révocation, aliénations, principe d'inaliénabilité, domaine, édit de Moulins
Le statut du domaine royal constitue, dans l'histoire, un indice important, permettant de renseigner sur l'État général d'une société. En effet, la vision patrimoniale du pouvoir, et par conséquent du domaine de la couronne, des rois Francs est un des traits fondamentaux de la société qu'ils avaient mis en place. Selon cette vision du pouvoir, le roi en exercice pouvait disposer des éléments de la couronne comme bon lui semblait : les aliénations étaient donc fréquentes.
En application de cette conception du pouvoir, les rois avaient coutume d'aliéner leur domaine, en concédant par exemple des apanages : ces apanages étaient en fait constitués d'une partie du domaine, ainsi que de droits s'exerçant sur ce domaine, et pouvaient avoir plusieurs usages. Ils pouvaient servir à décourager les prétendants à la couronne lorsqu'ils étaient concédés à des enfants, voire à des frères et sœurs du roi, ou étaient utilisés pour s'assurer de la fidélité des seigneurs envers le Roi.
Le XIIIème siècle a été parsemé d'aliénations importantes, celles-ci étant accentuées par le principe d'indivisibilité du domaine au profit de l'aîné. Louis VIII sera le premier roi à prendre conscience, dès 1225, qu'un domaine étendu était une source de pouvoir importante, dans la mesure où elle permettait la constitution d'apanages multiples et conséquents. Son père, Philippe Auguste, lui a en effet cédé avec la couronne, un royaume étendu par ses multiples conquêtes. Philippe IV, à la fin du XIIIème siècle, sera le premier à s'inquiéter, face au problème représenté par les aliénations. Une des meilleures solutions imaginées a été de faire reconnaître le principe d'inaliénabilité du domaine, au même titre que l'inaliénabilité de la couronne et des pouvoirs qui y sont attachés. Une reconnaissance d'inaliénabilité amènerait à garder de manière stricte l'unité du domaine. Celui-ci ne pourrait alors pas être vendu, morcelé, hypothéqué, ou grevé de servitudes.
[...] Lors de lé révocation d'une aliénation, le roi dispose d'une grande liberté. Invoquant l'inaliénabilité de son domaine, il peut décider, par ordonnance, de faire annuler toutes les aliénations effectuées pendant une période déterminée, ou depuis le sacre d'un roi particulier. Les exemples de révocations ponctuelles sont nombreux, et témoignent de la volonté commune des rois de faire revenir dans leur domaine Par une loi du 29 Juillet 1318, Philippe V révoque toutes les aliénations qui ont été faitesdepuis le règne de Saint Louis. [...]
[...] Suite aux aliénations ponctuelles, la doctrine savante a essayé de fairereconnaître un principe général d'inaliénabilité. Le but étant de limiter le roi gardien du domaine dans ses aliénations, afin qu'il puisse revendiquer largement les biens du domaine. A la fin du XIIIémesiècle, Evrard de Trémaugnon, dans son Songe du Vergerinstaure les premiers éléments d'une doctrine, destinée a placer plusieurs droits de la couronne hors de la volonté du roi. Jean de Terrevermeille, en 1418, reprend les idées de Trémaugnon, et va encore plus loin : il est l'un des premiers a considérerque le roi n'est en aucun cas maître de son patrimoine. [...]
[...] De ces exceptions, il faut déduire le principe, qui est celui de l'inaliénabilité. Ensuite, l'Édit de Moulins ne prohibe pas de manière catégorique les aliénations. Il est même possible de considérer que cet Edit multiplie les exceptions, faisant perdre au texte une partie de sa force. Dans son premier article, l'Édit de Moulins pose déjà deux exceptions, permettant au roi de continuer a aliéner son domaine. Celui-ci peut toujours en effet, sous certaines conditions qui restent strictement encadrées, accorder des apanages, ou engager une partie du domaine de la couronne auprès des créanciers. [...]
[...] Il faudra cependant attendre l'Édit de Moulins pour voir reconnaître ce principe de manière véritablement générale (B.). A. Le reconnaissance timide du principe d'inaliénabilité dans de multiples écrits Dès la fin du XIIIèmesiècle, il apparaît clairement que les aliénations du domaine de la couronne ont des conséquences graves sur la totalité du royaume. Les théoriciens s'accordent donc pour tenter de limiter les pouvoirs du roi sur celui-ci. En 1329, à Vincennes, se tient une assemblée de légistes. Ceux-ci commencent a défendre le principe d'inaliénabilité du domaine. [...]
[...] Il n'est donc pas évident de dater, selon les théoriciens de l'époque l'apparition et la reconnaissance du principe d'inaliénabilité. La seule certitudeque nous pouvons avoir, est que cette notion prend pied dans le moyen âge. Par quels aménagements, dans la gestion du domaine royal a t-on pu aboutir à la reconnaissance d'un principe général d'inaliénabilité, en totale opposition avec l'ancienne visionpatrimoniale du domaine ? Plutôt que de dater de manière ponctuelle l'apparition de la règle d'inaliénabilité au moyen âge, afin de justifier la mise en œuvre de celle-ci, il semble plus opportun de se pencher sur l'évolution qui a mené à la reconnaissance générale d'un tel principe : Les tentatives ponctuelles de protection et de reconstitution du domaine, observables dès le XIIIèmesiècle ont en effet amené, pour plus d'efficacité, à la proclamation générale deux siècles plus tard, d'un principe d'inaliénabilité, considéré alors comme une règle fondamentale dans la définition du statut du domaine (II). [...]
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