Tribunal criminel spécial, Cameroun, lutte contre la corruption, régime juridique particulier, loi du 14 décembre 2011
L'urgence de la situation en matière de lutte contre la corruption ne fait plus vraiment l'objet d'un débat ; ayant atteint le sommet de la hiérarchie mondiale en la matière au début des années 2000, la nécessité d'action forte s'est fait ressentir jusque dans les plus hautes sphères d'un pays pourtant marqué par une inertie et un manque de volonté patent.
De plus, les efforts des gouvernements en matière d'attraction des investissements privés étrangers sont restés relativement, voire clairement, un échec, en raison de la stagnation constante du Cameroun dans les profondeurs du classement « doing business », qui prend entre autres en compte, les efforts des états en matière de lutte contre la corruption, domaine sur lequel le Cameroun conserve envers et contre tous, un classement « très honorable » dans le top 10 des nations les plus corrompues de la planète.
[...] La non-conformité de la suppression du double degré de juridiction aux principes généraux de la procédure contentieuse. Il est constant dans la pratique des tribunaux et l'administration de la justice que le double degré de juridiction est un élément extraordinaire de garantie des droits de la défense. Le principe du double degré de juridiction suggère que chaque individu puisse voir sa cause être entendue et jugée à deux reprises (en premier et second degré). Cependant, il ressort de l'article 1er de la loi de 2011 sur le tribunal criminel spécial, que ce dernier connait des affaires en premier et dernier ressort, et que la seule voie de recours contre ses décisions est la voie de la cassation, ce qui laisse clairement entrevoir une disparition de l'appel, qui est en réalité la seule occasion pour le justiciable de se faire entendre de nouveau sur le fond de son raisonnement, la Cour suprême étant une juridiction de droit. [...]
[...] Dans son article intitulé le Tribunal Criminel Spécial : une imposture ? maître ASSIRA critique une telle démarche en affirmant que l'angle choisit par le législateur camerounais Pour faire face à la longueur des délais dans la procédure actuelle est critiquable Il est en effet un peut curieux de considérer que des problèmes aussi complexes que des investigations financières, puissent être menées dans des délais aussi courts alors que les aléas de la procédure sont hors de toute maîtrise Si la volonté de recourir les délais des procédures est profitable en principe aussi bien au système judiciaire qu'aux accusés, il est impératif d'éviter tout découpage sommaire qui en réalité traduit plus la recherche de la facilité et le non-traitement en profondeur de la question, avec pour conséquence la violation des droits de la défense. [...]
[...] Ainsi, la défense se voit véritablement limitée dans son champ de défense, et trop encadrée dans sa stratégie, ce qui pourrait avoir pour effet pervers de la déstabiliser et d'entrainer la condamnation d'innocents. Ces dispositions s'inscrivent pourtant en violation des théories juridiques, mais également des obligations internationales du Cameroun ; en effet, le Cameroun a adhéré à plusieurs instruments juridiques qui consacre pourtant l'égalité entre les parties au procès, c'est le cas par exemple de l'article 7 de la charte africaine des droits de l'Homme, ou encore de l'article 14 du pacte international des droits civils et politiques. [...]
[...] Le tribunal criminel spécial gagnerait à notre sens énormément en crédibilité et en conformité aux normes de protection de la défense, si tout d'abord le gouvernement poursuivait le toilettage de son régime juridique, et ensuite si ses juges démontraient leur sérieux et leur indépendance à travers des décisions basées sur des raisonnements juridiques et pas sur des inspirations politiques Avocat très concerné par les dispositions sur la lutte contre la corruption et très actif dans les procès dits épervier inédit Claude ASSIRA ; voir supra Vice recteur de l'université de Yaoundé II SOA La lutte contre les détournement in Cameroon tribune, Décembre 2011. [...]
[...] Au-delà des aspects sus évoqués, la procédure devant le tribunal criminel spécial présente encore d'autres sources d'inquiétude pour le justiciable, parce que non conforme avec les exigences d'une bonne justice. II- Du déséquilibre structurel de la procédure La procédure devant une juridiction met nécessairement en cause une pluralité de parties. En effet, le procès vise à trancher un différend entre deux ou plusieurs parties, ainsi qu'il ressort de la définition du différend, que la Cour internationale de justice donnait en 1963 dans l'affaire du Cameroun Septentrional, entre le Cameroun et la Grande-Bretagne.[6] Dans les procès devant le tribunal issu de la loi de 2011, il existe une relation directe entre la défense et l'accusation incarnée par le ministère public, et entre la défense et les juges. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture