Droit, société, parité, représentations sociales, inégalités sexuées, Commission de loi
Dans un article scientifique intitulé « Faire la loi, faire le genre : conflits d'interprétations juridiques sur la parité », Éléonore Lépinard (chercheuse spécialisée sur les thématiques liées aux liens entre féminisme et multiculturalisme et aux questions sur le féminisme européen) tente d'adopter une analyse normative des rapports de genre. En effet, au delà de la perspective interactionniste sur le genre (Erving Goffman, L'arrangement des sexes) qui le présente comme un produit des interactions quotidiennes (« un faire, une suite d'activités micropolitiques rendue possible par l'organisation de la vie sociale et reproduisant en retour des identités de genre apparemment naturelles »), Éléonore Lépinard cherche à adopter une grille de lecture différente qui insiste davantage sur le rôle du droit comme producteur de genre. Aussi, l'auteur s'appuie sur la loi sur la parité pour mettre en valeur les mécanismes par lesquels le droit produit des « catégories de genre » et institue des « rapports sociaux de genre spécifiques ».
[...] Ainsi, les quotas de sexe sont jugés par une partie de la classe politique comme inconstitutionnelle du fait de la rupture qu'ils introduisent avec « l'universalisme abstrait ». Cet exemple illustre idéalement le rôle essentiel de l'expertise juridique (principe de la « liberté de l'électeur » supposé contraire à la loi sur la parité, page ) comme outils de légitimation de rapports de genres inégaux et instrument d'influence du contenu politique de la parité, son champs d'application et son degré de contrainte. [...]
[...] Aussi, l'auteur explique comment cette expertise féministe s'est développée puis s'est insérée dans le jeu politique avec la création de nombreuses institutions au cours des années 1990 (Secrétariat d'Etat chargé du droit des femmes, Observatoire de la parité . En outre, l'expertise féministe s'est donc imposée comme un savoir alternatif et critique sur l'expertise traditionnelle juridique des rapports de genre en politique, et ce notamment par la mise en avant de nouvelles sources juridiques comme la Convention internationale pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes ou la jurisprudence européenne sur les thématiques d'égalité en politique. Au final, cette opposition de l'expertise féministe à l'expertise sénatoriale referme des divergences sur la perception des rapports sociaux de genre. [...]
[...] Cependant, l'auteur affirme que les catégories de genre ainsi produites ne demeurent pas figées et que les conflits d'interprétation (notamment politiques) façonnent directement leur signification. Aussi, les débats parlementaires participent largement à cette production sur le genre ( « discours concurrents sur le genre », « définition légitime de l'égalité des sexes et sa traduction en termes juridiques »). Par exemple, les rapports de genre sont largement variables si la norme et les débats politiques définisse cette notion de genre comme biologique plutôt que sociale, « selon qu'ils conçoivent l'égalité comme égalité formelle ou égalité de résultat » . [...]
[...] Loïs MARTIN Cours d'approfondissement-Usages sociaux et politiques du droit Note de synthèse Éléonore Lépinard, « Faire la loi, faire le genre : conflits d'interprétations juridiques sur la parité », in Droit et Société, 2006/1 – N°62, pages 45 à 66 Dans un article scientifique intitulé « Faire la loi, faire le genre : conflits d'interprétations juridiques sur la parité », Éléonore Lépinard (chercheuse spécialisée sur les thématiques liées aux liens entre féminisme et multiculturalisme et aux questions sur le féminisme européen) tente d'adopter une analyse normative des rapports de genre. [...]
[...] Ainsi, comme l'explique l'auteur, « pour les députés en faveur de la réforme, la sous-représentation des femmes en politique n'est pas un phénomène naturel sur lequel le politique n'aurait aucune prise, il s'agit au contraire d'une inégalité socialement construite, résultant des rapports de pouvoir » (page 61). Pour conclure, l'auteur réaffirme que – comme l'illustrent les débats parlementaires sur la parité - « les expertises et les argumentaires juridiques mobilisés dans les conflits politiques utilisent et véhiculent des représentations normatives de genre » (page 64). Au final, le droit est bien producteur de genre. [...]
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