Intention de tuer, empoisonner, élément moral, crime, chambre criminelle, 2 juillet 1998
Aujourd'hui, le fait d'empoisonner une personne ne suffit plus à établir systématiquement l'intention de tuer. La définition de l'élément intentionnel du crime d'empoisonnement embarrasse la jurisprudence à tel point qu'elle ne parvient pas à se justifier.
[...] La Cour de cassation ne dit pas qu'il faut une intention d'homicide : elle se contente de dire que la cour d'appel a relevé une intention de tuer qui n'existe pas en l'espèce. Ainsi, on ne sait même plus si l'intention d'homicide est toujours une condition nécessaire. Elle se contente de prendre le contre-pied de la décision de la Cour d'appel qui estimait que cette simple connaissance suffisait pour déterminer l'intention d'homicide. Ainsi, elle ne met pas fin au débat quant à la nature de l'élément moral alors qu'elle aurait pu enfin mettre un terme aux interrogations suscitées par le crime d'empoisonnement. [...]
[...] L'article 121-3 alinéa 1 du code pénal impose l'existence d'une intention criminelle ou délictuelle : Il n'y a point de crime ou délit sans intention de le commettre L'empoisonnement étant considéré comme un crime, l'infraction ne sera constituée que si son élément moral est établi, si l'intention de donner la mort est caractérisée. L'empoisonnement implique donc nécessairement deux critères : le caractère mortifère de la substance et l'intention de donner la mort. D'ailleurs, l'arrêt du 8 juin 1993 illustre bien l'importance de ces deux critères : la substance administrée doit être mortelle pour qu'il s'agisse d'un empoisonnement et l'auteur doit souhaiter la mort de la victime. [...]
[...] Si elle est absente, l'infraction en question n'existe pas. La Cour a donc fait une interprétation restrictive de l'article 221-5 du code pénal puisqu'elle restreint le champ d'application de l'incrimination. Cette solution a été très critiquée par la doctrine. A supposé que la volonté de donner la mort soit exigée, elle se déduit automatiquement du fait que l'auteur ait administré volontairement des substances qui peuvent entrainer la mort. L'intention d'homicide devrait être caractérisée à partir du moment où l'auteur administre des substances mortifères en connaissance de cause. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt du 2 juillet 1998 Aujourd'hui, le fait d'empoisonner une personne ne suffit plus à établir systématiquement l'intention de tuer. La définition de l'élément intentionnel du crime d'empoisonnement embarrasse la jurisprudence à tel point qu'elle ne parvient pas à se justifier. En l'espèce, il s'agit d'un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 2 juillet 1998, cassant l'arrêt du 17 décembre 1997 de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence qui avait condamné un homme du crime d'empoisonnement, son intention de tuer étant caractérisée. [...]
[...] Le prévenu forme alors un pourvoi en cassation contre cette décision le 2 juillet 1998. Ainsi, la Cour de cassation doit se prononcer sur la question de la définition de l'élément moral du crime d'empoisonnement : l'empoisonnement suppose-t-il nécessairement l'intention de donner la mort ? Plus précisément, une personne qui transmet volontairement le virus du sida par voie sexuelle peut-elle être reconnue coupable du crime d'empoisonnement ? La Cour de cassation garde le silence sur ces questions en se contentant de casser l'arrêt pour contradiction et insuffisance de motifs. [...]
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