Politisation, pratiques politiques, rôle des juges, Philippe Garraud, Jacques Lagroye, autonomisation de l'institution judiciaire
La judiciarisation du politique constitue un des thème fort des recherches de Philippe Garraud (Directeur de recherche au CNRS). Aussi, dans sa participation à l'ouvrage de Jacques Lagroye (La Politisation) « transformation des pratiques politiques et rôles de juges », Philippe Garraud revient sur ce processus de judiciarisation des affaires politiques qu'il attribue à des dynamiques multiformes. A partir d'une première impression générale, l'auteur relève une juidiciarisation récente et inédite du politique en France, soit un phénomène d'association de la justice au politique notamment à travers des affaires judiciaires impliquant la sphère politique. La multiplication importante de ces situations – des mises en examen au condamnations des responsables politiques – vient justifier et renforcer la thématique - de la corruption de l'ensemble du système politique. Mais l'auteur ne se résout pas à adopter à cette approche par la corruption politique, qu'il juge comme une catégorie de sens commun à « usages multiples ayant pour effet d'amalgamer des pratiques hétérogènes et très diverses correspondant à des relations sociales différenciées ».
[...] Dès lors, sous l'effet concomitant et indissociable de toutes ces variables, se met en place pour l'auteur une dynamique de « pénalisation du politique » (page 97) avec l'émergence de nombreuses affaires que l'auteur vise à rappeler et typiser. Pour conclure et reprendre les termes de Philippe Garraud, ces multiples transformations, « relativement autonomes dans leur origine mais interdépendantes, ( ) ont fini par former un système » (page 99). On assiste alors à une modification des pratiques : « d'une part, les comportements et les conduites de certains acteurs judiciaires, d'autre part, l'institution et ses modes de fonctionnement possibles, et enfin, les relations entre le politique et la justice » (page 100). [...]
[...] En dernier lieu, l'auteur s'intéresse à la multiplication des affaires judiciaires mettant en cause le personnel politique depuis le milieu des années 1980. Aussi, pour Philippe Garraud, « il ne s'agit plus d'affaires ponctuelles mais d'un processus beaucoup plus profond » (page de nature différente et qui concerne toutes les catégories de personnel et d'institutions politiques. Cette multiplication s'impose dans un contexte politique renouvelé dans les années 1980 : transformation des pratiques et technologies politiques (introduction de techniques de communication issues du marketing), changements dans le financement de l'activité politique avec l'explosion du coût des campagnes politiques, multiplication du nombre d'élections (élections régionales et européennes sont créées), déclin du militantisme de masse (donc de l'autofinancement), élargissement des compétences des collectivités territoriales avec la décentralisation et alternances politiques nationales répétées (d'où une « déstabilisation des relations traditionnelles entre le pouvoir politique et l'institution judiciaire », page 94). [...]
[...] Ainsi, une triple série de dynamiques associées va recomposer le fonctionnement de l'institution dans son rapport au politique. Tout d'abord, les magistrats vont être recruter sur concours à partir de 1958, en rupture avec l'ancien système. De même, une véritable formation professionnelle (pour ne pas dire une professionnalisation) est instaurée, avec pour effet l'acquisition de savoirs techniques et professionnels ainsi que « l'apprentissage et l'intériorisation d'une vision sociale du monde plus large, plus ouverte » (page 88). Par ailleurs, au cours des années 1980, la composition sociologique et morphologique du corps des magistrats connait plusieurs mutations dans le sens de l'intégration croissante des classes moyennes en remplacement des catégories sociales supérieures. [...]
[...] Enfin, l'auteur juge que le secret de l'instruction a contribué à la limitation des affaires judiciaires et protégé le système politique d'éventuels scandales. L'auteur distingue alors deux périodes historiques dans la judiciarisation des affaires politico-financières : de la Troisième République au début des années 1980 – période émaillée de scandales politico-financiers (affaire des décorations, du trafic des piastres . ) classiques, avec un faible rôle des hommes politiques, impliquant peu les élus locaux, rarement sanctionnés et en nombre relativement peu élevé - et la période ouverte après 1980. [...]
[...] Dans le prolongement de cette dernière réflexion, l'auteur intègre les effets historiques de l'action collective des magistrats sur les règles institutionnelles et professionnelles. Il détaille ainsi les recompositions de l'institution issues des actions collectives; par exemple l'abandon du mode de nomination du juge d'instruction par le parquet. Toutes ces recompositions ont réduit le champs des possibilités d'intervention politique dans l'espace judiciaire et ces interventions sont désormais jugées comme illégitime et symboliquement mal perçues. Cependant, l'auteur explique que le cadre analytique des transformations internes de l'institution judiciaire pour expliquer le nouveau rapport avec le politique. [...]
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