En réalité, on montrera que si la différence est au fondement même de la nécessité du Droit, une différence, en soi, ne peut en aucun cas fonder, i.e. justifier, un droit individuel particulier, si bien que le Droit ne peut connaître que des hommes égaux, au-delà de leurs différences.
Le droit institue un équilibre, en cela qu'il fige un certain nombre de règles régissant les rapports entre les individus. Il est dès lors apparent qu'il peut être instrumentalisé pour transformer une inégalité de fait en une inégalité de droit...
[...] C'est toute la différence entre l'Etat républicain, dont l'équilibre repose sur la chose commune (res publica), i.e. le Droit, ou en d'autres termes l'ensemble des droits et libertés reconnus communément aux citoyens (cf. la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789), et l'Empire, qui repose sur le rapport de force, i.e. le droit du plus fort. De façon plus générale, un contrat privé ou une convention internationale n'est pas obligé de résulter d'une différence et peut bien au contraire résulter d'une envie de construire en commun, d'un désir de dépasser les différences initiales. [...]
[...] Karl MARX a certes tenté de démontrer que toute société se caractérise par une inégalité figée par un certain type de rapports de production jusqu'à ce qu'une révolution n'intervienne et ne permette le passage à une nouvelle société caractérisée par un nouveau rapport de production, mais le droit s'inspire aussi et surtout très largement de l'acte fondateur qu'est la Constitution d'un peuple, et dont la portée ne saurait être réduite à un simple rapport de force entre dominés et dominants. Tout contrat n'est en effet pas forcément le résultat asservissant d'un rapport de forces. Le contrat social défini par J.-J. [...]
[...] Dès lors, il est manifeste qu'une différence non dépassable (un rapport de forces inégal par exemple) intervenant dans la sphère publique fonde la nécessité du Droit. Dès lors, la différence fonde la nécessité du Droit au moins à trois égards : un renversement de rapport de force, une volonté commune de définir une frontière commune entre sphère publique et sphère privée et, enfin, un déplacement, précisément, de cette frontière. Il convient cependant de distinguer le Droit des droits, et de noter qu'en aucun cas la différence ne peut fonder, i.e. justifier en soi, un droit. [...]
[...] Ceci ne veut pas dire que la différence ne soit pas enrichissante et qu'il ne faille pas la préserver, mais simplement que la différence devient un obstacle à la liberté à partir du moment où elle enferme les individus dans leurs différences respectives et exclusives sans qu'aucun dépassement de celles-ci ne soit envisageable. Le fait que la différence soit au fondement de la nécessité du Droit, n'implique donc en rien qu'elle puisse fonder, i.e. justifier, en soi, les droits individuels. [...]
[...] C'est en effet la chose commune (res publica), le Droit public, bien plus que nos différences, dont l'affrontement est régulé par le droit privé, qui détermine nos droits. Plus que des droits, la différence fonde ainsi avant tout le devoir : le devoir de respecter la différence d'autrui, et le devoir d'assumer ma liberté avec responsabilité, car, comme l'affirme avec force Emmanuel Kant, un droit est recht ou unrecht selon qu'il est conforme ou contraire au devoir (Introduction à La métaphysique des mœurs). [...]
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