Garde à vue libertés individuelle procès équitable libertés fondamentales CEDH
« Que dix coupables échappent à la justice, plutôt que souffre un seul innocent » (William Blackstone). Cette phrase inscrite dans l'ouvrage Commentaires sur les lois d'Angleterre publiée à la fin du XVIIIème siècle trouve aujourd'hui un écho dans l'esprit de la procédure pénale en France et plus précisément dans le régime de la mesure restrictive de liberté par excellence, la garde à vue.
La garde à vue se définit comme la « mesure par laquelle un officier de police judiciaire retient dans les locaux de la police, pendant une durée légalement déterminée, toute personne qui, pour les nécessités de l'enquête, doit rester à la disposition des services de police. ». En principe, hors les régimes dérogatoires, la durée de la garde à vue est limitée à 24 heures renouvelable une fois et le gardé à vue dispose de droits qui lui sont notifiés. Ainsi, ce dernier peut, notamment, prévenir une personne de son choix parmi plusieurs possibilités, a droit à passer un examen médical dans le but de déterminer si la mesure est compatible avec son état de sante et doit s'entretenir avec un avocat et c'est précisément ce dernier point qui attire l'attention actuellement. Depuis la loi du 4 janvier 1993, selon l'article 63-4 du Code de procédure pénale, l'avocat peut s'immiscer dans la phase d'enquête afin de défendre son client. Pour autant, la mesure est qualifiée de « visite de courtoisie » par la profession, l'entretient de trente minutes se limitant bien souvent pour l'avocat à rassurer son client et l'informer de ses droits. En effet, le défenseur du gardé à vue ne peut pas obtenir communication du dossier de son client ce qui le prive de toute ressource pour guider ce dernier et préparer avec lui une stratégie défensive. De plus, une loi de 2004, souvent intitulée loi Perben II, prévoit des exceptions à l'accès à un avocat, l'entretient n'intervient qu'à la 48ème heure pour les faits de proxénétismes, extorsion de fonds aggravée, association de malfaiteur, vol en bande et destruction et à la 72ème heure pour les affaires de terrorisme et de trafic de stupéfiant.
Toutes ces lacunes ont été relevées par la Cour Européenne des droits de l'Homme dans différentes affaires et condamnées pour contravention à l'article 6 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales qui prévoit le droit à un procès équitable et qui dans son alinéa 3 dispose que tout suspect à droit « se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ». Mais ce droit recouvre des aspects très différents, ainsi « le droit à un recours effectif devant un tribunal, le droit à un tribunal indépendant et impartial, le droit à un procès public respectant l'égalité des armes et conduisant à un jugement rendu dans un délai raisonnable, le droit à l'exécution effective de décision obtenue » font partie des conditions requises par la Cour européenne des droits de l'homme pour assurer la tenue d'un procès équitable.
Ces rappels et précisions appellent à se poser les questions de savoir pourquoi la France, pays des droits de l'homme a été condamnée (I) et comment celle-ci a réagit à ces condamnations (II).
[...] Deux moyens sont rejetés, il s'agit de ceux tenant à la dignité de la personne humaine et au contrôle de l'autorité judiciaire mais le moyen traitant du principe de « rigueur nécessaire » est accueilli est fonde la censure. Ce principe résulte de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen qui dispose que « tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». [...]
[...] A cet égard, la CEDH réplique que le raisonnement est en réalité inverse car « c'est face aux peines les plus lourdes que le droit à un procès équitable doit être assuré au plus haut degré possible pour les sociétés démocratiques ». C'est pourquoi que la condamnation de la France fut effective le 14 octobre 2010 par l'arrêt Brusco c. France qui précise qu'en l'absence d'une notification systématique du droit de garder le silence, le recours à un avocat est d'autant plus important. [...]
[...] Pour autant, la mesure est qualifiée de « visite de courtoisie » par la profession, l'entretient de trente minutes se limitant bien souvent pour l'avocat à rassurer son client et l'informer de ses droits. En effet, le défenseur du gardé à vue ne peut pas obtenir communication du dossier de son client ce qui le prive de toute ressource pour guider ce dernier et préparer avec lui une stratégie défensive. De plus, une loi de 2004, souvent intitulée loi Perben II, prévoit des exceptions à l'accès à un avocat, l'entretient n'intervient qu'à la 48ème heure pour les faits de proxénétismes, extorsion de fonds aggravée, association de malfaiteur, vol en bande et destruction et à la 72ème heure pour les affaires de terrorisme et de trafic de stupéfiant. [...]
[...] Ces consultations peuvent être refusées par le procureur de la République sur demande de l'officier de police judiciaire, « en raison des nécessités de l'enquête ». La deuxième innovation est le droit reconnu au gardé à vue d'être assisté par son avocat lors des auditions elles-mêmes, encore une fois de droit peut lui être refusé de la même manière « en raison des nécessités de l'enquête ». La troisième et dernière nouveauté est la possibilité offerte à l'avocat de rédiger des observations qui seront alors jointes à la procédure. [...]
[...] Dans sa décision, le Conseil Constitutionnel rappelle sa jurisprudence antérieure en la matière. Ainsi, dans la décision du 11 aout 1993, il a validé l'entretient avec l'avocat à la 20ème heure de la garde à vue ainsi que le report à la 36ème heure en précisant que « le droit de la personne à s'entretenir avec un avocat au cours de la garde à vue, constitue un droit de la défense qui s'exerce durant la phase d'enquête de la procédure pénale » Dans sa décision du 20 janvier 1994, il a déclaré conforme à la Constitution le report à la 72ème heure de l'intervention de l'avocat. [...]
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