Commentaire d'ordonnance, Dieudonné, Conseil d'Etat, 9 janvier 2014, liberté d'expression, spectacle Le Mur, troubles à l'ordre public
L'ordonnance rendue par le Conseil d'État (CE) le 9 janvier 2014 dans le cadre de la très médiatisée affaire Dieudonné, a fait l'objet de nombreuses critiques juridiques, pour beaucoup négatives. Jean-Marc Sauvé, vice-président du CE, y a répondu en déclarant que dans cette affaire, le juge « s'est situé dans la continuité de sa jurisprudence, qui est protectrice des libertés, mais qui a aussi intégré la dignité humaine comme composante de l'ordre public ».
En l'espèce, M. Dieudonné M'Bala M'Bala, humoriste, jouait un spectacle intitulé « Le Mur » au théâtre de la Main d'or à Paris depuis décembre 2013, au cours duquel il tenait des propos à caractères antisémites. Ce spectacle devait ensuite être présenté dans différentes villes provinciales.
Par un arrêté du 7 janvier 2014, le préfet de Loire-Atlantique, utilisant son pouvoir d'autorité chargé de la police administrative, a interdit le spectacle « Le Mur » devant se tenir à Saint-Herbain deux jours plus tard. Pour justifier sa décision, le Préfet s'est fondé sur le fait que les propos tenus lors du spectacle allaient à l'encontre de la dignité de la personne humaine et que sa tenue risquerait d'entrainer de sérieux de troubles à l'ordre public qu'il serait difficile aux forces de police de maîtriser. Saisi en référé-liberté par la société Production de la Plume et Dieudonné, le juge des référés du TA de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L.521-2 du Code de justice administrative, a, par une ordonnance du 9 janvier 2014, suspendu l'exécution de l'arrêté préfectoral du 7 janvier 2014. Le ministre de l'Intérieur a alors saisi en urgence le Conseil d'État, en appel de l'ordonnance du 9 janvier 2014. Il demande l'annulation de l'ordonnance suspendant l'interdiction du spectacle en cause et le rejet de la demande présentée devant le juge des référés par la société Les Productions de la Plume et Dieudonné.
[...] Pourtant, s'agissant de la légalité des mesures d'interdiction de spectacles, il n'est pas du tout sûr que l'ordonnance du 9 janvier 2014 changera réellement quelque chose pour l'autorité responsable de la police administrative. La liberté d'expression, dont fait partie la liberté de réunion doit demeurer le principe, et l'interdiction doit demeurer l'exception. Comme l'a exprimé Denys de Béchillon, professeur en droit public, l'affaire Dieudonné est Une réponse adaptée à une situation extraordinaire En effet, dans son ordonnance, le CE démontre bien que les circonstances de l'affaire sont exceptionnelles, la solution n'aurait pas été la même si Dieudonné n'avait pas été neuf fois pénalement condamné avant de tenir ce spectacle. [...]
[...] La seconde condition est l'atteinte à une liberté fondamentale et en l'espèce Dieudonné avait soulevé devant le TA de Nantes la liberté d'expression, englobant ici la liberté de réunion. Dans son arrêt, le CE rappelle d'ailleurs que la liberté d'expression est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés Il réaffirme donc le caractère spécial et la valeur de cette liberté fondamentale, également reconnu par le Conseil constitutionnel en 1984 comme l'une des garanties essentielles du respects des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale (Décision des 10 et 11 oct. [...]
[...] Ainsi, l'arrêt Benjamin a posé un contrôle de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure de police à la menace de l'ordre public : pour être légale, le maintient de l'ordre public doit s'effectuer dans des conditions ne portant pas une atteinte excessive aux libertés. Mais le CE va plus loin que la jurisprudence Benjamin en précisant que les atteintes doivent respecter trois conditions, à savoir être nécessaires c'est-à-dire qu'il doit y avoir un vrai risque de trouble à l'ordre public, adaptées c'est-à-dire pertinente par rapport au but poursuivi en fonction des circonstances particulières de temps et de lieu, et, enfin, être proportionnées donc ne pas excéder pas ce qu'exige la réalisation du but recherché. [...]
[...] Libertés Publiques et Droits Fondamentaux La liberté d'expression Commentaire de l'ordonnance Dieudonné du Conseil d'État du 9 janvier 2014 L'ordonnance rendue par le Conseil d'État le 9 janvier 2014 dans le cadre de la très médiatisée affaire Dieudonné, a fait l'objet de nombreuses critiques juridiques, pour beaucoup négatives. Jean-Marc Sauvé, vice-président du CE, y a répondu en déclarant que dans cette affaire, le juge s'est situé dans la continuité de sa jurisprudence, qui est protectrice des libertés, mais qui a aussi intégré la dignité humaine comme composante de l'ordre public En l'espèce, M. [...]
[...] Le ministre de l'Intérieur a alors saisi en urgence le Conseil d'État, en appel de l'ordonnance du 9 janvier 2014. Il demande l'annulation de l'ordonnance suspendant l'interdiction du spectacle en cause et le rejet de la demande présentée devant le juge des référés par la société Les Productions de la Plume et Dieudonné. La question que devait résoudre le Conseil d'État était celle de savoir si le spectacle Le Mur comportait un risque sérieux de trouble à l'ordre public de nature à justifier son interdiction et l'atteinte à la liberté d'expression de Dieudonné. [...]
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