Imaginer la loi - le droit dans la littérature - mouvement droit et littérature - Antoine Garapon et Denis Salas - Grands Enjeux de la justice
« Une règle de droit est une règle de vie. Elle est fondée sur les dogmes et les expériences de la vie, et les dogmes et les expériences de la vie sont conservés dans une bibliothèque bien plus large que celle comprise entre les couvertures des livres de droit. »1
« Droit et littérature », l'association de ces deux mots demeure en France à l'état embryonnaire. En effet, tout semble les séparer : au droit la rigidité, l'austérité et le prescriptif, à la littérature l'imaginaire, la singularité et le descriptif. Toutefois, il n'en va pas de même aux Etats-Unis puisque le mouvement « droit et littérature » initié par John Wigmore au début du XXe siècle a su dépasser ces contradictions et se développer. Ce dernier, soucieux de rétablir la littérature comme une source du droit à part entière, créa le mouvement en dressant une liste de legal novels à destination des juristes afin de les instruire sur leur propre profession.
Le rapprochement entre droit et littérature peut s'aborder à partir de trois angles différents : le droit de la littérature, le droit comme littérature et le droit dans la littérature. Cependant, le mouvement « droit et littérature », fruit de la collaboration de juristes, de philosophes et de littéraires, entend moins étudier le droit de la littérature et le droit comme littérature, que chercher, dans les grandes oeuvres de fiction, des réponses aux questions les plus fondamentales que posent la loi, la justice et le pouvoir.
C'est précisément dans le prolongement de ce courant que s'insère Imaginer la loi, le droit dans la littérature. Ce recueil d'articles sous la direction d'Antoine Garapon et de Denis Salas restitue les travaux d'un colloque à la Cour de cassation pour l'Institut des hautes études sur la justice, l'Association française pour l'histoire de la justice et l'Ecole nationale de la magistrature. Il a pour objet de démontrer que la littérature recèle elle aussi sa propre intelligence du droit. De fait, la littérature réfléchit le monde de la justice et du droit et de cette manière elle forge la conscience juridique du « commun des mortels ». Elle est en quelque sorte une représentation de la vie des normes. Ainsi, il convient de s'interroger sur la manière dont la littérature extériorise cette intelligence du droit.
En conséquence, il s'agira dans un premier temps de se pencher sur l'image du monde du droit que reflète la littérature (I) pour ensuite aborder l'expérience dramatique de la justice à travers les formes du procès dans la littérature dans un second temps (II) et enfin, dans une troisième partie, d'analyser le rôle de l'écrivain au sein du monde de la justice et du droit (III). A noter que le livre étant composé d'articles écrits par différents auteurs, il serait difficile de traiter l'aspect critique de ce dernier dans une partie indépendante. C'est pourquoi, par souci de cohérence, cette partie critique sera intégrée au résumé même.
[...] ( . ) Qu'on ose me traduire en Cour d'assise, et que l'enquête ait lieu au grand jour »31 Un engagement raillé Si l'article «J'accuse » publié le 13 janvier 1898 dans L'Aurore est connu de tous, l'ampleur de l'engagement d'Emile Zola pour la cause du capitaine Dreyfus l'est moins. Pourtant, de 1896 jusqu'à sa mort en 1902, Zola n'aura de cesse de défendre Dreyfus alors que sa remarquable intuition des ressorts de l'affaire32 lui vaudra injures, menaces, une condamnations à un an de prison, l'exil et la solitude sans que jamais ce dernier n'obtienne gain de cause puisqu'à sa mort si Dreyfus est gracié, une loi d'amnistie demeure comme une « ultime iniquité »33 Un engagement rallié Toutefois, Emile Zola, initiateur de l'Affaire et le premier des intellectuels dreyfusards, sera par la suite érigé en symbole de l'engagement pour la liberté et la justice. [...]
[...] En conséquence, seul Dieu, le juge naturel, le droit suprême est considéré par Balzac comme la vraie justice. En bref, si dans son article « Balzac ou comment mettre le droit en fiction », Gérard Gengembre démontre avec brio de quelle façon l'œuvre balzacienne est saturée par le droit, il est toutefois regrettable que cette démonstration-ci se fasse au détriment de la vision balzacienne de la justice qui aurait pu à mon sens être davantage développée. Il manque à l'article de G. Gengembre cette décomposition du raisonnement de l'auteur abordé à laquelle se livra François Ost. [...]
[...] LA LITTERATURE AU MIROIR DE LA LOI Il s'agit dans un premier temps d'avoir une vision d'ensemble du mouvement « droit et littérature », son objet et ses moyens avant d'examiner tour à tour les œuvres de Sade, Balzac et Gide. L'objet du mouvement « Droit et littérature » : un renversement du cycle Bien que l'objet du mouvement « Droit et littérature » à savoir réintroduire les legal novels dans les lectures quotidiennes des juristes puisse apparaître innovant, il n'en est rien tant cette unité des deux cultures s'avère en fait être une constante historique 1. [...]
[...] La représentation du procès dans le roman Ici encore il s'agira de mettre en exergue les écueils du procès (jugement arbitraire, discours justificateurs instrumentalisé, procès équitable et Etat de droit fragiles) avant de reconnaître sa nécessité. La culpabilité universelle dans Les Frères Karamazov « Souviens toi que tu ne peux être le juge de personne. Car avant de juger un criminel, le juge doit savoir qu'il est lui-même aussi criminel que l'accusé, et peut-être plus que tous coupables de son crime. Quand il l'aura compris, il pourra être juge. »20 C'est de son expérience du bagne et de l'erreur judiciaire que Dostoïevski tire la matière de ses romans notamment Les Frères Karamazov. [...]
[...] Toutefois, il n'en va pas de même aux Etats-Unis puisque le mouvement « droit et littérature » initié par John Wigmore au début du XXe siècle a su dépasser ces contradictions et se développer. Ce dernier, soucieux de rétablir la littérature comme une source du droit à part entière, créa le mouvement en dressant une liste de legal novels à destination des juristes afin de les instruire sur leur propre profession. Le rapprochement entre droit et littérature peut s'aborder à partir de trois angles différents : le droit de la littérature, le droit comme littérature et le droit dans la littérature. [...]
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