Juge, histoire, libertés fondamentales, Constitution, immunité historique, historien
« Le satanique ennemi de la véritable histoire : la manie du jugement » disait Marc Bloch.
L'histoire est selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales « La recherche, la connaissance, la reconstruction du passé de l'humanité sous son aspect général ou sous des aspects particuliers, selon le lieu, l'époque, le point de vue choisi ; c'est l'ensemble des faits, le déroulement, de ce passé ». Emmanuel Cartier la définit d'abord comme une science relevant de « la combinaison intelligible de faits ou d'évènements appuyant une démonstration au service de la connaissance ». Mais l'histoire ne se résume à cela ; l'histoire est également l'appréciation personnelle et individuelle des faits historiques et l'interprétation (notamment en cas d'absence de certains éléments).
Le terme de juge, quant à lui, « s'applique […] aux professionnels dont la situation est régie par le statut de la Magistrature et qui […] participent au fonctionnement du service public de la justice ».
[...] Qu'en est-il vraiment ? En vérité, bien qu'ayant une incidence indirecte sur l'histoire, le juge ne juge pas le fond, mais la forme du travail de l'historien, en questionnant les preuves disponibles à celui-ci. L'histoire est donc bien autonome dans ce sens. Un principe, remis en cause certes, découle même de cette idée : c'est le concept d'immunité de l'historien ; l'erreur historienne doit-elle être banalisée et créer une exception dans la règle de droit, interdisant à quiconque de soumettre un recours en justice contre un historien ‘'honnête'' et de pouvoir juger le contenu de ses ouvrages ? [...]
[...] L'application de ce texte au travail de l'historien est difficile. La notion même de dommage peut revêtir des caractères diverses et variés ; alors que dans les cas habituels, il s'agit de préjudices physiques facilement estimables (notamment en terme de réparation) il s'agit plutôt dans notre cas d'atteinte à l'intégrité morale d'un individu ; une atteinte à sa vie privée, à son honneur, à sa conscience, bien plus complexe à traduire en dommages et intérêts, le principal mode de règlement d'un préjudice. [...]
[...] En d'autres termes, à quel point le droit régit-il l'histoire ? Comme la France est un État de droit reconnaissant les libertés fondamentales de l'individu et que l'histoire est une science complexe, particulière, causant intrinsèquement des difficultés à l'historien il semble que le droit doive s'en détacher En revanche, l'historien doit être responsable de ses propos, doit en répondre et n'acquière en rien une ‘'immunité historique'' et la liberté individuelle est limitée par le droit, notamment lorsqu'il s'agit de liberté d'expression c'est pourquoi le droit se doit de répondre à certaines problématiques en empiétant nécessairement sur le domaine de l'histoire (II). [...]
[...] Avant de reprendre l'analyse, il faut à nouveau observer la définition du droit ; celui-ci sert à organiser la société, cela est une chose, mais ce n'est pas sa seule vocation ; il sert à préserver la paix sociale. C'est là que l'histoire s'y confronte. S'il toléré que les individus pensent librement, cela est bien moins évident quand ils rendent publiques leurs opinions. Peut-on tout dire en public ? On se souvient de l'affaire Dieudonné qui avait focalisé l'attention de la presse française en 2014, son spectacle interdit par le Conseil d'État, accusé d'antisémitisme, négationnisme Que fait le juge face à de telles accusations ? [...]
[...] On voit donc que le droit n'attaque pas directement les propos de Faurisson et ne lui demandent pas de répondre de ses actes pour avoir outré, choqué une communauté, mais par un moyen autre, en mettant en évidence sa procédure malhonnête ; on voit que le juge a réagi avec soin, en ne violant pas les libertés fondamentales. Mais ce n'est pas le seul évènement juridique permettant d'observer la démarche du juge et du droit en général dans sa confrontation avec l'histoire. Un texte de loi cette fois-ci a permis de dénoter une fois de plus le caractère étonnamment ambigu des relations entre Clio et Thémis. [...]
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