QPC, caractère prioritaire, autorité de chose jugée, article 88-1, libertés fondamentales, liberté de circulation, jurisprudence IVG, arrêt 16 avril 2010, loi organique 10 décembre 2009
Alors que la question faisait débat, le législateur, dans la loi organique du 10 décembre 2009 qui met en place le mécanisme original que constitue la question prioritaire de constitutionnalité en droit français, a finalement opté pour conférer une portée très large au caractère prioritaire dudit mécanisme. En effet, la réserve liée aux exigences de l'article 88-1, qui constituait en cela un régime dérogatoire en faveur du droit de l'Union, n'a pas été repris dans la rédaction finale du projet de loi. Si cette priorité se comprend dans la mesure où elle permet de résoudre le « problème de compétitivité » dont souffrait le contrôle de constitutionnalité par rapport au contrôle de conventionnalité, sa portée absolue n'en demeure pas moins critiquable, notamment vis-à-vis des exigences qui résultent du droit de l'UE. L'arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 avril 2010 et la décision du conseil constitutionnel du 12 mai 2010 sont l'illustration des enjeux et des difficultés que soulèvent l'insertion de la QPC dans l'ordre juridique interne.
[...] Sa décision vise à neutraliser l'arrêt de la Cour de cassation qui, quant à elle, a tenté d'étendre le champ de la QPC aux droits consacrés par l'Union européenne. B La volonté compréhensible de la Cour de cassation d'étendre le champ de la question prioritaire de constitutionnalité aux droits consacrés par l'Union Européenne Juridiquement, la Cour de cassation développe un raisonnement qui paraît surprenant, à commencer par le fait qu'elle ne rejette pas la QPC alors qu'il n'est pas véritablement question d'un droit et d'une liberté que la Constitution garantit en l'espèce, le principe de libre circulation n'étant consacré qu'à l'échelle de l'Union. [...]
[...] Il ne contrôle pas la conformité de la loi de transposition à la directive communautaire par rapport au droit de l'UE, mais par rapport à l'article 88-1. Finalement, si la Cour de cassation a pu surprendre une partie de la doctrine par son arrêt rendu le 16 avril 2010, la décision du Conseil constitutionnel en a surpris une partie au moins toute aussi importante. En effet, dans le cadre d'une QPC, le Conseil applique la logique implacable de la jurisprudence IVG et se refuse ainsi à opérer tout contrôle de communautarité de la loi qui méconnaît une liberté garantie à l'échelle de l'UE, alors qu'il rappelle lui-même qu'il se reconnaît compétent, en cas de transposition d'une directive communautaire, pour contrôler la conformité de la loi de transposition à cette même directive dès lors que l'incompatibilité est manifeste. [...]
[...] Par cette décision, le Conseil constitutionnel clarifie donc une situation qui pouvait paraître largement confuse à la lecture de l'arrêt rendu le 16 avril 2010. Le Conseil maintient ainsi une certaine répartition des tâches entre les différentes juridictions : aux juges internes, le contrôle de conventionnalité, au juge constitutionnel, le contrôle de constitutionnalité. D'un point de vue purement juridique, accorder le bénéfice de la couverture constitutionnelle aux droits consacrés à l'échelle européenne est critiquable dans la mesure où le constituant a entendu restreindre les normes de référence du contrôle de constitutionnalité a posteriori : en énonçant que seuls les droits et libertés garantis par la Constitution pouvaient être invoqués dans le cadre d'une QPC, le constituant a entendu ne pas conférer une portée trop large et absolue (notamment vis-à-vis du législateur) à un mécanisme aussi troublant d'autant plus qu'il est nouveau qu'est la QPC. [...]
[...] En effet, en refusant de conférer une valeur constitutionnelle aux droits consacrés à l'échelle de l'Union, le juge constitutionnel prive le justiciable de toute une panoplie de droits contenus dans les textes européens. Une partie de la doctrine (Philippe BLACHER et Florence CHALTIEL), y ont vu une hiérarchie entre les droits fondamentaux entre d'un côté les droits et libertés que la Constitution garantit, et qui sont susceptibles d'être protégés à l'occasion d'une QPC, et les droits consacrés à l'échelle de l'Union, qui eux, exception faite des cas limités en vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2004, ne seront protégés que par le juge interne dans le cadre d'un contrôle de conventionnalité ou de communautarité. [...]
[...] Or, la Cour de cassation ne semble pas s'opposer à un tel raisonnement. En affirmant qu'ainsi est posée la question de la conformité de l'article 78- 2 alinéa du code de procédure pénale à la fois au droit de l'Union et à la Constitution la Cour de cassation assimile donc les droits consacrés à l'échelle de l'Union européenne aux droits et libertés garantis par la Constitution. En effet, le cas inverse aurait normalement dû conduire la Cour de cassation à ne pas reconnaître la violation de la Constitution, et donc à rejeter la QPC. [...]
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