Dans sa Théorie pure du droit, Hans Kelsen nous explique que les valeurs – c'est-à-dire les conceptions que se fait un individu, une société de ce qui est bon, vertueux, estimable – ne sont pas produites par une entité divine (Dieu, ou la Nature qu'il a créée), mais par les hommes : ainsi, elles ne sont pas des vérités universelles et absolues. La raison humaine permet en effet de produire des normes (du latin norma (équerre, règle), règles qui tracent les lignes de conduite qui déterminent ce qu'un individu est censé accomplir) qui dépendent des contextes culturels, sociaux, moraux, et juridiques ; or ces normes conditionnent l'esprit humain, donc à la fois les valeurs, et le jugement porté sur les valeurs. Kelsen adopte ainsi une conception volontariste du droit (par opposition à une conception transcendante du droit) ; autrement dit, Kelsen considère que les normes résultent du libre arbitre des hommes, et non d'une nécessité causale logique, naturelle.
[...] Aristote nous montrait déjà que tout droit, donc tout droit naturel, est arbitraire, car variable d'un individu à l'autre, d'une situation à l'autre. Les normes du droit naturel sont également arbitraires, car elles reposent sur une croyance irrationnelle en une entité naturellement divine, ou en un but idéalisé et divinisé, et sur des fondements irrationnels qui ne peuvent être prouvés scientifiquement. C'est notamment le cas de la thèse de Kelsen, qui pose une norme fondamentale fondement qui n'est déterminé par aucune autre norme, et que l'on ne peut donc justifier. [...]
[...] Nous avons vu que les valeurs peuvent avoir un caractère arbitraire, qu'elles découlent des normes posées par des actes de volonté humaine ou supra-humaine. Mais sont-elles nécessairement arbitraires ? Sommes-nous condamnés au relativisme des valeurs, ou ne sommes-nous pas aptes, en tant qu'êtres humains, à déterminer des normes absolues, c'est-à-dire universelles et nécessaires ? Il semble en effet que des valeurs absolues aient pu émerger de la pensée humaine, au moins en ce qui concerne sa survie, telle que l'interdiction du vol, de l'inceste (même si nous observons des variations dans les sanctions, les degrés de parenté autorisés entre civilisations). [...]
[...] Pas de droit naturel, selon Kelsen, car pas de volonté de la nature, et donc pas de norme absolue. Les sociétés établissent quant à elles une hiérarchie des normes, où chaque norme supérieure détermine une norme inférieure ; et cette hiérarchisation est nécessairement arbitraire. Selon la thèse historiciste, l'homme existe et pense au sein d'un contexte particulier : il ne peut ainsi avoir de jugements absolument valables, seulement un point de vue personnel et partiel, et l'historien est seulement capable de tirer des normes vouées à être remplacées par d'autres. [...]
[...] Lorsque le but à atteindre pour la société est idéalisé, l'éthique de responsabilité devient éthique de conviction. Weber nous décrit cette dernière forme d'éthique comme le ravivement d'une flamme, donc comme une passion ardente, aveuglante, dont le but peut être totalement irrationnel et ne peut être suffisant et applicable. La thèse qui admet l'existence de normes naturelles trouve enfin sa justification dans la récusation du positivisme juridique : les normes ne proviennent pas nécessairement de l'homme, et si les normes sont posées seulement par les hommes et sont donc arbitraires, les conséquences principalement le nihilisme - en sont négatives pour la société. [...]
[...] Une telle hypothèse pourrait réduire à néant la capacité de l'homme à proposer et imposer des normes juridiques. Nous pouvons dire que les normes du droit naturel sont tout d'abord arbitraires, c'est-à-dire irrationnelles, car le fondement de la loi naturelle réside dans les passions. Selon Hobbes, et Rousseau, il ne faut pas chercher le fondement de la loi naturelle dans la raison, mais dans la passion, dans le primum naturae. La loi naturelle s'enracine dans des principes antérieurs à la raison, elle ne sera pas efficace si ses principes sont contestés par la passion ou lui déplaisent, alors qu'elle pourra l'être si ses principes déplaisent à la raison. [...]
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