Commentaire d'arrêt, Chambre criminelle, Cour de cassation, 31 janvier 2012, loyauté de la preuve, procès pénal
La question de la loyauté de la preuve dans le procès pénal continue à susciter l'engouement. La chambre criminelle de la Cour de cassation s'est de nouveau penchée sur son domaine d'application par un arrêt du 31 janvier 2012.
En l'espèce, des enregistrements d'écoutes téléphoniques réalisés à l'insu des interlocuteurs avaient été produits comme preuve au procès pénal. Les écoutes portaient entre autres sur des discussions entre un avocat et son client. Certains de ces enregistrements avaient ensuite fait l'objet de retranscriptions par l'autorité publique. Tandis que des enquêtes ont été ouvertes pour atteinte à l'intimité de la vie privée et violation du secret professionnel, la chambre de l'instruction de Bordeaux a refusé d'annuler les enregistrements et de leurs retranscriptions. Un pourvoi en cassation a ainsi été formé, au moyen que l'arrêt violerait le secret professionnel (articles 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971), le droit au procès équitable (article 6 de la convention européenne des droits de l'homme (CEDH)), le droit à l'intimité de la vie privée (article 8 CEDH) et le principe de la loyauté de la preuve (article 427 du Code de procédure pénale).
[...] En effet, les enregistrements ont été apportés par un particulier et n'implique aucune participation de l'autorité publique. Nul doute que le principe de la loyauté de la preuve est donc écarté. En revanche, les transcriptions ont été effectuées par les autorités publiques à partir de preuves obtenues par un particulier. Celles-ci ont donc matériellement participé à la constitution de la preuve. La Cour de cassation confirme cependant l'arrêt de la chambre d'instruction en acceptant la preuve constituée par ces transcriptions. Elle retient que l'intervention des autorités publiques n'a eu pour objet que de matérialiser la preuve. [...]
[...] En l'espèce, la Cour de cassation vise l'article 170 du Code de procédure pénale pour rappeler que les preuves attaquées ne sont pas des actes ou des pièces de l'information. En ce, elles ne sont pas soumises au principe de loyauté. Le principe de loyauté s'applique encore au stade de la preuve lorsque celle-ci est rapportée par une autorité publique. A l'inverse, le principe de loyauté est écarté lorsque la preuve vient d'un particulier. Ainsi, les enregistrements constituent une preuve admissible puisqu'elles ont été apportées par un particulier, et non par l'autorité publique. [...]
[...] Commentaire d'arrêt Cass crim janvier 2012, publié, 85.464 COMMENTAIRE D'ARRÊT La question de la loyauté de la preuve dans le procès pénal continue à susciter l'engouement. La chambre criminelle de la Cour de cassation s'est de nouveau penchée sur son domaine d'application par un arrêt du 31 janvier 2012. En l'espèce, des enregistrements d'écoutes téléphoniques réalisés à l'insu des interlocuteurs avaient été produits comme preuve au procès pénal. Les écoutes portaient entre autres sur des discussions entre un avocat et son client. [...]
[...] I l'admissibilité de la preuve subordonnée aux principes de liberté et loyauté de la preuve Si la preuve est par principe libre au procès pénal le principe de loyauté peut cependant s'imposer dans certaines conditions A - le principe de la liberté de la preuve La Cour de cassation confirme par cet arrêt le principe de l'article 427 du Code de procédure pénale qui dispose que hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve Ainsi, c'est le principe de la liberté de la preuve qui prévaut dans le procès pénal. Cet arrêt s'inscrit parfaitement dans le contexte jurisprudentiel selon lequel une preuve obtenue illégalement demeure recevable au procès pénal. Ainsi, les preuves rapportées dans l'arrêt commenté sont acceptables bien qu'elles puissent avoir été obtenues dans des conditions portant atteinte à l'intimité de la vie privée (article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme). [...]
[...] B une exclusion de l'application du principe de loyauté critiquable La Cour de cassation opère une distinction subtile entre l'obtention de la preuve et sa matérialisation, de sorte à soustraire la seconde au principe de loyauté. Ce faisant, elle permet pourtant aux autorités publiques de prendre part dans l'apport d'une preuve obtenue de façon déloyale ou illicite. Le fait que les autorités publiques n'ait eu qu'un rôle purement technique justifie-t-il la non application du principe de loyauté? On pourrait ici faire un rapprochement avec la protection des principes fondamentaux des droits de la défense que la chambre criminelle a permise en déclarant irrecevable la preuve résultant de la retranscription par les autorités publiques de conversations téléphoniques entre un avocat et son client. [...]
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