Fiche d'arrêt - CEDH, 16 novembre 2010, Taxquet c/ Belgique
Faits: un individu a été déclaré coupable, par la cour d'assises de Liège (qui comporte un jury populaire), d'assassinat d'un ministre d'Etat et de tentative d'assassinat de sa compagne, et a été condamné à une peine d'emprisonnement. Il a été jugé en même temps que d'autres accusés et lors du jugement, le jury a été appelé à répondre à 32 questions soumises par le président de la cour d'assises dont 4 le concernaient. Il se pourvut en cassation et son pourvoi fut rejeté. La Cour de cassation jugea d'une part que de l'inexpérience prêtée aux jurés, la rapidité de leur délibération ou l'absence de motivation de leur verdict ne pouvait se déduire son inaptitude à statuer de manière impartiale, d'autre part que le mode de désignation des jurés et le fait que ceux-ci formaient leur déclaration sur la culpabilité sans en délibérer avec la cour ne signifiait pas que la cour d'assises n'était pas un tribunal indépendant et impartial au sens de l'article 6 paragraphe 1, ensuite que ni l'article 6 ni 13 ne garantissaient le droit à un double degré de juridiction, et enfin que l'article 6 paragraphe 1 et 6 paragraphe 3b n'imposaient au jury aucune obligation de motiver ses réponses et que l'article 14 n'imposait pas la motivation de la déclaration de culpabilité.
Procédure et arguments requérant: devant la CourEDH, le requérant allègue que l'article 6 paragraphe 1 a été violé, et il soutient que son droit à un procès équitable a été méconnu, en raison du fait que l'arrêt de condamnation de la cour d'assises était fondé sur un verdict de culpabilité non motivé, qui ne pouvait faire l'objet d'un recours devant un organe de pleine juridiction.
[...] Face à un arrêt non motivé la cour doit examiner si, à la lumière de toutes les circonstances de la cause, la procédure a offert suffisamment de garanties contre l'arbitraire et a permis à l'accusé de comprendre sa condamnation. En l'espèce ni l'acte d'accusation ni les questions posées au jury ne comportaient des informations suffisantes quant à son implication dans la commission des infractions. Les questions étaient laconiques et identiques pour tous les accusés et ne se référaient à aucune circonstance concrète et particulière qui aurait pu permettre au requérant de comprendre le verdict de condamnation. [...]
[...] Donc l'espèce se distingue de Papon France. La présentation au jury de questions précises est une exigence indispensable devant permettre au requérant de comprendre un éventuel verdict de culpabilité et les questions doivent être individualisées autant que possible quand l'affaire comporte plusieurs accusés. En l'espèce le requérant n'a pas disposé de garanties suffisantes lui permettant de comprendre le verdict de condamnation prononcé à son encontre : la procédure n'ayant pas revêtu un caractère équitable, il y a violation de l'article 6 paragraphe 1 de la CEDH. [...]
[...] De manière similaire dans l'affaire Papon France, la Cour a relevé que le ministère public et l'accusé s'étaient vu offrir la possibilité de contester les questions posées et de demander au président de poser au jury des questions subsidiaires. Après avoir constaté que le jury avait répondu aux 768 questions posées par le président de la cour d'assises, elle a estimé que celles-ci formaient une trame apte à servir de fondement à la décision et que leur précision compensait adéquatement l'absence de motivation des réponses du jury. [...]
[...] Il se pourvut en cassation et son pourvoi fut rejeté. La Cour de cassation jugea d'une part que de l'inexpérience prêtée aux jurés, la rapidité de leur délibération ou l'absence de motivation de leur verdict ne pouvait se déduire son inaptitude à statuer de manière impartiale, d'autre part que le mode de désignation des jurés et le fait que ceux-ci formaient leur déclaration sur la culpabilité sans en délibérer avec la cour ne signifiait pas que la cour d'assises n'était pas un tribunal indépendant et impartial au sens de l'article 6 paragraphe ensuite que ni l'article 6 ni 13 ne garantissaient le droit à un double degré de juridiction, et enfin que l'article 6 paragraphe 1 et 6 paragraphe 3b n'imposaient au jury aucune obligation de motiver ses réponses et que l'article 14 n'imposait pas la motivation de la déclaration de culpabilité. [...]
[...] Solution: La Cour note d'abord que l'institution du jury populaire, avec l'existence ou non de voies de recours contre les décisions rendues ne saurait être remise en cause. La tâche de la Cour est d'examiner si la procédure a revêtu dans son ensemble un caractère équitable. Ensuite la CourEDH rappelle sa jurisprudence : dans l'affaire R. Belgique, la CommissionEDH a constaté que si la déclaration de culpabilité par le jury ne comportait aucune motivation, le président de la cour d'assises avait du moins préalablement posé au jury des questions concernant les circonstances de fait de la cause, que l'accusé avait pu contester. [...]
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