Mesures d'expulsion - Contrôle de proportionnalité - Droit administratif - Jurisprudence - Contrôle entier - Situation familiale
Nous sommes en présence d'un arrêt d'Assemblée du Conseil d'État rendu le 19 avril 1991, Babas. L'arrêt ici reproduit est relatif au contentieux des mesures de police administrative en matière d'éloignement d'étrangers et de la conciliation de la mesure plus particulière de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière avec le droit au respect de sa vie privée et familiale.
En l'espèce, un arrêté du préfet du Loiret en date du 19 avril 1990 ordonne la reconduite à la frontière de Mme X. Le 26 avril 1990, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans rejette sa demande d'annulation de l'arrêté. Mme X demande alors au Conseil d'État d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté de reconduite à la frontière prononcé à son encontre en invoquant, outre l'insuffisance de la motivation de l'arrêté et la méconnaissance de la procédure, la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le Conseil d'État dans cette espèce rejette le pourvoi de Mme X considérant d'une part que le jugement est suffisamment motivé et que la mesure envisagée ne comporte pas des conséquences d'une particulière gravité sur la situation personnelle de l'intéressé, qu'il n'y a pas d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation de l'intéressé et ne contrevient donc pas à l'article 8 de la CEDH.
Les problèmes juridiques auxquels la juridiction suprême a été confrontée sont doubles dans l'affaire Babas (idem dans l'affaire Belgacem relative à une expulsion du territoire national). Tout d'abord le juge avait à se demander s'il admettrait l'invocabilité de l'article 8 de la CEDH, c'est à dire la prise en compte du droit au respect de la vie familiale, dans le contentieux relatif aux mesures d'éloignement du territoire et plus précisément dans celui des arrêtés de reconduite à la frontière. Dans l'affirmative, il aurait à se demander quel serait le champ, le niveau, du contrôle du juge sur cette mesure de reconduite à la frontière.
[...] 2° L'extension ultérieure du champ d'application de l'article 8 de la CEDH lors des mesures d'éloignement. * Afin de tirer les conséquences nécessaires de ce mouvement jurisprudentiel plus vaste tendant à opérer un contrôle de proportionnalité entre la nécessité d'éloigner un étranger du territoire français et les incidences que cette éloignement pourrait avoir sur sa vie familiale, le juge a du étendre le champ d'application de l'article 8 de la CEDH. La portée conférée à l'article et ainsi le contrôle de proportionnalité, s'est ainsi étendue à diverses mesures de police des étrangers, non plus seulement active (reconduite à la frontière), mais passive (refus de titre de séjour CE 22 mai 1992 Mme Larichi ; refus de certificat de résidence : CE 22 mai 1992 Mlle El Khalma ; Refus de Visa : CE Epoux Talipoglu) qui sont ainsi annulables sur le fondement de l'article 8. [...]
[...] Le juge administratif en a ainsi pris conscience progressivement par la suite, tout d'abord le commissaire de gouvernement Faugère sous l'arrêt Préfet du Rhône Olmos Quintero du 29 juin 1990 préconisait de prendre en compte la vie personnelle et familiale de l'étranger dans l'appréciation de la légalité des mesures d'exclusion. C'est en substance ce que suivra le Conseil d'État dans l'arrêt Beldjoudi rendu le 18 janvier 1991, admettant la recevabilité d'un moyen tiré de cette violation. Les arrêts Belgacem et Babas se rangeant à la conception plus large de la famille, prolongent cet arrêt Beldjoudi et offre un éclairage intéressant dans la précision du contrôle du juge. [...]
[...] Il a ainsi fallu mettre en balance outre l'atteinte à l'ordre public et l'intérêt général, le critère de la vie familiale et privée. 2° L'acception élargie de la notion de vie familiale par le juge administratif * Concernant ce critère de la vie familiale, on pouvait se demander si le juge administratif allait s'en tenir à une vision étroite telle que contenue dans l'ordonnance de 1945 et qui écartait du bénéfice de la protection de la vie familiale les cas non énumérés par elle (personnes mariées depuis moins de 6 mois, concubins). [...]
[...] 1° L'existence d'une protection antérieure à l'arrêt Babas mais insuffisante. * Il convient tout d'abord de noter que dans le cas de reconduite à la frontière, c'est à dire une mesure administrative par laquelle on enjoint à l'étranger de quitter le territoire parce qu'il n'a plus de titre de séjour régulier ou parce qu'il n'en a jamais eu, la Jurisprudence avait déja, contrairement aux mesures d'expulsion, intégré des considérations tenant à la situation familiale de l'intéressée. La Jurisprudence issue des arrêts Immambacus et Préfet du Doubs Mme Olmos Quintero du 29 juin prévoyait ainsi que pour les étrangers susceptibles d'une mesure de reconduite à la frontière sur le fondement de l'article 22 de l'ordonnance de novembre 1945., cette mesure ne sera légale que si le préfet a contrôlé qu'elle ne comporte pas "pour la situation personnelle ou familiale de l'intéressé, des conséquences d'une exceptionnelle gravité". [...]
[...] Les problèmes juridiques auxquels la juridiction suprême a été confrontée sont doubles dans l'affaire Babas (idem dans l'affaire Belgacem relative à une expulsion du territoire national). Tout d'abord le juge avait à se demander s'il admettrait l'invocabilité de l'article 8 de la CEDH, c'est à dire la prise en compte du droit au respect de la vie familiale, dans le contentieux relatif aux mesures d'éloignement du territoire et plus précisément dans celui des arrêtés de reconduite à la frontière. Dans l'affirmative, il aurait à se demander quel serait le champ, le niveau, du contrôle du juge sur cette mesure de reconduite à la frontière. [...]
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