«Tout acte exige l'oubli», telle est l'une des conditions du bonheur selon Nietzsche, dans Seconde considération intempestive.
Si l'analyse philosophique de ces propos peut être ardemment défendue, leur approche juridique semble davantage contestable, d'autant plus lorsqu'elle relève de la matière pénale.
L'étroite relation entre le droit et le temps trouve son apogée lorsqu'il est question de la prescription de l'action publique. La prescription en droit pénal est le principe selon lequel l'écoulement d'un certain délai, qui diffère selon la nature de l'infraction, entraîne l'extinction de l'action publique, et rend de ce fait toute poursuite impossible (selon la définition Dalloz). Extinctive en droit pénal donc, la prescription peut également être créatrice de droit, comme l'illustre la prescription acquisitive en droit des biens.
[...] Aussi conviendra-t-il de s'interroger sur le point de savoir si la réforme de la prescription proposée à travers l'article 121-7 de l'avant-projet du futur code de procédure pénale s'inscrit dans la continuité du droit positif, qui aurait le mérite d'être désormais codifié ? A l'inverse, s'agit-il ici d'une rupture faussement désengagée avec l'état actuel du droit de la prescription ? L'avant-projet semble venir combler la lacune que présente l'actuel code de procédure pénale, en ce que les articles 6 et suivants ne font que citer la prescription parmi les causes d'extinction de l'action publique, sans en envisager réellement les modalités Cependant, à travers une indifférence à la jurisprudence solidement établie en la matière, ces propositions semblent s'inscrire dans un large mouvement de dépénalisation du droit des affaires, à laquelle s'ajoute un manque de cohérence regrettable (II). [...]
[...] Or, cela est vrai pour l'abus de biens sociaux (car puni de cinq ans d'emprisonnement) mais pas pour l'abus de confiance ou la pratique commerciale trompeuse par exemple, car ces infractions sont punies de trois ans d'emprisonnement ou moins, en l'absence de circonstances aggravantes. Un désaveu doctrinal o Les auteurs se sont élevés contre ce projet. Cela va peut-être porter ses fruits, car la Garde des Sceaux de l'époque, Michelle Alliot-Marie, a reconnu avoir été convaincue par les arguments s'opposant à ce projet. Elle a énoncé : "Je vais donc revoir le texte pour proposer de consacrer dans la loi ce qui est aujourd'hui la jurisprudence, c'est-à-dire que la prescription commence à partir de la découverte des faits et non de leur commission". [...]
[...] Cela explique les débats qui ont agité nombre de juristes à la suite de la publication de l'avant-projet du futur code de procédure pénale, le 1er mars 2010. La palme médiatique revient à la suppression du juge d'instruction, et à la création du juge des libertés et de la détention. En revanche, à peine remarquées, les dispositions sur la prescription ne se sont vues décerner qu'une place secondaire, jusqu'à que l'on s'aperçoive du bouleversement qu'elles allaient entraîner. L'article 121-6 de l'avant-projet procède à une modification des délais de prescription. [...]
[...] Réflexion sur la prescription de l'action publique à la lumière de l'article 121-7 de l'avant-projet du futur code de procédure pénale du 1er mars 2010 «Tout acte exige l'oubli», telle est l'une des conditions du bonheur selon Nietzsche, dans Seconde considération intempestive. Si l'analyse philosophique de ces propos peut être ardemment défendue, leur approche juridique semble davantage contestable, d'autant plus lorsqu'elle relève de la matière pénale. L'étroite relation entre le droit et le temps trouve son apogée lorsqu'il est question de la prescription de l'action publique. [...]
[...] De plus, cette disposition ne trouverait pas de nombreuses applications, car bien souvent, on se rend compte qu'une personne a disparu, et une action est intentée, même contre ce qui a pour effet d'interrompre la prescription (Exception dans le cas des disparues de l'Yonne, mais c'est assez spécifique, car elles étaient handicapées et pupilles de l'Etat, et étaient considérées comme ayant fugué de leur centre, et ni le centre, ni les familles d'accueil ne s'en sont préoccupés, car ces dernières touchaient encore des pensions Ici donc, même si cela est jugé vingt ans après, on a estimé qu'un soit transmis pour demander des informations à la DASS avait interrompu la prescription). Malgré ces cas très rares (jeunes filles de la DASS handicapées), on s'inquiète bien souvent de la disparition d'une personne, ce qui fait que la prescription est interrompue. o Dès lors, mieux valait peut être ne pas préciser une catégorie d'infraction déterminée, de façon, semble-t-il hasardeuse, afin d'ouvrir cette règle à toutes les infractions. [...]
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