Le 10 juillet 1940, l'Assemblée nationale accorde tout pouvoir au gouvernement de la République, sous l'autorité et la signature du Maréchal Pétain. Les 10 et 11 août, 4 actes constitutionnels précisent la nature du régime. Le premier abolit l'amendement Walon sur l'élection du Président de la République, le second fixe les pouvoirs du chef de l'Etat qui a « plénitude du pouvoir général », le troisième ajourne les chambres et le quatrième donne une certaine coloration au régime en désignant la succession du chef de l'Etat de son vivant. Un nouveau régime se dessine donc avec comme clé de voûte, le chef de l'Etat. Le corporatisme, un nationalisme d'exclusion, un anticommunisme viscéral, une politique antisémite et le choix délibéré de la collaboration permettent de définir le régime de Vichy.
[...] Cette marge de manœuvre réduite concernait aussi bien le contenu des audiences que le suivi des dossiers. Les magistrats étaient tenus responsables non seulement de leurs décisions, éventuellement jugées trop clémentes, mais aussi des comportements des autres participants à l'audience, et en particuliers de avocats. Les magistrats résistants encouraient de grands dangers car ils n'étaient pas protégés par leur statut particulier aux yeux des autorités d'occupation. Les magistrats étaient conscients des risques qu'ils encouraient par l'exemple de magistrats arrêtés, déportés, assassinés, ou à travers des inspections et demandes de justifications provoquées par la dénonciation de leurs pratiques. [...]
[...] Christian BACHELIER et Denis PERSCHANSKY, L'épuration de la magistrature sous Vichy in L'épuration de la magistrature de la révolution à la libération, AFHJ pp et s. Où ne figurent plus les protestants qui forment désormais avec les catholiques un milieu politiquement homogène. Alain BANCAUD, Une exception ordinaire : la magistrature de 1930 à 1950, éd. Gallimard, coll. Essais Michel TROPER, Positivisme in Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2ième édition, Paris, LGDJ pp.461- 462. Michel TROPER, La doctrine et le positivisme in Les usages sociaux du droit, CURAPP-PUF, Paris pp.292. Cabinet du Garde des Sceaux, note du 7 janvier 1943. [...]
[...] Ces hauts magistrats étaient eux-mêmes placés sous la surveillance de l'autorité préfectorale. Ainsi, à quelque moment qu'elle intervienne, au cours de l'information comme à la suite du jugement prononcé par les sections spéciales, aucune mise en liberté ne sera prescrite sans consultation préalable de l'autorité préfectorale. Le 9 juillet 1943, le régime ira même plus loin avec une circulaire adressée aux procureurs généraux leur précisant que les chefs d'établissement pénitentiaires doivent désormais prévenir l'autorité préfectorale quelque temps avant la libération. [...]
[...] Les magistrats disposaient donc d'atouts considérables pour saboter de l'intérieur la politique répressive menée par le biais de leur tribunal en étant susceptibles de bénéficier d'informations dès qu'ils étaient saisis d'une affaire par la police, en modifiant des dossiers en les sabotant lors de l'instruction (certains s'évertuaient à rendre tout inintelligible) mais aussi, en ayant accès aux prisonniers et en pouvant demander avec une certaine légitimité aux gardiens de prison quels étaient les systèmes de sécurité. Les possibilités d'action ouvertes par la profession de magistrat étaient d'autant plus intéressantes qu'elle pouvaient jouer de manière précoce dans le processus judiciaire, permettant de freiner son évolution et de faire durer la période précédent le procès proprement dit et donc une possible sanction, alors même que les jugements étaient sous contrôle des juridictions d'appel mais aussi des Allemands. Cette position charnière permet peut-être d'expliquer la surreprésentation des juges du parquet et de l'instruction parmi les magistrats résistants recensés. [...]
[...] Histoire de la justice. Liora ISRAËL, Robes noires, années sombres : avocats et magistrats en résistance pendant la seconde guerre mondiale, Paris Jean-Paul JEAN, Quel regard porter sur les magistrats ayant siégé dans les juridictions d'exception sous l'occupation ? in La justice des années sombres, 1940- la documentation française, coll. Histoire de la justice. Danièle LOCHAK, Ecrire, se taire Réflexion sur la doctrine antisémite de Vichy in Le Genre Humain no 30-31, Le droit antisémite de Vichy Mai 1996, Actes du colloque international L'encadrement juridique de l'antisémitisme sous le régime de Vichy, Dijon et 20 décembre 1994, Edition du Seuil. [...]
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