Fiche d'arrêt - CEDH, 31 Mai 2005, Vetter c/ France
En l'espèce, dans le cadre de l'information judiciaire qui a abouti à la mise en examen du requérant pour homicide, les enquêteurs ont procédé à une perquisition du 26 décembre 1997 qui a abouti à la sonorisation de l'appartement d'un tiers où il devait se rendre, et à l'enregistrement des propos qu'il y a tenus. Le requérant soutient l'illégalité de ce procédé qui n'entre pas dans les dispositions de l'article 81 et dans les articles 100 et suivants du CPP. Il dénonce aussi une violation de son droit au respect de sa vie privée, garanti par l'article 8 de la CEDH.
L'affaire est allée devant la cour de cassation qui, le 15 février 2000, a rejeté son moyen fondé sur l'article 8 de la CEDH en jugeant que le requérant ne pouvait « se faire un grief de ce que la perquisition ayant permis la sonorisation, qui ne pouvait avoir d'autres fins que la recherche d'objets utiles à la manifestation de la vérité, était irrégulière, dès lors que seul celui qui en est personnellement victime a qualité pour invoquer une violation des règles de procédure, portant atteinte à l'intimité de la vie privée ».
Le requérant a exercé un recours devant la CourEDH en se référant à l'arrêt Lambert c. France du 24 août 1998 et dénonce une violation des articles 8 et 6 § 1 de la CEDH.
Le Gouvernement soutient qu'à la différence de ce qui est prévu pour les écoutes téléphoniques, le droit français ne contient pas de dispositions procédurales spécifiques en matière de sonorisation des lieux privées.
Cependant, en se référant à deux arrêts de la cour de cassation du 23 novembre 1999 (concernant la sonorisation d'un véhicule administratif de policiers) et du 12 décembre 2000 (concernant la sonorisation d'un parloir) le Gouvernement soutient que la Cour de cassation considère sur le fondement de l'article 81 du CPP, que le juge d'instruction peut procéder ou faire procéder à des enregistrements de conversations privées, sous réserve que ces actes soient réalisés sous son contrôle, dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux droits de la défense et dans le respect du principe de la loyauté des preuves.
Dans les arrêts Kruslin c. France et Huvig c. France du 24 avril 1990, la CourEDH a jugé que, si l'article 81 du code de procédure pénale pouvait constituer une base légale pour des écoutes téléphoniques, cette base était insuffisamment précise au regard des exigences de l'article 8 de la CEDH, et donc en a déduit que l'ingérence dans les droits garantis par cette disposition aux requérants n'était pas « prévue par la loi » et a conclu à la violation de cette disposition. Le Gouvernement admet que « cette jurisprudence paraît applicable à la présente espèce » et déclare en conséquence « s'en remet[tre] à la sagesse de la Cour quant au grief tiré de l'article 8 en matière de sonorisation ».
En ce qui concerne la seconde branche du grief, le Gouvernement déclare ne pas ignorer l'arrêt Lambert relatif aux interceptions téléphoniques dans lequel la Cour a considéré que la protection de la loi doit s'étendre à toutes personnes qui conversent sur une ligne téléphonique. Cet arrêt semble transposable à cette affaire de sonorisation. Le Gouvernement précise enfin qu'entre l'arrêt de la cour de cassation du 15 février 2000 et l'arrêt de la CourEDH, la cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en matière d'écoutes téléphoniques par un arrêt du 10 janvier 2003. (Désormais, « toute personne mise en examen dont les conversations téléphoniques ont été enregistrées et transcrites a qualité, au sens de l'article 171 du code de procédure pénale, pour contester la régularité de ces mesures »). Le Gouvernement déclare au vu de ces développements, s'en remet[tre] à la sagesse de la Cour sur la question de la qualité pour agir dans la présente affaire.
[...] De plus, même si la sonorisation de l'appartement trouvait son fondement légal dans les articles et 152 du CPP, la « loi » ne remplit pas les conditions qualitatives consacrées par sa jurisprudence puisque cette sonorisation représente une atteinte grave au respect de la vie privée et doit donc se fonder sur une « loi » d'une précision particulière. Or, d'une part, les articles et 152 du CPP ne contiennent pas de dispositions précises et, d'autre part, le Gouvernement ne prétend pas que cette lacune se trouve comblée par la jurisprudence. Ainsi, dans le domaine de la pose de micros, le droit français n'indique pas avec assez de clarté l'étendue et les modalités d'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités et donc il y a eu violation de l'article 8 de la CEDH. [...]
[...] Cependant, en se référant à deux arrêts de la cour de cassation du 23 novembre 1999 (concernant la sonorisation d'un véhicule administratif de policiers) et du 12 décembre 2000 (concernant la sonorisation d'un parloir) le Gouvernement soutient que la Cour de cassation considère sur le fondement de l'article 81 du CPP, que le juge d'instruction peut procéder ou faire procéder à des enregistrements de conversations privées, sous réserve que ces actes soient réalisés sous son contrôle, dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux droits de la défense et dans le respect du principe de la loyauté des preuves. Dans les arrêts Kruslin c. France et Huvig c. [...]
[...] La Cour énonce que selon l'arrêt Khan c. Royaume-Uni du 12 mai 2000, les faits dénoncés par le requérant caractérisent une ingérence dans les droits garantis par l'article 8 § 1 de la CEDH, d'autant plus que l'opération de « sonorisation » en cause visait clairement l'interception des propos de l'intéressé. Cependant, il faut déterminer si cette ingérence se justifiait au regard de l'article 8 § c'est-à-dire si elle était « prévue par la loi » et était « nécessaire » « dans une société démocratique » pour les atteindre. [...]
[...] En ce qui concerne la seconde branche du grief, le Gouvernement déclare ne pas ignorer l'arrêt Lambert relatif aux interceptions téléphoniques dans lequel la Cour a considéré que la protection de la loi doit s'étendre à toutes personnes qui conversent sur une ligne téléphonique. Cet arrêt semble transposable à cette affaire de sonorisation. Le Gouvernement précise enfin qu'entre l'arrêt de la cour de cassation du 15 février 2000 et l'arrêt de la CourEDH, la cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en matière d'écoutes téléphoniques par un arrêt du 10 janvier 2003. [...]
[...] Fiche d'arrêt - CEDH Mai 2005, Vetter France En l'espèce, dans le cadre de l'information judiciaire qui a abouti à la mise en examen du requérant pour homicide, les enquêteurs ont procédé à une perquisition du 26 décembre 1997 qui a abouti à la sonorisation de l'appartement d'un tiers où il devait se rendre, et à l'enregistrement des propos qu'il y a tenus. Le requérant soutient l'illégalité de ce procédé qui n'entre pas dans les dispositions de l'article 81 et dans les articles 100 et suivants du CPP. [...]
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