liberté, dignité, Morsang-sur-Orge, Omega, sadomasochisme, cannibalisme, KA AD c/ Belgique.
Quoique l'idée de dignité ait pu être mobilisée dès le XIXe siècle, lorsque, par exemple, pour abolir l'esclavage, le décret Schoelcher (27 avril 1848) l'a dénoncé comme « attentat contre la dignité humaine », sa reconnaissance par les différents ordres juridiques, qui a permis de la « transmuter en concept juridique » (D. Lochak) ne s'est opérée que récemment, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
La dignité, dès lors unanimement reconnue, n'en demeure pas moins sans définition juridique. Du latin dignitas, elle signifie, outre la fonction ou charge qui donne à quelqu'un l'éminence de son rang (cf. art. 6 DDHC du 26 août 1789 : « Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités [...] »), le respect ou la considération que mérite quelqu'un. Elle ne peut dès lors renvoyer qu'à la personne, à l'être humain : la dignité est nécessairement humaine ; la décence étant réservée à l'être réifié qu'est la chose ou l'animal.
N'existant aucune définition de la dignité, seule la façon de l'appréhender permet de cerner davantage ce concept. Certains auteurs justifient l'apparition tardive de la dignité comme concept autonome et opératoire, par l'effectivité naguère maximale du principe de liberté, capable alors d'assurer à lui seul la protection de la dignité. Ce n'est que lorsque son invocation n'aurait plus suffi, que l'autonomisation, ou plus exactement, la transmutation en concept juridique de la notion de dignité, se serait produite. Cette protection, en effet, les droits de l'homme l'auraient déjà assurée. C'est seulement lorsque une substitution de « l'ennemi » (M. Fabre-Magnan) se serait opérée, qu'il aurait été nécessaire de recourir au concept de dignité. D'autres auteurs constatent néanmoins que même si jusqu'à une époque récente, le concept de dignité, alors notion, n'était pas formellement exprimé, il était déjà fort présent dans la pensée jusnaturaliste, au fondement des droits de l'Homme ; au fondement de la liberté. Il est dès lors difficile de réduire la dignité à un palliatif : la dignité, loin de simplement permettre de combler les vides que la liberté aurait laissés, serait le fondement de la liberté. D'autres encore, considèrent que la dignité est au coeur de l'anthropologie dogmatique (Pierre Legendre) et constitue un axiome, une vérité initiale indémontrable qu'il faudrait admettre ab initio ; « un principe fondateur non démontré et accepté comme tel, duquel découleront des conséquences juridiques » (F. Borella).
[...] Lebreton). Paradoxalement, le juge exerce un contrôle de proportionnalité de la mesure litigieuse Un contrôle de proportionnalité inutile En matière d'atteinte à la liberté, le juge exerce un contrôle sur la mesure litigieuse particulièrement poussé : il s'interroge, dans un premier temps, sur le bien fondé de l'action, en effectuant un contrôle entier de qualification juridique des faits ; dans un second temps, il M. Q. Paris 1 (Panthéon-Sorbonne) examine l'adéquation de la mesure prise à la condition légale qui a justifié celle-ci, en effectuant un contrôle maximal d'adéquation. [...]
[...] Le concept de dignité a des conséquences ambivalentes sur la liberté. Au fondement des droits de l'Homme et donc de la cristallisation de la liberté, le concept de dignité en vient à être utilisé pour restreindre la liberté. Le concept est promis à un avenir certain et, déjà, se trouve au centre du débat sur le suicide assisté et l'euthanasie, invoqué par les uns pour refuser toute légalisation d'une pratique qui supposerait que certaines vies ne valent pas la peine d'être vécues par les autres pour revendiquer le droit de mourir dans la dignité (D. [...]
[...] Au sommet, peut-être, d'une hiérarchie non plus formelle mais matérielle des normes, la dignité assure la pleine effectivité de la liberté, par la sauvegarde, d'une part, de l'ordre public, dont elle constitue l'une des composantes, et par la préservation, d'autre part, de l'individu. La préservation de l'individu conduit ainsi la dignité à déterminer l'autodétermination de celui-ci. Ce n'est dès lors plus un ordre public qui est opposé à l'individu mais une liberté, le droit à la dignité, sa liberté ; et il n'y a plus de liberté à être libre. [...]
[...] Plus qu'une composante de l'ordre public, certains auteurs voit en la dignité un concept complètement autonome, apparu parce que les couches successives ont été tellement déconstruites qu'on en arrive désormais aux fondements (M. Fabre-Magnan). La dignité, concept autonome, ne servirait plus seulement à préserver l'individu indirectement, par la sauvegarde de l'ordre public, mais directement La préservation de l'individu Le recours au concept de dignité pourrait servir à préserver l'individu contre lui-même, en lui refusant tout pouvoir d'autodétermination quant au droit à la dignité. Le concept de dignité, en tant que droit, en vient, paradoxalement, à déterminer l'auto-détermination de l'individu. [...]
[...] De même, la Cour de Strasbourg a-t-elle pu considérer, à partir de la dignité humaine qui constitue l'essence même de la Convention (CEDH 22 sept S. W. c RU que chacun a le droit d'établir les détails de son identité d'être humain (CEDH juil Goodwin RU Enfin, dans l'affaire Benetton relative à une campagne publicitaire où étaient représentés des morceaux du corps humain frappés d'un sceau HIV la Cour d'appel de Paris a souligné M. Q. Paris 1 (Panthéon-Sorbonne) qu'il y avait là une symbolique de stigmatisation dégradante pour la dignité des personnes qui a occasionné un préjudice moral individuel pour les malades atteints du SIDA, opposant ainsi aux annonceurs publicitaires une dignité rattachable au for intérieur des malades, et non de l'humanité. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture