Le texte que nous allons étudier aujourd'hui est un extrait d'un procès ordinaire à l'encontre d'une femme prévenue d'infanticide au sein de la prévôté d'Arches, issu des archives départementales de Meurthe-et-Moselle. Margueritte est soupçonnée d'avoir étranglé son fils à sa naissance et d'avoir fait porter son corps derrière un buisson par un autre de ses fils nommé Demangeon, âgé de 8 ou 9 ans.
Le texte s'articule en 4 parties, rédigées par des autorités compétentes à des moments successifs et chronologiques du procès. La première de ces parties comporte le compte-rendu de l'interrogatoire de Margueritte et de son fils par le prévôt d'Arches datant du 19 juin 1593. La seconde partie est la réponse du procureur général des Vosges, datant du 25 juin 1593, qui exprime la condamnation à mort de Margueritte. La troisième est du 26 juin 1593, et provient du maître échevin et des échevins de Nancy, qui approuvent la condamnation à mort. La dernière enfin est le compte-rendu par le clerc-juré de la mise à mort de Margueritte, le 5 juillet 1593. Même si le Duché de Lorraine est une entité séparée du Royaume de France, ce dernier y garde une influence non négligeable. La France et le Duché, à la tête duquel on trouve Charles III, entretiennent une traditionnelle politique d'entente et d'amitié. De ce fait, les institutions des deux entités sont proches. En matière juridique, le découpage territorial du Duché de Lorraine présente des caractéristiques très similaires à celui du Royaume de France. On y retrouve les bailliages, au nombre de trois (bailliage de Nancy, d'Allemagne, et de Vosges). Chaque bailliage est subdivisé en plusieurs juridictions inférieures, les prévôtés. C'est dans la prévôté d'Arches, à quelques kilomètres au sud-est d'Epinal, dans le bailliage de Vosges, que l'affaire présentée aujourd'hui a lieu.
En quoi ce texte nous renseigne-t-il sur la cause et le déroulement d'un procès de justice criminelle à la fin du XVIe siècle ?
[...] Du point de vue religieux, un enfant tué avant d'avoir reçu le baptême et privé de sépulture n'est pas cautionnable. Sans le sacrement et la tombe, le nouveau-né ne peut pas accéder au salut. Le poids de la religion est important dans le duché de Lorraine, comme le démontre la vivacité de la lutte des Lorrains lors des guerres de religion et l'opposition face au calvinisme. C'est cet aspect spirituel qui prédomine en fait dans l'opinion de la population vis-à-vis d'une mère infanticide Cette dernière va faire l'objet de la seconde sous-partie. Margueritte, un cas typique ou atypique ? [...]
[...] Ce qui témoigne également de la singularité de cet infanticide, c'est la réaction des villageois, qui sont inexistants dans l'affaire. D'ordinaire, le voisinage et la communauté villageoise sont plus impliqués, et mènent leur propre enquête à côté de celle des figures juridiques. Ici le procès n'est pas intenté par une personne du village, et aucun témoin, en dehors du propre fils de Margueritte, n'est entendu. Après s'être attardé sur l'objet du procès, à savoir le crime et la criminelle, il serait intéressant de voir en quoi ce texte nous renseigne sur la justice locale de la fin du XVIe siècle dans le Duché de Lorraine. [...]
[...] Texte Justice et Société 1593 Procès de Margueritte femme Nicolas Jacot Lhoste prévenue d'infanticide Source : Arch. dép. Meurthe-et-Moselle B 2509, prévôté d'Arches. L'étiquette porte Procès de Margueritte fem[me] de Nicolas Jacot Lhoste de Xenenat1 et une précision que nous avons reportée à la fin de cette édition. Transcription par Jean-Claude Diedler, Antoine Follain et Rosine Hochuli, historien, professeur des universités et étudiante en master (1er semestre 2008-2009). Ce jourd'huy dix neufieme jour du mois de juin mil cinq cens quatre vingtz et treize, Nicolas Pirouel prevost d'Arches estant adverty qu'au vilage de Xennenat on avoit veu une truye qui emportoit un enffant de deux ou trois jours seulement ; afin de sçavoir à qui estoit led[ict] enffant, auroit ordonné aux maire et gens de justice des ban et chambre 5 de Moulin2 de s'enquérir bien soigneusement quelles femmes ou filles il y avoit accouchées aud[ict] Xennenat et autres vilages de leurs offices ; à quoy lesd[icts] de justice ayans obeys auroient trouvé une nommée Margueritte se disant fem[me] de Nicolas Jacot Lhoste naguieres accouchée, et icelle 10 conduicte et menée au vilage du Moulin, lieu de ressort ; où led[ict] prévost s'est transporté ced[ict] jourd'huy ; et après le serment par elle presté, a esté oyé et interrogée sur lesd[icts] faict, circonstances et deppendances et ses interrogatoires et responces mises en escrit par le clerc juré dud[ict] Arches ainsi que s'ensuyt Et premier. [...]
[...] Chaque bailliage est subdivisé en plusieurs juridictions inférieures, les prévôtés. C'est dans la prévôté d'Arches, à quelques kilomètres au sud-est d'Epinal, dans le bailliage de Vosges, que l'affaire présentée aujourd'hui a lieu. En quoi ce texte nous renseigne-t-il sur la cause et le déroulement d'un procès de justice criminelle à la fin du XVIe siècle ? Pour ce faire, il convient d'étudier tout d'abord le crime en lui-même, ensuite de voir le procès et son déroulement, pour enfin dégager les aspects institutionnels et sociaux qui en sont issus. [...]
[...] L'aveu de Margueritte lors de sa première déposition évite cela, car le crime est avéré et la culpabilité incontestable. Après ce premier interrogatoire et la confrontation du fils de l'accusée, le prévôt avertit le procureur général du bailliage. Dans le cas d'une affaire criminelle, ce dernier doit participer à la procédure. Lui seul peut édicter une sentence, le prévôt n'en étant pas habilité comme on l'a vu auparavant. Les échevins contribuent au procès en réfutant la manière de mettre à mort l'accusée préconisée par le procureur. [...]
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