Les infractions sont habituellement classées selon trois catégories déterminées par l'article 111-1 du Code pénal. Cette classification, nécessairement abstraite, est parfois rigide et peu adaptée à la réalité des faits. C'est pourquoi le juge est parfois contraint d'entrer dans l'illégalité et de procéder à une correctionnalisation. Cette pratique consiste à appliquer une qualification correctionnelle à des actes normalement constitutifs de crimes. Ainsi, un vol avec arme, qui constitue un crime, peut devenir un délit si l'on omet l'élément constitutif que représente l'arme.
Cette pratique n'est cependant pas nouvelle et J. Ortolan, grand criminaliste du XIXème, la dénonçait déjà en 1875 : « le mot de correctionnalisation n'est pas plus français que le procédé n'est légal ». La correctionnalisation, après avoir connu près de deux siècles de parfaite illégalité, a récemment été partiellement consacrée et encadrée par le législateur. Bien que reconnu, le phénomène de correctionnalisation ne va cependant pas sans questionner la rigidité et le caractère proprement abstrait de la loi pénale et le rôle du juge dans son évolution.
Si la correctionnalisation a longtemps été une pratique illégale et contraire au principe de légalité (I), elle n'en est pas moins nécessaire au bon fonctionnement de la Justice pénale, comme le montre sa consécration partielle par la loi du 9 mars 2004 (II).
[...] Cependant, il ne s'agit pas d'une légalisation de la correctionnalisation, qui demeure une simple pratique tolérée et désormais encadrée. Il y a cependant apporté certaines conditions Le consentement des parties est assuré (présence d'un avocat) ; en outre, s'il s'avère qu'un délit non intentionnel a été perpétré de manière volontaire, avec intention de tuer ou de blesser, le tribunal peut alors se déclarer incompétent. Bibliographie Droit pénal et procédure pénale, JC Soyer Nouveau Droit Pénal, Le Guhenec Circulaire du 21 septembre 2004 Les initiatives procédurales des Parquets au XIXème siècle X. [...]
[...] La correctionnalisation contrevient donc au principe de légalité criminelle Le juge se trouve normalement enfermé dans ce principe de légalité criminelle qui l'oblige à appliquer la qualification exacte aux faits en présence. Ici, il contrevient délibérement à ce principe, et rend par là même la classification tripartite très relative. Par voie de conséquences, les règles tenant aux compétences juridictionnelles sont elles aussi violées La qualification des faits ayant changée, la juridiction compétente change aussi. C'est le tribunal correctionnel qui jugera l'affaire, alors même qu'il devrait légalement s'en dessaisir, puisqu'il n'a pas de plénitude de juridiction. [...]
[...] La correctionnalisation judiciaire permet au juge d'adapter la réponse du corps social aux circonstances de chaque affaire. Elle permet aussi d'adapter la justice pénale aux réalités sociales et à l'état des moeurs Permet d'adapter la loi pénale à l'état des moeurs de façon plus rapide, sans attendre l'intervention du législateur. Ex : circonstances aggravantes pour les vols commis par les domestiques : ont cessé d'être punis bien avant l'intervention du législateur en 1981. Par ailleurs, une correctionnalisation judiciaire est bien souvent un prélude à la correctionnalisation légale : le Nouveau Code Pénal a d'ailleurs tenu compte des correctionnalisations judiciaires pratiquées. [...]
[...] Elle engendre aussi des inégalités territoriales Il est par exemple avéré qu'un même crime (ex : viol) sera beaucoup plus facilement correctionnalisé en région parisienne, où la masse contentieuse est très importante, qu'en Province, où il peut garder un caractère exceptionnel justifiant une réponse forte de la part du corps social. Transition : acceptation de la pratique par les pouvoirs exécutifs depuis deux siècles il doit donc y avoir un intérêt à la tolérer. II. Une pratique pourtant nécessaire Les raisons d'être de la correctionnalisation Cette pratique est indispensable au bon fonctionnement de la Justice Les cours d'assises sont surchargées : impossibilité matérielle de traiter tout ce qui relèverait des crimes. Aggravation du poids de leur tache avec la possibilité d'un appel depuis 2001. [...]
[...] Il était donc nécessaire d'encadrer cette pratique. Le législateur a consacré partiellement la correctionnalisation par la loi du 9 mars 2004 La loi du 9 mars 2004 instaure un appel de l'ordonnance du juge d'instruction pour contester une qualification correctionnelle. Elle met aussi en place, afin de consacrer cette pratique, une interdiction pour le tribunal correctionnel de se déclarer incompétent sur la base d'une correctionnalisation. La correctionnalisation, dès lors qu'elle a été acceptée par les parties, prend un caractère définitif lors de la phase de jugement. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture