie radicale anglophone au sein de la géographie française des années 1970 et 1980. [...]

[...] Quelle est la pertinence de ces événements pour la géographie ? De nombreux géographes universitaires de la génération relativement jeune (âgés d'environ trente ou quarante ans) ont été personnellement touchés par des événements politiques majeurs, tels que la Résistance, la guerre d'Indochine, la guerre d'Algérie (ainsi que les répressions sanglantes associées, comme les manifestations de l'indépendance de l'Algérie en 1961 et 1962) et Mai 1968. Parmi la génération de géographes nés dans les années 1930, beaucoup étaient affiliés au PCF et/ou se sentaient proches des luttes anticoloniales. [...]

[...] Il est possible d'embrasser à la fois le marxisme et d'occuper des positions éminentes au sein de la hiérarchie académique. Un exemple notable est Louis Althusser, enseignant à l'École normale supérieure de Paris, qui rencontre le succès avec la publication en 1965 de Pour Marx et de Lire Le Capital (en collaboration avec certains de ses étudiants) chez Maspero. Les marxismes prennent diverses formes : le marxisme dans sa version généralement qualifié d'orthodoxe (suivant la doctrine du marxisme-léninisme et la tradition bolchévique), mais aussi des marxismes hétérodoxes, qui s'éloignent de ces doctrines pour réinterpréter les écrits de Marx. [...]

[...] D'un autre côté, la crise est épistémologique. Cette nouvelle génération remet en question la géographie établie et aspire à une approche véritablement scientifique, fondée sur des théories et des méthodes renouvelées. Cette contestation vise également à critiquer la prétendue apolitisme de la géographie classique, qu'elle perçoit comme une discipline stérile au mieux, voire comme un instrument au service des pouvoirs en place, qu'ils soient coloniaux ou technocratiques. Ces deux formes de contestation s'entremêlent, car les "figures dominantes" sont souvent à la fois les gardiens de la tradition épistémologique et les garants de l'ordre social universitaire. [...]

[...] Parallèlement, il s'agit d'examiner le rôle politique de la discipline. Parmi les sujets abordés figure la quête d'une "pratique militante en tant que géographe". Une condamnation est formulée envers la "réaction" (qualifiant les "enseignants réactionnaires") et envers la prétendue neutralité des enseignements : il est suggéré de "clarifier leurs présupposés théoriques et politiques". L'ensemble du texte révèle également l'influence contestataire des années 1960 : Encouragement à l'autonomie des étudiant.e.s, à leur auto-organisation et à leur "autoformation". Plaidoyer en faveur du "collectif", notamment en ce qui concerne l'organisation du travail universitaire : "reconnaissance du travail collectif". [...]