On se plaît souvent à dire que la théorie de la souveraineté puise ses origines dans l'oeuvre de l'incontournable Nicolas Machiavel ; il n'en demeure pas moins que l'illustre philosophe politique se voit déplorer dans son analyse une omission pour le peu paradoxale : l'absence même de la notion. En réalité, ce sont deux sources différentes confluent au concept : un premier versant, qui se situe au coeur des instables républiques de la péninsule italienne, qui rend possible la conception de la souveraineté en préparant le terrain au moyen d'un petit mais impactant opuscule politique ; l'autre versant est lui angevin, et consacre la lourde théorie au moyen de plusieurs milliers de page, dans son ouvrage majeur, Les Six Livres de la République, écrit en 1576. Pesant juriste et philosophe venant d'Angers la modeste, petite Bonne Ville de France contre politique et écrivain libre issu de Florence la magnifique, berceau foisonnant de la Renaissance, il s'agit de Jean Bodin (...)
[...] Il part alors pour Paris, où il devient avocat agréé au Parlement de Paris. A la capitale, il est plus sensibilisé { l'atmosphère critique du royaume de France. C'est { partir de qu'il adopte un regard différent que celui qu'il avait étant universitaire en province. Il est alors nommé par le roi pour plusieurs missions officielles. Mais, troublé par les conflits qui affaiblissent le royaume, Jean Bodin ressent le besoin vital de donner une base doctrinale { la monarchie pour consolider son autorité. [...]
[...] Jean Bodin, notons-le, était résolument contre ce que Mgr. Arquillière a appelé en 1934 l'augustinisme politique, c'est-à-dire la tendance { absorber le droit de l'Etat dans celui de l'Eglise, et la justice naturelle de l'Etat dans la justice surnaturelle et le droit ecclésiastique Bodin voit dans le souverain le représentant de la personne publique qu'est l'Etat. Excédé par les conflits sur la confusion du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel, il affirme bien que le souverain n'a de compte { rendre qu'{ Dieu et ne doit pas se soumettre à un corps ecclésiastique lui dictant son interprétation de la volonté divine. [...]
[...] Bodin l'affirme lui-même : la souveraineté n'a d'autres conditions que la loy de Dieu Il n'y a rien de plus grand sur Terre que le prince souverain, car son pouvoir est issu de Dieu. C'est dans cette mesure que le monarque peut se permettre d'édicter des normes en son bon plaisir ; la volonté de contestation doit être inhibée par la confiance qu'on doit naturellement vouer au souverain, qui tire son pouvoir des cieux. Il ne faut pas oublier que Bodin, depuis qu'il s'était installé à Paris, était extrêmement inquiet des troubles qui perturbaient le royaume de France, déchiré entre protestants et catholiques, ainsi qu'entre absolutistes et monarchomaques, qu'il percevait encore plus à la capitale du fait que le Parlement de Paris, réputé pour son agitation perpétuelle, amplifiait chaque problème, étant par nature plus virulent que les petits parlements de province. [...]
[...] Il n'en demeure pas moins que les Six Livres sont terminés en même temps que la tumultueuse Cinquième guerre de religion. Elle débute par le complots des malcontents1, mené par François d'Alençon qui était frère même du roi, et qui était tourné contre le gouvernement de Catherine de Médicis. D'un point de vue plus global, la cause de cette guerre s'inscrit dans l'idéologie monarchomaque naissante { la fin de ce siècle, qui rejette l'absolutisme voire même l'autorité du roi qu'elle désire remettre au peuple réuni. [...]
[...] A tel point qu'au final, on désire transférer cette souveraineté d'un prince au peuple (c'est la souveraineté populaire de Rousseau), ou d'un prince à des représentants du peuple (c'est la souveraineté nationale, promue pour la première fois par l'Abbé Sieyès). Finalement, les conceptions modernes ont fait un compromis entre les caractéristiques de la souveraineté théorisées par Jean Bodin (dont une grande partie a subsisté très longtemps) et d'autres caractéristiques plus populaires, émanant de sources variées allant de l'Ecole de Salamanque à Rousseau. III. I. SOMMAIRE Le concept d'Etat par la souveraineté comme puissance perpétuelle A. [...]
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